Médecin, François Spertini explique que les allergies aux pollens des plantes exotiques ne constituent pas une préoccupation en termes de santé publique, dans le canton de Vaud. Mais le réchauffement climatique pourrait, à terme, changer la donne.
Les allergies aux plantes envahissantes, François Spertini les connaît bien et de près. Médecin-chef et professeur associé du Service d’immunologie et d’allergie au CHUV, il a lui-même fait la douloureuse expérience de la phototoxicité de la berce du Caucase. Pour rappel, cette plante est célèbre pour les brûlures qu’elle provoque. Mais le plus souvent, c’est au pollen des plantes que nous sommes allergiques. Un Romand sur cinq, voire sur quatre, souffre de rhume des foins.
Les plantes invasives sont-elles plus allergènes que les autres?
On peut être allergique à tout. Dans un système immunitaire qui a les caractéristiques génétiques pour faire une réaction, toute protéine peut engendrer l’apparition d’anticorps IgE, responsables d’une réponse inflammatoire. Mais l’efficacité avec laquelle la protéine d’un pollen est reconnue comme allergène dépend de conditions qui peuvent être plus compliquées. Certains pollens sont peu allergisants, parce que peu volatils. Au contraire, d’autres comme les bouleaux se répandent sur des kilomètres?; leur potentiel de créer une condition clinique est donc plus élevé. Parmi les plantes envahissantes, le pollen d’ambroisie est très agressif. En Amérique du Nord, c’est le problème numéro un.
En Suisse, c’en est aussi un, non?
Une cartographie montre en effet que l’ambroisie a envahi notre pays, notamment du côté de Genève. Mais je dois dire que dans ma pratique, le nombre de patients sensibles à l’ambroisie n’est pas très élevé; la plupart d’entre eux sont des migrants qui y étaient déjà allergiques. Il m’arrive de constater sur des tests cutanés que des patients sont sensibles à cette plante, mais pour l’instant je ne suis pas impressionné – heureusement d’ailleurs! – par l’expression clinique de ces allergies. Mes collègues genevois ne font pas le même constat, mais je suspecte que beaucoup de leurs patients viennent de pays où ils ont été sensibilisés. L’allergie à l’ambroisie n’est pas très fréquente chez nous. Pour le moment, nous n’avons pas une charge de pollen suffisante pour qu’elle soit manifeste. On s’est quand même beaucoup occupé à arracher cette plante!
Ça pourrait changer…
Bien sûr. Il n’y a pas de raison que l’on soit moins allergique que les Canadiens ou les Américains. Si l’ambroisie prolifère, les cas d’allergie se multiplieront aussi. Mais il y a aussi d’autres plantes exotiques dans nos jardins dont les pollens se surajoutent. Par exemple, on commence à planter des oliviers qui «cross-réagissent» avec le frêne parce que leurs pollens sont pratiquement identiques. Tous ces pollens additionnels n’ont pas de propriété plus dramatique que ceux de nos braves arbres, mais on les rencontrera certainement plus souvent si un réchauffement climatique significatif s’installait. Il me semble qu’on n’en est pas encore là, mais c’est vrai que je ne suis pas du genre à voir la vie en noir.
Le poids de ces nouveaux allergènes sur la santé publique?
Pour l’instant, aucun. En tout cas, dans ma pratique, je n’ai pas le sentiment que cela ait augmenté le nombre de patients ou la gravité des maladies. Le haut du pavé, ce sont toujours les arbres régionaux, les graminées, et quelques mauvaises herbes, incluant l’armoise, les solidages, mais aussi les chénopodes, une espèce indigène qui pollinise abondamment en septembre et octobre.