Les liens entre Suzanne Necker et le célèbre hôpital parisien qui porte son nom prennent vie dans l’ouvrage récent d’une historienne de l’UNIL.
Bien souvent, le nom de Suzanne Necker, née Curchod (1737-1794), convoque à l’esprit les figures de son mari Jacques, ministre des Finances de Louis XVI, et surtout de sa fille Germaine de Staël. Pourtant, de son vivant, cette native de Crassier (VD) était très connue, à la fois comme salonnière, femme de lettres et philanthrope.
Fruit d’un mémoire de Master en histoire soutenu à l’UNIL en 2017 sous la direction de Léonard Burnand, l’ouvrage de Madline Favre présente les liens entre Suzanne Necker et l’hospice de Saint-Sulpice et du Gros Caillou, qui prendra le nom de sa fondatrice et première directrice quelques années après sa mort. En effet, sur mandat de Louis XVI, et par l’intermédiaire de Jacques Necker, cet établissement fut un lieu d’expérimentation de nouvelles règles, comme l’aération, la propreté et l’idée de placer un seul malade par un lit, ce qui fait un peu froid dans le dos.
Esprit scientifique, Suzanne Necker était proche des médecins suisses Théodore Tronchin et Samuel Tissot. Ouverte aux idées «modernes» au sujet de la Santé publique, elle prit sa mission à cœur.
Ses motivations relèvent de plusieurs ordres. «Sa foi protestante et son rôle de femme du ministre des Finances viennent en premier», explique l’auteure, qui met toutefois en lumière d’autres aspects, plus psychologiques. «Elle possédait un rapport très particulier à la maladie et à la mort, et notamment à la sienne, qu’elle a minutieusement préparée. Ainsi, on peut penser que Suzanne Necker soignait son propre corps à travers “son” hospice, et qu’elle cherchait de plus à faire le deuil de sa mère.»
La marche de l’établissement était assurée par Sœur Cassegrain, femme de confiance de Suzanne Necker. Seize lettres inédites issues des archives de Coppet, envoyées par la religieuse à sa directrice, livrent de précieux renseignements au sujet de la vie quotidienne à l’hospice. L’amitié très forte tissée entre la protestante et la catholique apparaît au grand jour, grâce aux recherches de Madline Favre.
«Sœur Cassegrain fut un personnage attachant, qui remettait en cause le comportement des autres nonnes et cherchait à échapper au pouvoir de sa Sœur supérieure, par amitié pour Suzanne Necker», explique l’historienne. Le décès de la religieuse a causé une peine extrême à la Vaudoise.
Enfin, Madline Favre rend justice à l’humanité de Suzanne Necker, une femme trop souvent présentée comme austère.