Baabuk, baskets en feutre
En novembre dernier, un modèle de baskets Baabuk en édition limitée s’est vendu trois fois plus que ne l’espéraient ses créateurs. Son secret ? Sa laine est celle des moutons du campus de l’UNIL. Cofondatrice de la marque et initiatrice de cette collaboration, Galina Witting Nanba (HEC, 2004) ouvre son bureau aux membres de la Communauté ALUMNIL.
C’est grâce à un cadeau de Noël que Galina Witting Nanba, diplômée en Management international (HEC, 2004), a choisi de cofonder Baabuk avec son époux Dan Witting: «Je suis d’origine russe et en Russie nous avons des Valenkis, des bottes traditionnelles entièrement en feutre. En 2011, mes parents nous en ont offert pour Noël». L’idée germe alors de redonner sa place à la laine, le matériau le plus utilisé en Europe pour les vêtements jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, avant la production industrielle du coton, puis des matières synthétiques.
Précisément parce que la laine est une matière ancienne, la marque a très vite dû piétiner nombre de cliché : «La laine ne laisse pas indifférent. Certain·e·s connaissent ses propriétés, le fait qu’elle est respirable, antibactérienne et savent que les chaussures Baabuk peuvent être lavées en machine. Mais avant le lancement officiel en 2013, quand je disais que je voulais faire des chaussures en laine, les gens avaient aussitôt des préjugés. Ils imaginaient une espèce de chausson amélioré, un peu baba-cool, et ce n’est pas l’aspect que l’on voulait donner à nos produits. Donc on a très vite dû concrétiser ce dont on parlait. Tout de suite, nous avons fait un prototype, puis un échantillon. Permettre aux gens de toucher la laine, de laisser le produit convaincre par lui-même, c’est très important».
Au mythe des entrepreneures de génie, illuminés par l’idée à un million de dollars, Galina oppose un récit qui valorise le travail: «Sincèrement, je pense que n’importe quelle idée peut marcher. Il faut juste s’en donner les moyens et être inventif. Le plus important est l’envie et l’absence de peur». Elle admet avoir avancé en sachant que son diplôme et son expérience professionnelle lui assuraient une alternative en cas d’échec. Elle se souvient toutefois des périodes de plusieurs mois passées sans pouvoir rémunérer son mari régulièrement: «Ma seule crainte était de ne pas pouvoir payer les salaires ou les factures. La responsabilité vis-à-vis de mes employé·e·s ou de mes partenaires est quelque chose que je ressens très fort».
Baabuk écoule aujourd’hui 35’000 paires de baskets et pantoufles par an et compte huit employé·e·s. À l’automne 2021, une édition limitée a dépassé toutes les attentes: la basket UNIL. Il a suffi d’un mois pour que 682 personnes choisissent de fouler les trottoirs du monde entier, Lausanne aux pieds. Proposées en novembre 2021 sur le site de Baabuk, ces chaussures ont un petit secret: leur laine est celle des moutons du campus de Dorigny. Il fallait en vendre 200 paires pour que le projet soit rentable, plus du triple a été commandé. Ces baskets discrètes, couleur terre, seront donc livrées en mars prochain avec des lacets noirs et bleus.
Après un premier contact et une première séance photo avec Bob Martin le berger de l’université, Galina et Dan ont obtenu l’accord du Bureau de la durabilité et celui du Service de communication de l’UNIL. Comme toutes les baskets Baabuk, celles-ci seront fabriquées au Portugal, chez leur partenaire des premiers jours. Car pour que la laine soit utilisable, il faut d’abord la couper, donc tondre le mouton, puis la nettoyer, la brosser ou carder, avant d’en faire du feutre, du tissu ou de l’utiliser telle quelle. Ces étapes n’existent plus en Suisse, si ce n’est à une échelle artisanale. Les pantoufles sont donc faites au Népal et les baskets au Portugal: «On est au Portugal parce qu’on a rencontré un partenaire dans une région qui était connue pour la laine, Serra da Estrela. A l’époque, cette région vivait grâce à la laine. Ensuite tout cela a été un peu oublié, mais une femme est arrivée et a trouvé une usine qui contenait les machines d’il y a cent ans. Et voilà, elle les a réparées, elle a appris comment les utiliser et c’est elle qui fait les baskets de l’UNIL».
C’est Galina qui a eu l’idée de contacter son université: «J’ai terminé mes études à l’UNIL en 2004, on voyait ces moutons, mais à l’époque, on ne parlait pas autant qu’aujourd’hui de réchauffement climatique. Donc je pense que leur rôle symbolique a évolué avec les années. Toutefois, déjà à l’époque, je leur trouvais un côté apaisant. J’étudiais et ils étaient là, à manger de l’herbe tranquillement. Ils m’aidaient à relativiser, je me disais: la vie continue!
Pour beaucoup de personnes, dont moi, les études font partie des bons souvenirs de la vie. Cette basket, c’est un moyen de dire merci beaucoup pour ce que j’ai appris, voilà ce que je fais aujourd’hui, c’est à mon tour d’offrir quelque chose à l’UNIL».
Article de Céliane de Luca, Bureau des alumni, 17 janvier 2022