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Critique littéraire

Entre elles, les silences

Olga rentre d’un long voyage au bras de la belle Sélène : plan d’ensemble. Le narrateur observateur, caméra braquée sur ce que le père d’Olga semble reconnaître – des habitudes et des gestes qui ne trompent pas –, se voit dans Sélène : plan rapproché.

Les indices laissés par Michel Layaz pour résoudre cette énigme, bien qu’ils manquent un peu de finesse, orientent le parcours de lecture de Deux filles (2024). D’abord interloqué par le regard que porte le narrateur sur le corps de Sélène (on connaît l’odeur de ses cheveux, la longueur de ses jambes, le ductus de ses doigts…), le lecteur est guidé par les focalisations narratives, presque cinématographiques, qui tâchent de lui expliquer les raisons de son trouble.

À l’image de leur goût pour le maraîchage, les sentiments réciproques entre Olga et Sélène croissent au fil des pages. Sans laisser le temps à la vie de répondre au mystère posé par cet amour – véritable intérêt du roman – l’auteur enterre ses délicates descriptions d’émotions sous une série de rebondissements. Au rythme de cette inspection, des histoires dramatiques secondaires s’agencent en mosaïques autour du récit principal. On perçoit alors par fragments la vie d’Amandin, SDF et artiste qui ne saura jamais que ses œuvres ont été exposées, ou celle du marcheur professionnel qui parcourt des kilomètres et des kilomètres sans jamais savoir où aller. Ces péripéties font alors trop de bruit et prennent la place des silences, pourtant si parlants dans ce roman.