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Madame Bœuf, fini de ruminer sa routine !

Le décor nous est familier : commissions à la Coop ou à la Migros, visite au cimetière, passage hebdomadaire chez le coiffeur, partie de jass avec les Lädermann tous les vendredis au Falstaff… Dans leur HLM de banlieue genevoise, entre les murs d’une cuisine à la déco vieillotte, Sylviane s’attelle à la bonne cuisine qu’elle érige au rang d’art pour un mari peu proactif, voire carrément incapable de vivre de manière autonome. Le ménage vit au rythme des chamailleries de vieux couples presque ritualisées pour faire passer le temps.

Suite à un concours de circonstances, Mme Bœuf fera dérailler sa routine en entreprenant le voyage de ses rêves à Paris avec Francis, le fils des Lädermann. Ce duo improvisé que tout semble opposer se révèle rapidement complémentaire, drôle et plaisant à suivre. Chacun à leur manière, les deux personnages s’émancipent et s’affirment tout en créant une belle amitié intergénérationnelle.

Madame Bœuf permet aussi d’évoquer certains tabous liés à la vieillesse comme les doutes, le divorce, les désirs et la sexualité. Y’a-t-il un âge limite pour vouloir tout recommencer ? La représentation du désir dans les œuvres de fiction est-elle réservée aux jeunes corps sans rides ?

« Jamais ces deux-là ne furent plus près de s’embrasser. Pendant un instant elle sut comment il caresserait affectueusement ses seins, comment l’envie les cueillerait […] » (p.215)

Le temps d’un récit qui traite d’une hétérogénéité de sujets, annoncés dès la dédicace et l’épigraphe qui font se côtoyer mémé et Kate Bush, Madame Bœuf cesse de ruminer son quotidien.


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Critique littéraire

Madame Bœuf : un mets simple et léger

Madame Bœuf, du genevois Guy Y. Chevalley, séduit par son humour et sa légèreté, un peu comme un gaspacho rafraîchissant en ouverture d’un bon repas. Le roman relate les aventures de Madame Bœuf, une retraitée suisse dont l’existence, rythmée par la préparation de plats en sauce, s’avère aussi banale qu’ennuyeuse. Après une énième dispute avec son mari et quelques malentendus, elle part à Paris en compagnie de Francis, le fils des voisins qui vient de faire son coming-out. Durant ce séjour, leur amitié improvisée se révélera une aide précieuse lorsqu’ils feront des rencontres qui leur donneront l’occasion de vivre un nouvel amour et, pourquoi pas, de changer de vie.

L’auteur insuffle à son récit une tonalité humoristique à travers des dialogues absurdes et des comparaisons piquantes – par exemple dans cette description de leur voisine :

Chez le boucher, les Bœuf croisèrent leur voisine de palier, une femme menue aux cheveux rosâtres, qui accomplissait chaque geste comme si elle déplaçait une relique sacrée et devait ensuite signer un bon de livraison engageant son âme pour l’éternité. (p. 29)

Cet humour, très bien dosé, relève le plat concocté par Guy Y. Chevalley, dont les saveurs semblent autrement assez simples. Les thématiques abordées – émancipation féminine, homosexualité, différences de classes, complexité des rapports amoureux – offrent des perspectives intéressantes, même si elles auraient pu connaître de plus amples développements. En somme, Madame Bœuf est un roman agréable, divertissant et bien écrit : une lecture idéale pour accompagner vos étés à la plage.