Penser, enseigner et cuisiner

Figure bien connue à l’UNIL, Roberto Baranzini n’épargne pas son énergie au service du Centre Walras-Pareto, ou du décanat de la Faculté des SSP. Rencontre enjouée.

Roberto Baranzini. Pause gourmande au restaurant de l’Hôtel Bristol, à Genève, où vit «il professore». © Pierre-Antoine Grisoni / Strates

Est-ce le Tessin en lui, cette discrétion, et, sous l’attitude impeccablement courtoise, cette force gourmande et joyeuse? Vite un cliché: Roberto Baranzini, c’est le feu sous la glace! Un professeur d’économie en science politique, l’équation paraît déjà peu banale.

Spécialiste de Léon Walras, le père de l’économie mathématique, Roberto Baranzini s’est engagé corps et âme pour animer et perpétuer le Centre Walras-Pareto, créé en 1991 par le professeur Pascal Bridel, dont il a pris la succession à la tête du Centre (de 2011 à 2019) avec une énergie jamais démentie: l’équipe se devait d’être physiquement présente et les cinq doctorants du maestro ont tous trouvé le chemin de la réussite, l’un au BIT et les autres enseignants universitaires à Londres, Nice et Paris. Vice-doyen de la Faculté des sciences sociales et politiques depuis cinq ans, il dirige encore la thèse d’une doctorante et veut profiter de son année sabbatique pour terminer la rédaction d’un ouvrage du type «Que sais-je?» sur Walras et d’une monographie. Il entend interroger le prétendu fil qui, passant par la théorie de l’équilibre économique général, relierait Adam Smith et le néo-libéralisme. «Je vais aussi en profiter pour repenser mes cours», glisse le professeur, au nombre de ces chercheurs adorant enseigner.

«À partir de la seconde moitié du XXe siècle, l’approche walrassienne devient incontournable dans la “haute théorie” économique. Toutefois, l’interprétation qui prévaut ignore l’unité de la pensée de Wal-ras et la centralité de la question sociale. Loin de la fable d’une main invisible qui garantirait la coordination des choix autonomes pour la prospérité de tous, l’économie politique de Walras indique les interventions indispensables de l’État et la nécessité d’organiser l’économie», esquisse Roberto Baranzini. Cette économie politique et sociale ne s’arrête pas à la description des mécanismes économiques constatés au XIXe siècle. «Le scientifique selon Walras doit identifier les essences parfaites pas encore advenues, afin d’orienter la réalité historique et c’est ce qu’il nomme l’économie politique pure… »

On pourrait l’écouter dérouler les mystères de ce «réalisme téléologique», mais la discussion rebondit comme un air de jazz en passant par l’opéra, le théâtre, le cinéma et toutes ces occasions de fêter la culture et la vie. Le sport… voilà quelque chose qui doit lui échapper? Même pas! Ce fils d’un mécanicien sur avion et d’une ménagère qui a travaillé dans les magasins Usego a fait partie de l’élite des jeunes hockeyeurs sur glace à Bellinzona. «Ma mère m’a offert des casseroles vraiment spéciales qui m’ont suivi partout, même durant mes années à Oxford, sur une bourse du FNS. Je cuisinais pour éviter la fadeur de la nourriture du College après les fastes de mon séjour à Bologna, où j’ai étudié les sciences politiques en italien, pour acquérir une compétence linguistique académique italienne… »

Même s’il a, selon sa compagne tessinoise, «perdu la main», on goûterait bien à la cuisine du professeur Baranzini. Pour finir, citons encore son engagement politique au PS, notamment lorsqu’il fut élu à la Constituante de Genève, le canton où il a étudié et dont il habite le chef-lieu pour savourer l’ambiance d’une «vraie petite ville».

Un goût de l’enfance 

Il minestrone della nonna Rachele, toujours le même, toujours différent.

Une ville de goût

Bologna, une très belle ville avec une vie académique, culturelle et… gastronomique hors pair, même pour l’Italie.

Un invité à sa table

Justin, un grand ami décédé bien trop jeune.

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