La clef des champs d’Audrey Megali
Audrey Megali a grandi le nez au vent, les yeux rivés sur les insectes, les oiseaux et les plantes qui peuplaient le jardin familial. De cette enfance passée au grand air est née une sensibilité aiguë au vivant, qui l’a menée de l’UNIL aux réserves naturelles de Suisse romande. Aujourd’hui biologiste et cofondatrice d’ASCA Environnement, elle conjugue expertise scientifique et engagement militant pour préserver une biodiversité toujours plus menacée.
À l’entendre, elle aurait pu naître dans le grand jardin familial, tant ses souvenirs d’enfance sont empreints d’extérieurs, d’observations de la faune et de la flore. Un formidable terrain d’expérimentations au pied de cette maison de Corseaux qui l’a vue grandir. À 37 ans aujourd’hui, la biologiste Audrey Megali tient ferme à son petit coin de la Riviera. Un lieu privilégié entre lac et campagne, forêt et Préalpes offrant toute la diversité du vivant si chère à cette zoologue et cofondatrice du bureau d’études ASCA Environnement, spécialisé dans l’analyse et la gestion des enjeux naturels, environnementaux et paysagers.
Ce qui aurait pu être une vocation n’en est pas totalement une. Adolescente, Audrey Megali crapahute dans les Alpes, s’échappe dans de nouveaux environnements et aiguise son œil d’observatrice des plantes et des animaux. Mais à l’issue de sa maturité au Gymnase de Burier, elle hésite. Son cœur balance alors entre la biologie, la médecine ou encore les langues et une carrière de traductrice. Elle ne regrettera jamais son premier choix. Nous sommes en 2005. Audrey Megali entame son cursus à l’UNIL, non sans quelques fantasmes propres aux biologistes: «Je rêvais d’étudier les mers, les océans et devenir experte en biologie marine.»
La réalité universitaire est autre, mais tout aussi passionnante. Audrey Megali assouvira tout de même ses désirs en 2007, lors d’un Erasmus à Aberdeen, en Écosse. De retour à Lausanne, elle obtient son master en biologie évolutive et conservation. Son travail de fin d’études portait sur les chauves-souris. Les chiroptères la passionnent au point qu’Audrey Megali brigue la présidence du CCO-Vaud, soit le Centre de coordination ouest pour l’étude et la protection des chauves-souris. Et ce, tout en siégeant au comité Est de Pro Natura Vaud.
Ces expériences annexes sont des bouffées d’oxygène pour celle qui ne se voyait pas poursuivre dans un doctorat: «C’était important pour moi de sortir du cadre académique. Le Master à l’UNIL est très orienté vers la recherche. On nous pousse dans cette direction. Mais la découverte d’autres métiers appliqués exige de sortir de ce système et de s’investir en dehors, notamment dans des associations. L’UNIL forge l’esprit critique, mais elle pourrait être plus professionnalisante. En biologie, il y a peu de postes. Les places sont donc chères.» Audrey Megali se dit chanceuse. Elle n’a jamais dû composer avec le chômage comme c’est le cas pour des amies et amis de sa volée. Certains se sont réorientés vers d’autres professions, fatigués par le manque de postes et l’enchaînement des stages mal payés.
Fraîchement diplômée en 2010, Audrey Megali trouve un premier stage en tant que guide nature dans la préservation de l’environnement au sein du Centre nature ASPO de La Sauge: «C’était une super expérience en termes de vulgarisation et de prévention, mais je recherchais de plus grands défis.» Moins d’un an plus tard, Audrey Megali brigue un poste de biologiste, consultante en écologie appliquée. Elle y restera onze ans. Jusqu’au grand saut en 2023. Avec trois associés, Audrey Megali cofonde ASCA Environnement. Une équipe de choc composée de deux botanistes et de deux zoologues.
Ensemble, ils recensent des espèces dans le cadre de monitorings cantonaux ou nationaux ou élaborent des plans de gestion pour des réserves naturelles et des zones forestières. Cette longue liste traduit la dégradation continue de notre biodiversité. Un constat parfois difficilement acceptable par la biologiste, mais qui n’entame pas son engagement.
LES QUATRE QUESTIONS ALUMNIL
Quel était votre lieu préféré à l’UNIL pendant vos études ?
Le Biophore. Les terrains de pétanque et de ping-pong. Le vallon de la Sorge avec sa rivière et sa forêt dans laquelle des nichoirs à chauves-souris ont été installés, et que j’ai étudiés. Les serres. Le bord du lac.
À quels cours ou quels séminaires retournerez-vous demain ?
Les intitulés ont dû changer. Mais je dirai l’écologie appliquée, les cours de compréhension des systèmes du vivant, et ceux sur la dynamique des populations. Les cours de zoologie et de botanique aussi. Ainsi que les cours de design expérimental où l’on posait une question et on apprenait à y répondre. J’aimerais également reprendre des cours de statistiques. Ils me seraient utiles aujourd’hui.
Quel conseil donneriez-vous à des étudiantes et des étudiants d’aujourd’hui ?
Essayez de faire des stages pendant les vacances ou lors d’une année sabbatique. Allez voir dans les métiers de l’entreprise. Faites-vous connaître au sein des ONG et associations. La biologie est un petit monde. Il faut donc mettre un pied dans la pratique avant la fin des études. Ne serait-ce que pour tester et voir si l’on aime ces métiers.
Quelle est votre devise préférée ?
Ce n’est pas une devise, mais une posture, une valeur. Celle de mettre toujours la nature en priorité.
Découvrez l’article dans le n°87 d’Allez Savoir!
Article de Mehdi Atmani
Photo: Zoologue, cofondatrice du bureau d’études ASCA Environnement. Master en biologie à l’UNIL (2010). © Pierre-Antoine Grisoni / Strates