Marianne Chapuisat n’est pas alpiniste. Quand bien même première femme au monde à avoir gravi un pic de 8000 mètres en conditions hivernales – le Cho Oyu dans l’Himalaya en 1993 – la dynamique Vaudoise ne se cantonne ni à un lieu ni à une fonction. Elle partage son temps entre Lausanne, son chalet valaisan et des escapades de par le monde, rarement planifiées à l’avance. L’alpinisme, elle le pratique par coups de cœur, pas comme une activité professionnelle.
Enseignante en français et en éducation physique, divers mandats d’écriture et quelques années de journalisme à son actif: Marianne Chapuisat côtoie autant les mots que la montagne. Deux «bagages fondamentaux» qu’elle porte depuis l’enfance. «J’ai hérité du goût de la littérature de mes parents.» Des parents qui, non motorisés, ont aussi éduqué leurs quatre enfants à se déplacer à pied. Adorant la course, Marianne Chapuisat pratique d’abord l’athlétisme. Mais toujours un livre dans son sac de sport. «En périodes de blessures ou d’attente, c’est un cadeau d’aimer lire.»
A l’Université de Lausanne, la jeune femme mène donc de front un brevet de maître de sport et des études en Lettres, sections français et histoire. Ses années sur les bancs – et les stades – de l’UNIL, elle s’en souvient comme si c’était hier, et pourrait «y retourner demain». L’an passé, elle a d’ailleurs complété une formation de coach.
«Cela m’enchanterait de suivre à nouveau des cours en français. Etudier aujourd’hui, avec la maturité et ma connaissance des textes littéraires serait un vrai bonheur.» Ce qu’elle souhaite partager avec ses gymnasiens. «J’essaie de leur transmettre le jeu du bon élève: tout sujet approfondi peut devenir intéressant et se muer en passion.»
Ce goût pour l’étude, Marianne Chapuisat le transpose aisément hors des livres. La montagne, elle en parle en littéraire. «Pour moi, il s’agit d’une expérience un peu pascalienne sur la grandeur et la petitesse de l’homme. D’un côté, une fragilité extrême face aux géants qui nous entourent, de l’autre, la capacité de hisser nos petites personnes sur les sommets les plus hauts de la Terre donne une confiance et une foi dans ce que l’on peut accomplir lorsque l’on se concentre sur un objectif.»
Là-haut, une autre dimension. Elle se souvient en particulier: «Sur un sommet de 8000 mètres, l’impression d’être liée aux êtres aimés, une minute de grâce. Presque un satori.» Mais, de retour en ville, peut-on retrouver l’intensité des rencontres et la richesse de la vie intérieure en altitude? «Je les injecte dans mon quotidien, comme des ballons d’oxygène qui me portent longtemps.» Ce qui lui manquerait le plus si elle devait arrêter l’alpinisme demain? «Ne plus ressentir les mêmes sensations physiques. Elles ne peuvent pas être remplacées par des émotions.»
Mais pour l’heure, Marianne Chapuisat vit hic et nunc chacune de ses activités: l’enseignement, jury au festival du film alpin des Diablerets, ou son implication avec des jeunes en réinsertion, ou pour le rééquipement des parois d’escalade. Peut-être, entre deux, repartir en «expé», à condition d’être «en pleine santé et dans un état de vraie disponibilité». Ou écrire un livre… «Mais pas forcément sur la montagne!» Car Marianne Chapuisat n’est pas alpiniste. Elle fait de l’alpinisme, entre autres choses.
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