Faut-il cacher ce qui divise, ou montrer ce qui rassemble? C’est la question de saison, qui se pose désormais invariablement, à l’approche de Noël, au moment de décider si l’on va installer une crèche dans un lieu public. A ce nouveau classique de la fin d’année, ce numéro d’Allez savoir! vient apporter une perspective nouvelle.
Bon nombre de ceux qui plaident pour le retrait des crèches, mais aussi pour leur maintien dans les lieux publics, ignorent en effet que cet épisode n’est pas choquant pour un lecteur du Coran, puisque la naissance de Jésus y est racontée de manière détaillée. Si le récit de «la sourate de Marie» est quelque peu différent de la Nativité que nous connaissons en Occident, le texte musulman se montre extrêmement respectueux de la figure de Marie, «qui y est élevée au-dessus de toutes les femmes», explique un chercheur lausannois dans ce magazine.
La connaissance de ce patrimoine spirituel commun a notamment permis de créer des ponts entre les deux religions. Ainsi, quand diverses nations européennes songent à bannir les crèches des lieux publics, d’autres pays ont choisi d’utiliser les similitudes entre la tradition chrétienne et le Coran pour constituer un tronc commun. Au Liban, pays multiconfessionnel qui abrite une vingtaine de communautés religieuses, est née en 2009 l’idée d’une journée de «fête islamo-chrétienne chômée». Cette célébration nationale (pas religieuse) se déroule le jour de la Fête de l’Annonciation, fixé pour commémorer le passage de l’ange Gabriel (Djibril), venu prévenir la Vierge Marie (Maryam) de l’arrivée prochaine de l’Enfant Jésus (Issa). Parce que l’Annonciation, comme la naissance de Jésus, est également racontée dans la tradition musulmane, puisqu’elle est évoquée dans quatre passages du Coran.
La démarche est intéressante à plus d’un titre. Parce qu’elle permet de montrer ce qui rassemble, cette initiative fait lentement boule de neige. L’an dernier, cette fête de l’Annonciation a aussi été célébrée dans plusieurs villes de France et de Belgique par des chrétiens et des musulmans assemblés.
On observera encore que cette tentative de rapprochement peut être démultipliée. Ainsi, plutôt que de supprimer les crèches, on ferait mieux d’y ajouter un palmier, qui témoignerait de notre connaissance de la tradition musulmane, puisque Marie accouche sous cet arbre dans le Coran. Enfin, il est permis de savourer les dattes avec une pensée pour la version coranique et apocryphe de la nuit de Noël. En effet, comme vous le découvrirez dans ce magazine, ces textes racontent que l’enfant Jésus a ordonné à l’arbre de nourrir sa mère avec ces fruits.
On observera enfin que les chercheurs, historiens des religions, et autres traducteurs, comme ceux qui apparaissent dans cet Allez savoir!, auront un rôle important à jouer dans les querelles religieuses du XXIe siècle, qui sont trop souvent provoquées par l’ignorance des polémistes. L’avantage, avec ce genre d’affrontements, c’est qu’il est plus facile de les régler avec quelques explications scientifiques, et un peu de bonne volonté.