Adam Smith (Kirkcaldy, 1723 – Edimbourg, 1790) est un intellectuel écossais affilié au courant des Lumières écossaises, connu pour être l’un des pères fondateurs de l’économie classique.
Professeur à l’Université de Glasgow, il y enseigne la philosophie et l’économie politique. Il publie en 1759 « La Théorie des sentiments moraux« , ouvrage de philosophie qui le rend connu en Grande-Bretagne. Dès 1763, il est tuteur d’un jeune duc qu’il accompagne pour parcourir l’Europe pendant trois ans, ce qui lui permet de faire des rencontres parmi les économistes et philosophes français. A son retour, il se consacre pendant dix ans à l’écriture de « La Richesse des nations » (1776), son ouvrage économique majeur.
Les idées développées par Smith ont été largement reprises par les économistes qui l’ont suivi. L’un des concepts qui a eu le plus d’impact est la métaphore de la « main-invisible »: selon celle-ci les individus, en agissant pour leur intérêt individuel, contribueraient involontairement au bien-être général de la société (Laval, 2008). Selon une interprétation, ceci implique que l’intervention de l’Etat est inutile dans la fixation des prix sur les marchés (car ceux-ci s’autorégulent); l’expression a donc souvent été mobilisée par les libéraux pour justifier la concurrence et le libre-marché.
La théorie des avantages absolus de Smith dit qu’un pays a intérêt à se spécialiser dans la production des biens pour lesquels il est plus efficace que les autres, et échanger les surplus de ces biens contre d’autres biens dont il aurait besoin. Ce faisant, Smith montre que le libre-échange est plus efficace que le protectionnisme, doctrine alors largement répandue. Cette théorie sera complétée par celle des avantages comparatifs de David Ricardo.
L’avantage absolu
On essaie de répondre à la question: « Pourquoi les pays pratiquent le commerce international ?« , c’est-à-dire qu’on essaie de comprendre pourquoi ils s’échangent des biens et des services entre eux. Smith apporte une réponse à cette question avec la théorie des avantages absolus.
Avant Smith, les Mercantilistes (16e-17e) voient dans le commerce international un moyen d’augmenter l’entrée de métaux précieux dans le Royaume. Pour eux, le but de l’échange est d’accumuler or et argent, car la richesse de la nation se mesure par les métaux précieux : ceux-ci permettant de financer l’armée du Roi, ils reflètent donc la puissance du pays. Obtenir des métaux précieux est donc l’unique raison pour laquelle le commerce international est acceptable (Siroen, 2008).
Dans la vision mercantiliste, pour que le pays s’enrichisse il doit avoir une balance commerciale favorable, c’est-à-dire exporter plus qu’il n’importe. Pour ce faire, chacun essaie de mettre des barrières à l’importation (protectionnisme) et de favoriser les exportations. Dans ce système, les intérêts des pays sont donc opposés : si un pays acquiert de la richesse, c’est au détriment d’un autre pays, ce que l’un gagne l’autre le perd. C’est ce que l’on appelle un jeu à somme nulle.
Aux 18e-19e, cette perspective change avec notamment Adam Smith et David Ricardo. Dans « La richesse des Nations« , Smith se positionne contre la vision mercantiliste. En suivant l’argument du jeu à somme nulle, il ne serait pas possible pour toutes les nations de s’enrichir simultanément (Das, 2007). Smith pense que, au contraire, l’enrichissement de tous est possible, à condition de se spécialiser dans la production du bien que l’on produit mieux que les autres. Cette réflexion découle de sa théorie de la division du travail : c’est l’idée qu’on peut être plus efficace dans la production d’un bien si on se répartit les tâches; ainsi chaque travailleur se spécialise dans une activité précise et il y consacre tout son temps. De cette manière, la productivité se trouve améliorée par la division du travail. Le raisonnement est similaire au niveau des pays, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production du bien qu’il produit le mieux, et à échanger le surplus contre d’autres produits. C’est la division internationale du travail (DIT).
Smith, explique qu’un pays possède un avantage absolu dans la production d’un certain bien quand la productivité (la production par heure de travail) de ce bien est plus élevée que dans les autres pays. Prenons un exemple avec deux pays et deux biens, en situation d’autarcie (ils ne pratiquent pas l’échange) :
Portugal | Angleterre | |
1L de vin | 10h | 20h |
1m de drap | 20h | 10h |
Heures et production totales | 30h pour 1m de drap et 1L de vin | 30h pour 1m de drap et 1L de vin |
60h pour 2m de drap et 2L de vin |
Au Portugal, un travailleur a besoin de 10h de travail pour produire 1 litre de vin, tandis qu’en Angleterre, le soleil étant moins généreux, il nécessite 20h. Pour le drap par contre, pour en produire 1 mètre, il faut moins de temps au travailleur anglais.
L’Angleterre possède donc un avantage absolu dans la production de drap, tandis que le Portugal possède un avantage absolu dans la production de vin.
Selon Smith, le Portugal a donc intérêt à se spécialiser dans la production de vin et l’Angleterre dans celle de drap. Si chacun cesse de produire le produit pour lequel il est moins efficace, et se consacre au produit pour lequel il a un avantage absolu, on arrive à la situation suivante : le Portugal affecte 30h de travail à la production de vin, et l’Angleterre 30h à celle de drap. Chacun pourra ensuite échanger le surplus de sa production avec l’autre pays. Cette théorie est donc un encouragement au libre-échange.
Portugal | Angleterre | |
Heures et production totales | 30h pour 0m de drap et 3L de vin | 30h pour 3m de drap et 0L de vin |
60h pour 3m de drap et 3L de vin |
Dans ce second tableau, on constate que chaque pays s’étant spécialisé dans le bien pour lequel il est le plus productif, la production totale a été augmentée : pour un même temps (60h de travail), on a produit au total 3m de drap et 3L de vin, contre 1m et 1L avant spécialisation.
En conclusion, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production du bien pour lequel il a un avantage absolu et laisser la production des autres biens à d’autres pays : « La maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu’à faire » (Smith, 2000). Ceci n’a de sens que si l’on peut s’échanger facilement les biens (situation de libre-échange).
Un problème apparait toutefois dans cette théorie si l’un des deux pays possède un avantage absolu pour les deux produits. Si l’on suit Smith, c’est un cas où il n’y aurait pas d’échange. David Ricardo va apporter une autre réponse avec sa théorie des avantages comparatifs.
Bibliographie commentée
Smith, A. (2000). Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations. Paris: Economica.
L’œuvre majeure d’Adam Smith, parue en 1776, est un des livres les plus importants dans l’histoire de la pensée économique. Cette œuvre synthétise et rend cohérentes les connaissances économiques de l’époque. Smith y expose une théorie économique détaillée par laquelle il montre quelle est la nature de la richesse, quelles sont ses causes et comment favoriser l’accroissement de la richesse des nations (Wolff, s.d.).
Smith, A. (2011). Théorie des sentiments moraux (2e éd.). Paris: PUF.
L’autre grand livre d’Adam Smith, un ouvrage de philosophie dans lequel il s’interroge sur la nature humaine et la morale. Il y développe des principes qui se retrouvent dans ses autres ouvrages, notamment dans la Richesse des nations.
Références
Das, M. (2007). Absolute and comparative advantage. In International Encyclopedia of the Social Sciences.
Deleplace, G., Lavialle, C. (2008). Histoire de la pensée économique. Paris: Dunod.
Laval, C. (2008). La main invisible d’Adam Smith. Temporel, (5). Consulté à l’adresse http://temporel.fr/La-main-invisible-d-Adam-Smith-par
Siroen, J. M. (2008). Commerce international et mondialisation. In Économie (pp. 169-188). Paris: Eyrolles.
Wolff, J. (s.d.). Smith Adam – (1723-1790). In Encyclopeadia Universalis [en ligne]. Consulté à l’adresse http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/adam-smith/
Young, J. T. (Éd.). (2009). Elgar companion to Adam Smith. Cheltenham: E. Elgar.