Le sociologue Philippe Gonzalez s’inscrit dans le souci du pluralisme, qu’il soit politique ou religieux. Rencontre avec ce spécialiste du mouvement évangélique.
Né à Genève, d’une mère portugaise et d’un père espagnol, Philippe Gonzalez a donné un prénom hébreu à l’un de ses enfants. Le pluralisme religieux représente à ses yeux un obstacle aux projets hégémoniques, dont on peut entrevoir actuellement deux composantes antagonistes au sein de l’islamisme ou de l’évangélisme.
Ce sociologue de la communication et de la culture est devenu l’un des spécialistes mondiaux du protestantisme évangélique, dont certains courants ont fait de la défense de l’Occident «chrétien» un combat existentiel, mené dans une perspective réactionnaire qui risque d’asphyxier le bébé culturel qu’elle prétend sauver. Dans Les évangéliques à la conquête du monde, une série diffusée au printemps 2023 sur Arte, le chercheur documente ce mouvement politico-religieux avec le réalisateur Thomas Johnson dans plusieurs pays, dont le Brésil, où cette croyance vient défier le catholicisme d’antan au profit des possédants les plus puissants…
Gérer le pluralisme religieux
Avec le professeur honoraire Pierre Gisel, Philippe Gonzalez dirige une formation continue UNIL-EPFL destinée aux communautés soucieuses d’obtenir une reconnaissance cantonale. «Les futurs aumôniers, par exemple, doivent pouvoir offrir un accompagnement spirituel à toutes les personnes intéressées, pas seulement à leurs coreligionnaires», souligne-t-il.
Car la gestion du pluralisme religieux ne va pas de soi, ni pour des sociétés fortement sécularisées (ou campées sur la peur de perdre leur identité), ni pour des religieux qui doivent gérer, par exemple, les obligations du ramadan en période de camps de ski (un cas traité entre le canton et l’Union vaudoise des associations musulmanes). «Ces communautés postulant à une reconnaissance cantonale sont confrontées à la nécessité de mettre à jour un corpus normatif constitué dans d’autres contextes historiques, culturels et sociaux», décrit-il.
Philippe Gonzalez travaille avec des philosophes lyonnais sur «la question du fondamentalisme et du fondationalisme», un concept qui ancre les valeurs sur un socle leur attribuant de toute éternité un statut de vérité indépassable, qu’il s’agirait de constamment révéler au monde. Soutenue pour quatre ans par le FNS et son équivalent français, cette recherche s’intéresse à «la circulation transatlantique de ces idées, aux acteurs qui les portent chez les fondamentalistes, en Europe et aux États-Unis, et à ceux qui s’y opposent dans le courant protestant libéral, ou parmi les philosophes pragmatistes».
Lui-même explore dans les archives, à Dallas, «la manière dont s’est nouée l’imbrication du politique et du religieux» qui a conduit Ronald Reagan et le Congrès américain à déclarer 1983 année de la Bible. «Ce fondamentalisme a connu une première percée en 1910-1925 avec la lutte scolaire antiévolutionniste, reprise ensuite sous la forme du créationnisme», esquisse-t-il.
En outre, il rappelle que la science, contrairement au militantisme, ne postule aucune «valeur non négociable»; et que les questionnements scientifiques, «forcément inscrits dans le contexte culturel et politique du chercheur», doivent se confronter à des éléments factuels, sans pouvoir prétendre à une pertinence éternelle.
Une ville de goût
Séville, pour le pain trempé dans l’huile d’olive.
Un goût de l’enfance
Aletria, de ma grand-mère portugaise, des vermicelles cuits dans du lait, façon riz au lait, saupoudrées de cannelle, comme il se doit.
Une personne à sa table
Michel de Certeau, penseur hors cases.