Tu arrives à Zanzibar, tu rencontres un garçon d’une extrême pauvreté, tu vas l’aider et lui aussi, vous nouez une amitié sans que le lien inégalitaire entre vous ne puisse être occulté. Cette relation avec Sele est au cœur du livre de Marco Motta, docteur en anthropologie de l’UNIL. Dans cette couche très précaire de la population, l’attente ou la crainte d’une intervention des esprits, mieux encore, cette intervention telle qu’elle est racontée par l’anthropologue, permettent sinon de résoudre des problèmes insolubles, du moins de les mettre à distance, de «reconfigurer les situations».
Impossible de décrire ici l’ambiguïté si finement analysée par l’auteur, qui paie de sa personne dans tous les sens du terme. Point de métaphysique: ces esprits terre-à-terre ont chacun leurs particularités mais ne s’animent que dans un corps humain, pour l’ensorceler ou l’aider. Le rituel s’appelle uganga: il est caractérisé par une théâtralité collective et offre à la personne malmenée par une maladie, ou d’autres soucis propres à un environnement instable où il faut sans cesse improviser, la possibilité de reprendre des forces. Le rituel permet de s’accorder également avec celui-là même qui fait souffrir, humain… ou autre: inclure le méchant, voilà qui pourrait nous inspirer? Ces relations avec des voisins en chair et en os, et avec des esprits, s’inscrivent dans le quotidien, insiste l’auteur. Son livre et son rapport à Sele ont pourtant bien quelque chose d’extraordinaire. / Nadine Richon
Vade-mecum pour Catherine Colomb
Si vous craignez de vous aventurer seul dans les 1600 pages du magnifique Tout Catherine Colomb publié par les Éditions Zoé, ce petit livre vous servira de guide. Auteur de ce Catherine Colomb. En plein et lointain avenir, Anne-Lise Delacrétaz a participé à l’aventure éditoriale de l’œuvre complète. Après une approche biographique, elle passe à l’analyse, éclairante et accessible, des six romans – dont deux inédits – de la grande écrivaine vaudoise. Impossible en revanche de savoir comment celle-ci travaillait. «La genèse de l’œuvre garde son mystère, malgré l’accès public aux archives depuis 2014. Les brouillons des romans n’ont pas été conservés», regrette Anne-Lise Delacrétaz. Et la chercheuse termine son périple en mentionnant les différentes lectures qui font de Catherine Colomb tantôt une héritière du roman anglais tantôt un précurseur du Nouveau Roman, tout en précisant que «la publication de Tout Catherine Colomb ouvrira encore de nouvelles perspectives interprétatives, elles aussi plurielles et contrastées». / Mireille Descombes
La religion en quête d’une définition
Maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’histoire et anthropologie des religions, Nicolas Meylan s’attelle à une tâche qu’il qualifie lui-même de «redoutable»: répondre à la question: «Qu’est-ce que la religion?» Certes, les dictionnaires s’en chargent mais il faut aller plus loin.
Le chercheur nous propose onze textes d’auteurs qui se sont penchés sur ce sujet. Le lecteur croise l’anthropologue Edward Burnett Tylor, le sociologue Émile Durkheim ou l’historien des religions contemporain Bruce Lincoln. Le spécialiste du bouddhisme Melford Spiro propose d’ancrer dans la définition l’idée de «croyance en des êtres surhumains […] ayant le pouvoir d’aider l’Homme ou de lui faire du mal […]» Tout en reconnaissant le caractère progressif des sciences humaines et sociales, l’auteur se garde bien de décider de la meilleure des définitions exposées. / DS