Pont entre le secteur associatif et l’économie
Diplômée de l’UNIL, Emmanuelle Sierro-Schenk (HEC 1995) a baigné dans le monde associatif depuis sa plus tendre enfance. Après un passage dans l’horlogerie et le tourisme, elle décide de concrétiser son idée de joindre deux mondes à priori incompatibles grâce à l’esprit de solidarité.
Parlez-nous de votre fondation
La Fondation Compétences Bénévoles, fondée en 2008, propose un soutien à des organismes à but non lucratif par l’intermédiaire de professionnels expérimentés qui transmettent bénévolement leur savoir dans le cadre de missions ponctuelles. Les organisations, actives dans la santé, le social, le sport, la culture ou l‘environnement, acquièrent ainsi des outils méthodologiques dans le but d’optimiser la mise en place de leurs projets. Près de deux cents cinquante accompagnements de projets ont pu être menés à ce jour. Après Nyon, Sion et Genève, Fribourg est le quatrième bureau romand de la fondation.
Êtes-vous née dans une famille d’entrepreneur·e·s?
Oui, on peut le dire. Mes parents ont ouvert un bureau d’ingénieur-géomètre et génie rural dans les années 70. Ils y ont travaillé jusqu’à leur retraite. Le bureau faisait partie intégrante de la vie de famille. Quant au gène du bénévolat, il m’a été transmis par ma mère, très impliquée dans les associations locales. Enfants, mon frère et moi l’avons parfois accompagnée lors de ses engagements.
Quelle était votre situation personnelle au démarrage de votre projet? Quel soutien vous ont apporté vos proches?
Je travaillais depuis 12 ans lorsque j’ai décidé de lancer mon entreprise. Ces années ont été très formatrices. J’ai évolué d’abord dans le marketing au sein de l’industrie horlogère puis dans la promotion touristique du canton de Vaud. C’est une formation continue suivie en 2003 qui m’a donné envie de concrétiser l’idée d’un pont entre l’économie et le secteur associatif. Le bénévolat de compétences était né dans mon esprit.
Ma famille et mes amis m’ont soutenue et encouragée, à toutes les étapes. Leur confiance m’a beaucoup apporté. A l’époque je n’avais pas d’enfant, je disposais encore de tout mon temps (sourire).
Je me suis également entourée de personnes « extérieures » à mon cercle direct, avec qui il n’y avait pas – au début en tout cas – de lien émotionnel. Les Membres du Conseil de fondation et du Comité de sélection ainsi que les premiers bénévoles à avoir accepté une mission ont beaucoup compté : ils ont rendu possible la création de la fondation. Encore présents aujourd’hui, ils permettent le développement et l’organisation pérenne de notre ressource, reconnue d’utilité publique.
Dans la phase de démarrage, j’aimerais aussi citer le précieux soutien offert par Genilem aux « pousses entrepreneurs » : le réseau et la pertinence de l’accompagnement proposé ont été déterminants.
Quel est le trait de votre caractère qui s’est révélé le plus précieux pour vous lancer dans cette aventure?
Sans aucun doute, la détermination. Curieuse, j’apprends beaucoup des autres et je vais chercher les compétences là où elles sont. J’aime mettre les gens en lien. Et évidemment, j’aimerais parler de la passion, j’ai le sentiment qu’elle anime toute personne qui crée.
Quel était votre pire cauchemar au début? Et aujourd’hui?
Des moments éprouvants, certes il y en a eu, au début et aujourd’hui encore. Ils sont formateurs. Finalement, on peut toujours apprendre d’une situation difficile. On parle de la
«vie d’une entreprise», rien n’est jamais figé, l’entreprise grandit, se développe. On en a l’exemple parfait en ce moment avec la crise sanitaire. Personne ne pouvait s’y préparer, mais il faut faire face. Au-delà des moments de doute, il y a aussi de magnifiques témoignages de soutien de la part de nos parrains et de nos bénévoles. Nous avons dû faire preuve de plus d’agilité encore dans notre manière d’accompagner le secteur associatif en mobilisant nos bénévoles pour des collaborations uniquement à distance. Cela a été possible grâce à la grande flexibilité dont les associations soutenues et nos bénévoles ont fait preuve.
Avez-vous dû vous atteler à des tâches que vous n’auriez jamais pensé faire?
Au début, j’ai non seulement dû faire connaître l’action de la fondation au secteur associatif, trouver des bénévoles et convaincre des parrains, mais il fallait aussi commander la ligne téléphonique, installer le routeur et organiser un back-up. Pas forcément ma tasse de thé. Là encore, j’ai énormément appris. Beaucoup d’entrepreneurs font un constat similaire quand ils se lancent : au-delà de l’expertise métier, il faut tout créer de A à Z, c’est formateur.
Une activité à laquelle vous avez dû renoncer depuis que vous êtes à la tête de votre entreprise?
Mon choix a été de lancer mon entreprise et, du coup, d’y consacrer le temps nécessaire. Je ne dirais pas que j’ai dû renoncer à quelque chose mais j’utilise mon temps différemment ; et de manière encore plus organisée depuis la naissance de mes garçons en 2010 et 2013 (sourire).
Le défi que vous avez relevé et qui vous fait bomber le torse quand vous y pensez?
Le challenge quand on se lance est de ne pas avoir peur de l’échec. Je voulais me donner les moyens de concrétiser mon idée. Mon plus grand regret aurait été de ne pas avoir essayé. Je suis heureuse des accompagnements d’associations réalisés, des projets qui ont pu voir le jour grâce à notre soutien. Ce n’est pas de la fierté au sens de bomber le torse, mais surtout le plaisir de mettre en lien et de contribuer, à notre échelle, à un monde plus solidaire.
Parfois rien ne va comme prévu, que faites-vous dans ces cas-là?
Les journées sans, cela arrive évidemment. J’essaie de prendre du recul et de me focaliser sur le positif, à savoir toutes les personnes qui s’impliquent dans Compétences Bénévoles au service du secteur associatif romand. Et je me dis que demain est un autre jour.
Votre devise?
Si vous y croyez, osez !
Article de Jeyanthy Geymeier, Bureau des alumni, 24 août 2020