Nadine Haltiner

Journaliste d’actualité

Rédactrice en chef adjointe de l’information sur les ondes de la RTS, Nadine Haltiner est biberonnée à l’actualité. Un virus et un esprit critique attrapés sur les bancs de SSP, qui font de la journaliste aujourd’hui un nom qui compte dans le paysage médiatique suisse.

À la fois grave et chaude, directe mais bienveillante. Sur les ondes de la RTS, la voix de Nadine Haltiner est de celle qui compte en Suisse romande. Et que l’on écoute pour son professionnalisme et sa pugnacité. On dirait d’ailleurs d’elle qu’elle a «une voix de radio»; ce don de naissance partagé par une poignée de privilégié·e·s. Chez la journaliste de 43 ans, désormais rédactrice en chef adjointe à l’Actualité Radio, il n’en est rien. Jusqu’à la fin de l’adolescence, elle se rêvait d’ailleurs apprentie boulangère-pâtissière. Tout l’inverse du projet familial. En quête d’ascension sociale pour leur progéniture, son père, longtemps ouvrier sur les chantiers et sa mère serveuse au restaurant Copernic (EPFL), l’ambitionnent sur les bancs de l’Université. Ils ont eu fin nez.

C’est à la fois une rencontre fugace, mais déterminante qui va donner le cap. Un soir de ses 17 ans, Nadine Haltiner croise le chemin d’un étudiant en première année en Sciences sociales et politiques (SSP) de l’Université de Lausanne: «Il était fasciné et fascinant, se souvient Nadine Haltiner, alors Gymnasienne. Je voulais faire ça et je me suis inscrite.» De fil en aiguille, elle se passionne pour ses études. Surtout pour l’histoire et la sociologie politique. L’étudiante aiguise petit à petit son regard sur nos institutions et leurs fonctionnements. Elle l’ignore encore, mais un premier pas vers le journalisme politique et parlementaire est franchi.

En quatrième année, elle prend le large pour un Erasmus d’une année à Science-Po Paris. Mais à son retour, la réalité de fin d’études la rattrape. Errant dans les couloirs du «B2» – aujourd’hui L’Anthropole –  elle se cherche un sujet et un directeur pour superviser la rédaction de son mémoire de Licence (Master). Elle croise Bernard Voutat, aujourd’hui Professeur honoraire de la Faculté des SSP, qui lui suggère de mener ses recherches sur le Conseil fédéral. Nous sommes en 2003, année d’élections. Les Sept Sages coulent leurs dernières heures sous le radar médiatique.

Pour son mémoire, Nadine Haltiner braque ses recherches sur le traitement des élections fédérales par les médias. Autant dire qu’elle débroussaille un terrain vierge abandonné, à tort, par les Sciences politiques. Mais chaque coup de pioche de la chercheuse va révéler les coulisses d’une scène politique suisse où les intrigues, les menaces et les coups de poignard ambiancent la vie quotidienne des journalistes sous la Coupole. C’est un certain Christoph Blocher qui donne le tempo. Alors président de l’UDC, dont le parti devient la première force politique du pays, le tribun zurichois revendique un deuxième siège de la droite dure au Conseil fédéral lors des élections de 2003. Il y parviendra. La sacro-sainte formule magique est brisée.

Pugnace, opportuniste et maligne, Nadine Haltiner est aux avant-postes de ce changement politique. Un jour, un des correspondants parlementaires du Temps donne une conférence sur la couverture de l’élection par son quotidien: «J’y suis allée et j’ai constaté des imprécisions dans les analyses. Je suis intervenue pour le souligner.» Intrigué, le journaliste lui demande qui elle est. Il lui propose de s’immerger quelques jours dans la rédaction du Temps. Le destin de Nadine Haltiner est scellé.

Au sein du microcosme journalistique, la Vaudoise de naissance découvre l’envers du décor d’une information et les exigences du métier: «J’y ai vu un prolongement de mes études et de mes recherches, se souvient-elle. La réalité journalistique est tout autre. La démarche est similaire, mais la restitution est différente. En tant que journaliste, il faut accéder à la matière, la saisir, la comprendre puis en restituer les grands enjeux. Cela représente parfois 10% de ce que l’on a appris. C’est exigeant, passionnant, frustrant aussi. Mais c’est une fenêtre sur le monde.»

Désormais contaminée par le virus du métier, Nadine Haltiner quitte le monde académique et fait ses armes aux 24 Heures. Elle y restera six ans, n’hésitant pas à franchir le Roestigraben: «Être correspondante à Zurich, pour mes amis romands c’était comme partir à l’étranger. Mais j’ai adoré. Durant trois ans, je n’ai fait que du terrain. Je connais les 26 cantons. J’ai pu me rendre compte de la diversité de ce pays; défaire bon nombre de clichés au fil des rencontres.» Nadine Haltiner se souvient de ces rappeurs saint-gallois surpris de voir des chauffeurs de bus de couleurs à Lausanne. «Cela peut choquer. Mais cette réalité n’en est pas une dans leur campagne du nord-est de la Suisse.»

Nadine Haltiner ne s’en cache pas. Le métier de journaliste l’éduque et lui permet de décrypter le monde avec une multitude de paires de lunettes: «Il m’a changé dans l’exigence de ne rien percevoir comme une évidence. Il faut sans cesse tenter de comprendre le monde. Et quand on cherche à comprendre le pourquoi, le comment, on va plus loin et notre regard change. On est moins naïf. C’est à la fois génial et très déprimant. Je serais peut-être plus heureuse si j’en savais moins. Mais c’est trop tard. Je suis biberonnée à l’actualité. J’ai tout le temps le nez dedans. Ça doit être chiant pour l’entourage.»

Après la parenthèse zurichoise, puis bernoise, Nadine Haltiner clôt (temporairement?) sa carrière dans la presse écrite pour céder aux sirènes de la radio. Elle intègre La Première en 2012 dans «Forum», le programme d’informations phare de la RTS. Elle pilote ensuite la rubrique suisse, puis présente le journal de 12h30, avant de se hisser, en 2021, à la rédaction en chef adjointe. Un poste aussi exposé qu’exigeant. Avec lui, c’est l’apprentissage d’un nouveau métier: «J’apprends à manager. Ce n’est d’ailleurs pas si différent du journalisme. L’essence du métier est d’interagir avec les gens, entrer en relation, comprendre leur réalité et s’adapter. A cela s’ajoute le pilotage d’une rédaction qui fait que je me trouve au plus proche de l’actualité et de la manière de la restituer.»

Quand on regarde dans le rétroviseur de Nadine Haltiner, on pourrait se dire que la journaliste n’a plus d’os à ronger. C’est sans compter les nombreux fantasmes journalistiques qu’elle cultive en secret. Parmi eux, présenter une émission d’entretiens ou faire des flashs infos à la radio: «Cela peut paraître surprenant, car c’est à la base du métier, mais je n’ai jamais fait de flashs.» Reste encore celui d’ouvrir un jour une pâtisserie.

Lausanne, le 7 octobre 2024

Article de Mehdi Atmani, Flypaper
Portrait de Nadine Haltiner © Felix Imhof