Voici les principales règles de conversion qui permettent de transformer de l’allemand scolaire en dialecte.
Le Schwyzerdütsch, c’est moins compliqué qu’on ne l’imagine, et voici pourquoi. La première chose à savoir, la plus importante, c’est que vous ne partez pas de zéro. Tout ce que vous avez appris en 8 ans d’allemand minimum à l’école est utile, parce que les liens sont nombreux entre le Hochdeutsch et le Schweizerdeutsch, l’allemand des Suisses.
«Il s’agit surtout d’apprendre à prononcer et à entendre des mots que nous connaissons pour la plupart», précise Bernarda Frank, qui enseigne le dialecte au Centre de langues de l’UNIL.
1. Les règles de transfert
Le premier grand pilier de l’apprentissage du dialecte, c’est la découverte des règles de transfert d’un idiome à l’autre. «Certains sons changent presque toujours de la même manière entre l’allemand et le dialecte, disons 80 %. Le -st au milieu d’un mot, comme dans gestern (hier), devient souvent un -sch pour donner geschter.» Autre variation courante à connaître: le -au milieu d’un mot devient souvent un -uu comme dans Haus (maison) qui devient Huus. Le -i ou le -ie devient souvent -iä, donc Liebe (l’amour) se prononce Liäbi en alémanique. «Si on suit ces règles, on prononce une partie des mots de manière correcte», dit Bernarda Frank.
2. Chuchichäschtli
Le deuxième grand pilier de l’apprentissage du dialecte passe par la découverte de certaines règles de prononciation. «Il y a deux changements importants entre l’allemand et le dialecte, notamment le fameux -ch guttural, comme dans ich (je) qui devient une sorte de ich plus raclé, ou comme dans le fameux Küche (la cuisine) qui se prononce Chuchi.»
C’est difficile à écrire, même en phonétique, car le -r est souvent roulé, un peu comme pour le loch à l’écossaise. Et il y a aussi le -u qui devient souvent -ue, comme dans Mutter (la maman) qu’il faut prononcer Mueter.
3. Les mots spécifiques
Si vous travaillez durablement dans la même région de Suisse alémanique, il sera utile d’apprendre certains mots qui n’existent que dans un dialecte spécifique. Le garçon, le Bueb, devient parfois Giel, à Berne. Ou la fille, donc Maitli, devient Meitschi à Berne. Enfin, le 4e pilier de cet apprentissage, c’est de mémoriser des expressions fixes, avec des mots totalement différents de l’allemand standard. Comme Grüezi, bonjour. Ou le verbe regarder, schauen, devient luege dans la plupart des dialectes.
4. Avec l’anglais, ça marche parfois
Quand des Alémaniques parlent entre eux, ils utilisent de nombreux mots anglais. «C’est une tendance généralisée, on parle parfois de Denglisch pour ce mélange d’allemand et d’anglais. Là, c’est du Schwyzerdenglisch», sourit l’enseignante de l’UNIL.
Dans le doute, quand il vous manque un mot, vous pouvez toujours tenter son équivalent anglais, et même français, surtout dans les cantons voisins de la Suisse romande. «On entend parfois un Sorry, prononcé à l’alémanique avec le -r roulé, un Äxgüsi (excusez-moi), un Pardon, ou un Adiö (adieu). L’usage du français est aussi fréquent pour la gastronomie. On dira pâtisserie, et j’ai entendu quelqu’un dire Ayo nimm Pommes Frites. Comme il n’y a pas d’Académie du Schwyzerdütsch, de nouveaux mots s’intègrent régulièrement ; la langue n’est pas figée», explique Bernarda Frank.
5. Les accords simplifiés
Dernier avantage par rapport au pensum scolaire qu’a pu être l’apprentissage du Hochdeutsch, le dialecte simplifie beaucoup les accords. La tentation, c’est de remplacer les eine, einen, einem, par un eni en Schwyzerdütsch et de passer à la suite. C’est juste ? «Votre interlocuteur comprendra ce que vous voulez dire, mais ce serait faux de croire qu’il n’y a pas de règles grammaticales en dialecte. Elles sont plus simples, mais elles existent. L’accord des adjectifs est plus facile : on dira en junge Maa, pour un jeune homme, e jungi Frau au féminin et es chliises Chind pour le neutre», précise Bernarda Frank.
6. Grüezi wohl Frau Stirnimaa
Comme l’anglais a été popularisé par de nombreuses séries TV et chansons populaires, le Schwyzerdütsch a ses ambassadeurs. Après le mythique Grüezi wohl Frau Stirnimaa, Stefan Eicher a pris la relève avec son Hemmige. Il a été rejoint récemment par les Bernois de Züri West qui passent régulièrement à la radio sur La Première. S’y ajoutent encore des séries TV que l’on peut voir en dialecte sous-titré sur la RTS, comme Wilder et Tschugger qui permet de s’initier aux mystères du haut-valaisan. «Salü zamü, mit ü. Jaaa, du bisch es Naturtalent! Ich han dr xeit!»
L’écoute de chansons alémaniques et de séries en suisse allemand sous-titrées est une bonne manière de se faire l’oreille, recommande l’enseignante. Certains jouent d’ailleurs sur l’incompréhension légendaire entre les deux parties linguistiques du pays, comme ce refrain en forme de «Frag mii nid, j’comprends rien.» Un refrain qui ne devrait plus être d’actualité après ce cours accéléré./
Article principal: Le Schwyzerdütsch, c’est «zimmli easy»