Le décor nous est familier : commissions à la Coop ou à la Migros, visite au cimetière, passage hebdomadaire chez le coiffeur, partie de jass avec les Lädermann tous les vendredis au Falstaff… Dans leur HLM de banlieue genevoise, entre les murs d’une cuisine à la déco vieillotte, Sylviane s’attelle à la bonne cuisine qu’elle érige au rang d’art pour un mari peu proactif, voire carrément incapable de vivre de manière autonome. Le ménage vit au rythme des chamailleries de vieux couples presque ritualisées pour faire passer le temps.
Suite à un concours de circonstances, Mme Bœuf fera dérailler sa routine en entreprenant le voyage de ses rêves à Paris avec Francis, le fils des Lädermann. Ce duo improvisé que tout semble opposer se révèle rapidement complémentaire, drôle et plaisant à suivre. Chacun à leur manière, les deux personnages s’émancipent et s’affirment tout en créant une belle amitié intergénérationnelle.
Madame Bœuf permet aussi d’évoquer certains tabous liés à la vieillesse comme les doutes, le divorce, les désirs et la sexualité. Y’a-t-il un âge limite pour vouloir tout recommencer ? La représentation du désir dans les œuvres de fiction est-elle réservée aux jeunes corps sans rides ?
« Jamais ces deux-là ne furent plus près de s’embrasser. Pendant un instant elle sut comment il caresserait affectueusement ses seins, comment l’envie les cueillerait […] » (p.215)
Le temps d’un récit qui traite d’une hétérogénéité de sujets, annoncés dès la dédicace et l’épigraphe qui font se côtoyer mémé et Kate Bush, Madame Bœuf cesse de ruminer son quotidien.