«Le récit des mages n’est pas considéré comme un événement historique»

Entretien avec Simon Butticaz, directeur de l’Institut romand des sciences bibliques.

Simon Butticaz. Professeur, directeur de l’Institut romand des sciences bibliques. Nicole Chuard © UNIL

Dans la Bible, il n’y a qu’un seul des quatre Évangiles du Nouveau Testament qui parle de la visite des mages, c’est juste? 

Simon Butticaz: Effectivement, le récit de la visite des mages est propre à Matthieu. Il se lit dans ce que l’on nomme communément l’ «Évangile de l’enfance», en son chapitre 2, versets 1 à 12. 

Quand un seul Évangile parle de ces personnages, qu’est-ce que cela nous dit de la crédibilité historique de cet épisode?

D’ordinaire, l’historien juge crédible une tradition attestée par différentes sources indépendantes l’une de l’autre. Pour cette raison, le récit des mages consigné par Matthieu n’est, le plus souvent, pas considéré comme un événement historique, mais comme un épisode symbolique. S’y reflète, pensent les exégètes, la vocation universelle de celui dont le premier évangéliste relate l’«origine» (Mt 1,1) – Jésus de Nazareth. 

Que nous dit vraiment Matthieu, sur le nombre, le nom et l’origine de ces mages?

Matthieu est peu disert à ce propos. Ni le nombre ni le nom de ces «mages» ne sont livrés. Qu’ils apportent trois présents a conduit à en fixer le nombre à trois: mais c’est là l’œuvre de la réception, et non du récit de Matthieu. Ce dernier se limite à en donner l’origine et la fonction: «des mages provenant d’Orient», lit-on en Mt 2,1. Plus tard dans la tradition de l’Église, ils deviendront rois. 

Pour vous, ces «mages», ce sont des astrologues? Des scientifiques? 

Étymologiquement, on a souvent rapproché les magoi (en grec) de «prêtres» ou d’«oniromanciens» d’origine perse. Traditionnellement donc, les visiteurs de Bethléem sont considérés par les biblistes comme des conseillers religieux ou des sages actifs à la cour d’un roi étranger. Or, alors que Hérode le Grand, le roi d’Israël en fonction, refuse de reconnaître la vocation céleste du nouveau-né de Bethléem, ces «mages» orientaux se prosternent à ses pieds. Un paradoxe qui, selon les exégètes, refléterait la situation socio-historique dans laquelle se trouvait la communauté de Matthieu après la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70, soit la nécessité d’élargir la mission de l’Église en direction des populations non-juives (cf. Mt 28,19).

Article principal: L’histoire méconnue des rois mages et de l’enfant-étoile

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