Situé à l’extrémité nord de la Cité, à Lausanne, le château Saint-Maire va retrouver son apparence traditionnelle au printemps. Ce massif édifice de molasse et de brique rouge a patienté trois ans sous les bâches et les échafaudages, dans le cadre d’un important chantier de restauration. Sauf imprévu, un événement public aura lieu sur place le 14 avril – jour anniversaire de l’entrée du Canton de Vaud dans la Confédération.
Avec une remarquable constance, les Autorités ont choisi le château, dont la construction a débuté en 1397, comme siège du pouvoir. Au fil des siècles, des évêques, des baillis bernois et des conseillers d’Etat se sont succédé, et avec eux bien des rénovations et des transformations.
Il y a un peu plus de cinq siècles, le prélat Aymon de Montfalcon (1443-1517) a lui aussi transformé «son» château, en recourant à de nombreux artisans de talent. Au premier étage, un plafond peint, où se côtoient des motifs floraux et le monogramme «AM», ainsi qu’une cheminée monumentale, en témoignent. Au rez-de-chaussée, deux peintures murales de style Renaissance, longues de 16 mètres, se font face dans un couloir. Lestées de références littéraires, elles mettent en lumière l’étendue des intérêts de leur commanditaire.
Conseil d’Etat à lui tout seul, Aymon de Montfalcon a traité d’affaires locales et fondé trois couvents. Son profil est visible sur un ducat d’or. Les relations internationales l’ont également beaucoup occupé, puisqu’il a exercé en tant qu’ambassadeur pour la Maison de Savoie, pendant près de quatre décennies. A l’époque, cette dernière, bien qu’en déclin, dominait le territoire actuel du Canton de Vaud. Des missions diplomatiques souvent délicates que raconte l’historienne Eva Pibiri dans cette édition du magazine de l’UNIL.
La vie déjà bien remplie d’Aymon de Montfalcon se double d’un mystère. Si le Petit Poucet a jeté des cailloux blancs pour retrouver son chemin, l’évêque a semé sa devise si qua fata sinant («si les destinées le permettent», une citation mélancolique de l’Enéide de Virgile), le monogramme aux lettres entrelacées «AM» et ses armoiries parlantes reconnaissables à leurs deux faucons. La cathédrale de Lausanne contient un certain nombre de ces signes, tout comme le château Saint-Maire. Comme ce dernier est normalement fermé au public, la manifestation officielle du 14 avril prochain offre une bonne occasion de méditer in situ sur le message envoyé par Aymon de Montfalcon. De simples marques de vanité? Le souvenir d’un amour de jeunesse?
Les lecteurs qui souhaitent approfondir le sujet trouveront du grain à moudre dans les actes d’un colloque récent consacré à l’évêque, qui vont paraître cette année dans la revue Etudes de lettres. Ils rassemblent les contributions de nombreux chercheurs de l’UNIL, issus de disciplines comme l’histoire, l’histoire de l’art ou la littérature. Un mélange d’approches nécessaire pour tenter de comprendre la riche personnalité d’un prince, poète, mécène et diplomate qui, dans son parcours, a lié le Moyen Age finissant et la Renaissance.