Réparer les vivants

Camille Perrier Depeursinge. Photographiée ici à Ouchy.
© Pierre-Antoine Grisoni /Strates

Désormais professeure associée, l’avocate Camille Perrier Depeursinge a défendu bien des prévenus. Elle parle aussi pour les victimes afin de leur permettre d’être mieux entendues par une «justice restaurative».

Elle était chargée de cours, la voici à 35 ans professeure associée. Camille Perrier Depeursinge est une femme douée pour l’aventure familiale – elle attend son deuxième enfant –, pour la vie dans la nature qu’elle parcourt avec son mari spécialiste en imagerie médicale et pour le travail. Celui d’avocate, où elle a été amenée à prendre la parole pour des prévenus, quelle que soit l’accusation: «Nous défendons la personne, pas ce qu’elle a fait».

Dans sa thèse de doctorat sur la médiation en droit pénal suisse, elle s’intéressait à une parole peu favorisée lors du procès, celle de la victime. La médiation est l’un des outils de la «justice restaurative» et elle espère que le projet de modification du Code de procédure pénale (2019) introduira cet élément très positif pour réduire quelque peu (mais c’est déjà beaucoup) la récidive et minimiser côté victimes les conséquences de traumas coûteux. Avec son association Ajures, elle a écrit à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et d’autres initiatives ont surgi.

De quoi s’agit-il? Notamment de réunir dans le cadre d’une médiation préparée et contrôlée un détenu et sa victime, si les deux le souhaitent. «Cela contribue chez l’auteur à la prise de conscience des effets dramatiques de ses actes et des raisons de son emprisonnement et, pour nombre de victimes exprimant le désir de comprendre ce qui leur est arrivé et de dire leur souffrance, c’est une occasion qui n’est pas donnée dans un autre contexte», explique-t-elle. Diverses formations sont certifiées par la Fédération suisse des associations de médiation; en Belgique où la pratique est très avancée, les médiateurs professionnels sont contactés par des victimes ou des détenus soucieux d’établir ce lien de restauration, aussi ténu soit-il: c’est dans ce pays que le cinéaste François Kohler (membre d’Ajures) a capté ces échanges particuliers pour un documentaire dont les protagonistes – auteurs et victimes – ont accepté de se laisser filmer. La prison de Lenzbourg, en Argovie, lui a également ouvert ses portes alors qu’elle tente une expérience de dialogues restauratifs encore difficile à mettre sur pied en Suisse romande.

Camille Perrier Depeursinge établit une parenté entre la justice restaurative et la «composition», coutume cyclique dans l’histoire du droit pénal occidental où l’accusé verse une somme d’argent en guise de réparation directe à la victime ou à sa famille. Instauré par un pouvoir central fort, le droit pénal, avec sa dimension parfois très répressive, «va peu à peu évacuer la victime pour concentrer son action sur l’auteur». Un retour de la victime se dessine au XXe siècle, mais dans un cadre fatalement insatisfaisant.

Certains outils (tel le dialogue restauratif) mettent des victimes en relation avec des auteurs de méfaits perpétrés contre des personnes différentes. Autre exemple: la réunion de la victime, du détenu, de leurs proches, de voisins et de spécialistes dans un cercle communautaire où l’on se passe la parole au moyen d’un objet. «J’avais mes doutes mais j’ai pu constater que ça marche vraiment, on s’écoute mieux et c’est d’autant plus important que la parole ainsi libérée porte sur des sujets très durs», relate la jeune femme qui pourrait ainsi raconter sans fin, elle qui adore aussi donner des cours, dont celui de droit pénal général.

Un goût de son enfance
La salée à la crème de ma grand-mère.

Une ville de goût
Seattle et son marché aux poissons où j’ai mangé les meilleurs sushis de ma vie.

Un compagnon de table
Robert Badinter, grande figure qui n’a pas eu peur de changer la loi. Un modèle!

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