De José Lillo / Une pièce créée en février 2015 au Théâtre Le Poche de Genève / Extrait / Plus d’infos
MAURICE
A quoi ça tient, la vie
parfois à un tampon seulement
qu’un type te mets ou pas sur tes papiers
quand tu quittes tout
boulot, voisins, patrie
quand tu laisses tout derrière toi
parce que t’as tout aux trousses
l’Etat, la patrie, tes camarades de la patrie, tes collègues, le type à la radio que tu écoutais le matin avant d’aller à tou travail te parler du beau temps qu’il fait en politique
et qui maintenant tous les matins du monde racle effroyablement sa gorge en pronoçant dans son micro un nombre incalculable de fois avec cette voix cassante que
tu ne lui connaissais pas le nom qu’à présent il te donne et les menaces qu’il fait peser
sur lui même la serveuse qui t’aguichait le soit après tes longues journées
au moment de rentrer chez toi après un dernier verre dont tu te disais
chaque vfois qu’il était le dernier qu’il était pour la route, comme on dit que tu
aurais bien raccompagné chez elle chemin faisant bras-dessus, bras-dessou
et qui maintenant levait le bras à l’unisson avec des millions d’autres
pendant que tu prenais et tes jambes à ton cou et la route seul sans elle ni aucun autre qui soit comme elle à lever le bras
tous inscrits au parit tous très soudainement apparentés à un parti
au seul parti qui reste
à la soudaine grande famille des drapeaux rouge noir blanc surgie de nulle part et n’allant à rien d’autre
dans un moment d’entrain d’exubérance nationale très peu socialisante
tous étaient du parti
bien qu’à ce moment là le seul qui soit parti
c’est toi
et ceux qui comme toi sont partis
le plus loin possible
du parti
pour n’être pas un jour de ceux qui sont partis en feu comme on dit
en fumée et en feu
à l’instar des livres auxquels déjà on l’avait bouté dès 1933
pour ne pas devenir tro tôt feu Mousieur untel
feu Madame-dont-on-a-perdu-le-nom
et la trace
et le papier par lequel était passé le tampon
par lequel on t’a débouté
La barque est pleine la barque est pleine
La barque
Quelle drôle d‘idée la barque
On n’a même pas la mer nous ici
On n’a que des lacs
Des fleuves et des rivières
Et des montagnes
Et des plaines
Avec de la place à perte de vue
C’est jamais assez plein de touriste ici maintenant
Maintenant, parfois
La barque est vide à ce qu’on croirait à les entendre se plaindre
Maintenant ils ne viennent pas assez
skier voir les feux artificiels
les blanches cimes de nos Alpes
les prés bien agencés de nos paisibles vaches
il y a tant de randonnées à faire maintenant ici
des escapades partout des escapades à faire pour s’évader
et ils ne viennent pas assez
Les peuples heureux de font pas d’histoires
Ils se tiennent tranquilles
En attendant que ça passe
Ils regardent sombrer les barques aux alentours
S’accrochent au mât de leur drapeau
Fermant les yeux quand vient la nuit
Ils dorment d’un sommeil calme
Comptant les jours qui les séparent des lendemains qui chantes
Comme des moutons pour s’endormir
Rêvent à des prairies vertes
Avec au fond des barbelés
Et derrière eux l’humanité
FELIPE
Antisémites un peu mollement ci et là comme à peu près tout le monde
un peu partout à ce moment là ou la plupart mais pas vraiment non
plus pas tous non plus loin de là et pas au point de -tu voi- pas à
ce point là non ça quand même
Il a fallu consentir à des sacrifices
Et comme partout
A des vies mutilées
Pour ça c’était pas comme maintenant
Mais en plus en beaucoup beaucoup plus organisé
Quoique Quoique
Un moment vien où c’est ou toi ou les autres
Voilà ce qu’il y a
LOLA
Joseph en 33 est venu à Genève faire un discous de paix
Un discours de paix
A Genève
En 33
A la société des nations
De Joseph Goebbels ministre de la propagande et de l’information
Du Troisième Reich
Et de la paix
Avec à la fin à Cointrin
Des bras levés
Sur le tarmac et Joseph dans l’avion
Putain mais c’est qui ces bras levés en 33 à Cointrin
Qu’est-ce que ça avait l’air à lever du bras devant le putain d’avion de ce putain de Joseph
Goebbels à Cointrin en 33
Il n’est rien arrivé à ton corps de comparable
De comparable à la paix de l’Allemagne de Joseph Goelbbels en 33
à Cointrin
A la Société des Nations
Tes cheveux n’ont pas servi à
Tu n’as pas eu à
Ton beau corps nu
Ta peau n’a pas souffert du froid exagérément
Tu n’as pas eu à
Tu n’as pas eu en 33 à passer une pancarte autour du cou avec écrit dessus avec qui tu couches pour que tout le monde le sache et te crahe à la gueule pour ça et que tu
en deviennes folle comme seules deviennent folles les filles à qui on passe des pancartes autour du cou avec écrit dessus les noms de ceux avec qui elles couchent pendant que ce putain de Joseph faisait son putain de disours avec sa putains de paix devant la putain de société des nations à Genève en 33 et que toi on te crachait dessus qu’on te traînait dans toute la ville devant les ambassades avec tes nattes
coupées tes cheveux rasés et les cracahts des tiens sur ton visage et le nom de ton amant
sur une pancarte et la foule qui te porte pour qu’on te voit bien de loin et qu’on sache
bien que c’est très précisément toi dans les rues de Berlin en 33 devenue
folle
Là où sont mes larmes
Là je suis