Les Romains aimaient tellement la viande de pigeon que son élevage a été transformé en véritable industrie. C’est grâce – ou à cause – de leurs conquêtes que cet oiseau s’est installé au nord des Alpes. Cette petite histoire, et 189 autres, est extraite du livre de Daniel Cherix, ancien conservateur au Musée de zoologie de Lausanne. Cette collection d’articles courts et vifs est instructive et parfois drôle. Mais l’ouvrage attire aussi l’attention sur le processus très rapide de disparition des espèces qui se déroule aujourd’hui. Un phénomène dans lequel l’homme joue un rôle majeur, par exemple en détruisant les habitats naturels.
Certes, 1’800’000 espèces vivantes ont été recensées à ce jour, et de nouvelles sont découvertes chaque année, à l’image du saola, un bœuf forestier cornu d’une centaine de kilos, repéré au Vietnam dans les années 1990. Cet animal n’est apparu dans les revues scientifiques que pour se voir aussitôt déclaré en danger d’extinction: moins d’une centaine vivraient encore, soit le point probable de non-retour.
Les espèces dites «envahissantes», dont plus de 6000 ont déjà été recensées en Europe, représentent également une menace pour la biodiversité. Ainsi, notre cher écureuil roux subit la concurrence de l’écureuil gris, plus lourd et plus résistant, introduit en Angleterre par «des gens irresponsables». Pour l’auteur, la situation est désormais hors de contrôle, car cet animal s’est répandu à toute vitesse en Italie, éliminant son cousin local et provoquant des dégâts aux peupliers. Autre exemple: dans les eaux du Léman nage depuis une décennie la crevette tueuse, carnivore, qui dévore tout sur son passage et transporte des parasites! Comme cette charmante bestiole résiste à tout ou presque, son élimination n’est pas pour demain.
L’ouvrage écrit par Daniel Cherix s’accompagne des dessins très réussis de Michel Krafft, photographe et responsable du secteur image au Musée cantonal de zoologie. Cet artiste autodidacte, qui dessine d’après photos, a travaillé au pinceau très fin et à l’encre noire pour brosser le portrait des espèces décrites. De quoi composer un livre à parcourir dans tous les sens.
Mille milliards de pattes (et au moins autant de plumes). Par Daniel Cherix. Dessins de Michel Krafft. Presses polytechniques et universitaires romandes (2012), 252 p.
En 1996, sur fond de volontarisme intercantonal et de désirs fusionnels dictés par les restrictions budgétaires, deux recteurs envisagent une université lémanique multi-sites; en 1998, alors qu’un nouveau discours prône l’investissement dans la formation et la recherche pour relancer la croissance (économie de la connaissance), deux recteurs et un président s’engagent dans un processus de coordination qui prendra des formes variées. Ce Projet Triangulaire Lémanique (PTL) sera officialisé en juin 2000 par trois «fées» politiques, Ruth Dreifuss, Francine Jeanprêtre et Martine Brunschwig-Graf.
Entretemps, le 17 mars 2000, un nouveau président de l’EPFL est entré en fonction. Le PTL prend une coloration plus concurrentielle, les sciences de la vie bourgeonnent, l’ISREC trouve refuge à l’EPFL, qui se dote aussi d’une belle animalerie; l’UNIL parie au fil des épisodes sur la richesse de sa biologie (mammifères, insectes sociaux, plantes…), mise en relation avec la médecine au sein d’une nouvelle faculté dite de biologie et de médecine, et se positionne comme un pôle d’excellence dans les sciences humaines, sociales et environnementales. Depuis, l’esprit de la coopération, sous-tendu par une logique concurrentielle, n’a pas cessé de souffler. Chaque institution sait qu’elle doit mutualiser les coûts de ses équipements technologiques et scientifiques et qu’elle gagne à se profiler pour obtenir des financements nationaux. La coopération, et en particulier une logique de «campus lausannois», a été déclenchée et semble ne pas devoir s’inverser.
Pour raconter ces mutations intervenues entre 1990 et 2010, les auteurs ont exploré les archives des hautes écoles concernées et mené des entretiens avec leurs principaux acteurs. Ce foisonnant ouvrage d’histoire immédiate vient nous prouver, si besoin était, que les universités sont au cœur de la cité.
Gouverner les universités. L’exemple de la coordination Genève-Lausanne (1990-2010). Par Jean-Philippe Leresche, Frédéric Joye-Cagnard, Martin Benninghoff, Raphaël Ramuz. Presses polytechniques et universitaires romandes (2012), 528 p.
Alors qu’il n’avait que 19 ans, Jacques Chessex a entamé une correspondance avec le poète Gustave Roud. A travers cet échange, le lecteur revit tout un pan de l’histoire littéraire romande. «En misant sur Roud, Chessex le citadin parie sur une figure d’ascendance paysanne qui célèbre le mystère et la beauté d’un monde en passe de disparaître», écrit dans sa préface Stéphane Pétermann, responsable de recherche au Centre de recherches sur les lettres romandes. L’ouvrage est enrichi de documents et de photographies.
Jacques Chessex – Gustave Roud. Correspondance 1953-1976. Edition établie, annotée et présentée par Stéphane Pétermann. Infolio (2011), 321 p.
Homme de théâtre français, Jean-Michel Potiron a passé trois ans à l’Université de Lausanne, comme artiste en résidence. Dans sa roulotte blanche, qui porte l’inscription «Qu’est-ce que la guerre?», il s’est entretenu avec des enseignants-chercheurs de toutes disciplines travaillant sur ce thème. Ce projet a débouché sur un spectacle, présenté ce printemps lors du festival Objectif Mars, ainsi que sur un intéressant ouvrage collectif interdisciplinaire tout à fait accessible pour le grand public.
Qu’est-ce que la guerre? Sous la direction de Yohan Ariffin, Anne Bielman Sánchez. Coéd. Antipodes & Presses polytechniques et universitaires romandes (2012), 325 p.
De «Qu’est-ce qu’un musulman?» à «La Suisse est-elle en phase d’islamisation?», Mallory Schneuwly Purdie livre en 21 courts chapitres de nombreuses clés pour mieux comprendre l’islam, ses multiples courants et sa place dans notre pays. Docteure en sociologie des religions, l’auteure mêle témoignages, résultats de recherches et analyses pour traiter calmement de sujets chauds comme les conséquences de l’acceptation de l’initiative contre la construction de minarets, le port du voile, ou plus généralement de la place de la femme dans l’islam.
Peut-on intégrer l’islam et les musulmans en Suisse? Par Mallory Schneuwly Purdie. Les éditions de l’Hèbe (2011), 88 p.
Professeur ordinaire au Laboratoire de recherche en psychologie des dynamiques intra- et intersubjectives de l’UNIL, Pascal Roman traite d’un sujet qui surgit régulièrement dans l’actualité. Destiné en premier lieu aux psychiatres, psychologues et psychothérapeutes, cet ouvrage universitaire s’inscrit dans une perspective clinique. Les informations apportées au fil des pages et les témoignages recueillis auprès d’adolescents agresseurs peuvent toutefois intéresser les professionnels de l’éducation et du travail social. Une question grave, traitée avec distance.
Les violences sexuelles à l’adolescence. Par Pascal Roman. Elsevier Masson (2012), 208 p.
C’est un récit de vie rocambolesque, à la fois drôle et tragique, que présente la journaliste Aline Jaccottet. Titulaire d’un bachelor en science politique obtenu à l’UNIL en été 2011, celle-ci propose l’histoire d’Arlette Monnard-Elhajhasan. Née à Chambésy, cette dernière rencontre à Londres Hasan, un gynécologue palestinien. Rapidement, c’est le coup de foudre, le mariage, des enfants et une longue carrière de sage-femme improvisée à Tulkarem qui s’enchaînent, sur fond de chocs culturels.
Accoucheuse à Tulkarem. Trente-sept ans dans l’intimité palestinienne. Arlette Monnard-Elhajhasan, récit présenté par Aline Jaccottet. Labor et Fides (2012), 157 p.