Sami Hafsi

L’humanisme au service de la police neuchâteloise

Sami Hafsi puise son équilibre dans le judo, discipline qu’il pratique depuis son plus jeune âge. D’un doctorat à l’École des sciences criminelles jusqu’à sa fonction de commandant de la Police neuchâteloise, sa carrière a été teintée par le rôle central qu’à joué cet art martial, ainsi que ses origines mixtes, dans son développement et son parcours professionnel.

C’est à s’y méprendre la consécration d’un parcours professionnel sans fautes. Sami Hafsi, le nouveau commandant de la Police neuchâteloise depuis début 2024, est plus mesuré. Pourtant, son CV parle de lui-même. Jugez plutôt. Une enfance à Yverdon-les-Bains rythmée par la pratique du judo ; une licence en sciences forensiques à l’Université de Lausanne ; un poste d’assistant doctorant en parallèle de celui d’inspecteur scientifique à la Police neuchâteloise ; une première place aux Jeux mondiaux de judo des policiers et pompiers à Québec ; une thèse de doctorat dans le domaine de l’accidentologie.

En 2012, Sami Hafsi devient adjoint au chef du Service de police scientifique neuchâtelois. Il se lance deux ans plus tard dans un Certificat d’études avancées (CAS) en pilotage d’équipes et devient chargé de cours à l’Institut de lutte contre la criminalité économique de la Haute École de gestion Arc. En 2017, il est nommé chef du Service de police scientifique, puis chef de la police judiciaire à Neuchâtel. Enfin, en octobre 2023, le Conseil d’État neuchâtelois le nomme au poste de commandant de la Police neuchâteloise

À 43 ans, ce qui semble être une voie royale se révèle le fruit d’un long combat d’équilibriste, façonné par
le sport de haut niveau et l’ADN familial. Sami Hafsi est en effet né à Mulhouse, en 1981, d’un père tunisien et d’une mère franco-suisse. Une mixité trahie par ses cheveux noirs et ses yeux bleu piscine : «J’ai construit toute ma vie sur ces trois cultures. Elles m’ont permis de comprendre les enjeux d’inclusion et de dialogue afin de réussir à parler avec tout le monde. À mon poste, c’est crucial. » Sami Hafsi aime la transversalité et la diversité. Le père de famille est d’ailleurs un savant mélange entre l’esprit analytique et le côté humain. Un trait de caractère qui se reflète dans ses études : « En démarrant à l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, j’ai découvert l’aspect analytique des choses ainsi que la résolution de problèmes complexes, se souvient-il. Le côté structuré et l’esprit logique de l’UNIL restent une valeur clé. » Il poursuit avec un doctorat en parallèle à un poste d’inspecteur scientifique à la Police neuchâteloise : « Un pied dans les deux mondes qui m’a permis de m’armer et de trouver mon équilibre.»

En cours de carrière, Sami Hafsi s’adonne alors à une évaluation baptisée Leonardo 3.4.5. Il s’agit d’une méthode et d’une approche évaluant les potentiels et les talents individuels dans la gestion d’équipes et des organisations : «Je me souviens avoir été très content de mon profil très analytique, mais l’aspect humain et son importance se sont petit à petit également imposés. La meilleure des solutions, sans acceptation, est en effet vouée à l’échec.» Fort de cette expérience, Sami Hafsi se lance dans un CAS en pilotage d’équipes axé sur l’intelligence émotionnelle. Cet équilibre, Sami Hafsi le puise dans le judo : «Ce sport m’a enseigné à ne pas naviguer dans les extrêmes, à ne pas faire de coups de volant trop brusques. Avec lui, j’ai appris le repos, à écouter mon corps et ses signaux de fatigue. Un commandant qui s’épuise est un mauvais commandant. Et puis, le tatami reste un lieu où l’on transpire et où l’on lie de solides amitiés. Tout cela m’a appris à ne jamais prendre de décisions à chaud. Je dois évaluer, échanger avec les 500 collaborateurs de la Police neuchâteloise. Je ne serai jamais un commandant qui donne des ordres sans en expliquer la raison. La prise de décisions en réseau reste la clé. Il ne faut jamais faire cavalier seul.»


LES QUATRE QUESTIONS ALUMNIL

Quel était votre lieu préféré à l’UNIL pendant vos études?

C’est l’Institut de police scientifique et de criminologie (6e étage de l’actuel Batochime). L’ambiance dans ce bâtiment était incroyable. On y côtoyait des étudiants d’autres facultés. J’aimais bien ce mélange. Sur son toit étaient installés de petits cabanons simulant des scènes de crime. Un lieu idéal pour travailler (et pour les apéros).

À quels cours ou quels séminaires retournerez-vous demain?

Le cours de Pierre Margot, alors Directeur de l’École des sciences criminelles. Aujourd’hui je verrais tout ce qu’il dit avec un autre regard. Ça prendrait un sens différent.

Quel conseil donneriez-vous à des étudiantes et des étudiants d’aujourd’hui?

Beaucoup d’étudiants commencent et finissent leurs études avec une bonne compréhension de la matière. Mais ce qui compte à la fin, c’est l’intelligence humaine et émotionnelle. Je les encourage donc à vivre pleinement les plaisirs que la vie estudiantine offre et de ne pas se focaliser uniquement sur les études.

Quelle est votre devise préférée?

Il y en a deux qui me parlent beaucoup: «Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’on croit». Et l’autre: «Faire les bonnes choses plutôt que bien faire les choses».

Découvrez l’article dans le n°XX d’Allez Savoir! 

Article de Mehdi Atmani
Photo: Commandant de la Police neuchâteloise. Docteur de l’École des sciences criminelles (2011). © Pierre-Antoine Grisoni