Le numérique à coups de pioche

À l’écran, un petit personnage frappe de sa pioche un cube gris, teinté d’orange et de vert. En quelques secondes, il en tire du cuivre brut qui se présente sous la forme de patates pixélisées. Voici une scène typique du jeu vidéo Minecraft.

L’extraction de ressources (sable, charbon, fer ou or, entre autres) et leur transformation en matériaux utiles à la fabrication d’objets constituent l’un des socles de Minecraft. Ce jeu s’avère une métaphore intéressante de notre rapport au monde matériel, à une époque où l’on s’inquiète de la disponibilité des minerais «critiques». Ces derniers sont nécessaires dans le cadre de la décarbonation de la production d’énergie, de l’électrification de la mobilité ou de la numérisation de la société.

Parmi les éléments recherchés se trouvent par exemple le cuivre, le nickel les «terres rares», l’indium ou le gallium,  entre autres. Et bien sûr le lithium, un métal léger dont Nicolas Meisser, conservateur au Département de géologie du Muséum cantonal d’histoire naturelle, a découvert le premier minéral «vaudois» vers le lac de Bretaye (lire l’article).

Dans Minecraft, il n’y a pas loin de la matière première à l’objet. Une fois que le personnage a extrait des ressources, il peut les cuire dans un four pour les transformer, avant de réaliser des outils ou d’autres biens très vite et sans rejets toxiques. En réalité, les opérations minières consomment de grandes quantités d’eau et d’énergie, tout en provoquant des dégâts environnementaux. L’ingénieure des mines Aurore Stéphant, lors d’une conférence donnée à l’UNIL, a traité de ces aspects (lire l’article)

Souvent, les joueurs de Minecraft amas­sent trop de ressources et fabriquent trop de choses. Ils stockent donc leur production dans des coffres de «bois» numériques, en attendant leur utilisation. Cette thésaurisation résonne de manière familière. Quand l’appartement, le grenier ou la cave se retrouvent pleins de bidules «qui peuvent servir une fois», il reste la possibilité de louer des espaces de stockage pour y déverser le surplus. Or, la création de ces objets implique des matières premières, encore et toujours.

Les différentes projections au sujet de la transition énergétique pour 2040 ou 2050 engendrent déjà un recours accru aux ressources stratégiques. Seront-elles disponibles? Comme l’écrit l’Agence internationale de l’énergie dans son World Energy Outlook Special Report de mars 2022, «les plans d’approvisionnement et d’investissement actuels pour de nombreux minéraux critiques sont loin de
répondre aux besoins d’un déploiement accéléré de panneaux solaires, d’éoliennes et de véhicules électriques». Cet organisme mentionne par exemple une demande qui pourrait être multipliée par 6, voire par 16 selon les scénarios pour le lithium, utilisé dans les batteries des véhicules électriques.

Enfin, le jeu vidéo Minecraft met en lumière un paradoxe. Pour y jouer, il faut un ordinateur ou un smartphone. Sous un format réduit, ce dernier rassemble plus de 60 entrées du tableau périodique, parfois en quantités infimes. Ces éléments ont été extraits de sites situés un peu partout, du Chili à la Chine, de la République démocratique du Congo à l’Australie. On joue donc à miner proprement… grâce au produit du minage.

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