La révolte en douceur

Sophie Swaton. Au restaurant Le Nomade, à Lausanne.
© Pierre-Antoine Grisoni /Strates

Elle s’inquiète de ce que 150 entreprises mondiales, très peu taxées, polluent le plus. Chercheuse à l’UNIL, Sophie Swaton s’engage très concrètement pour soutenir la transition écologique et sociale.

Elle a été sensibilisée très jeune à la question de la précarité, alors même que son histoire familiale est ancrée dans un milieu fortuné, par le grand-père surtout, issu d’une famille dirigeant un empire industriel de construction et de réparation navale à Marseille. Chez Sophie Swaton, on trouve ainsi un père biologique, un père adoptif, des demi-frères et sœurs, une arrière-grand-mère riche héritière de la soie lyonnaise, une autre dans le besoin, un grand-père attentif à ses ouvriers – il lui inculque le sens de la responsabilité sociale – et une mère aux origines franco-italiennes installée à Aix-en-Provence où Sophie est née.

On voudrait la faire évoquer encore cette détonante saga familiale mais il faut hélas écourter. Enseignante à la Faculté des géosciences et de l’environnement, Sophie Swaton a elle-même trois enfants avec son mari avocat à Genève. Philosophe puis économiste, elle est arrivée à l’écologie depuis des préoccupations sociales – la lutte contre la pauvreté et le chômage de longue durée – et se voit sollicitée aujourd’hui par le gouvernement Macron, des communes en Suisse et des territoires français sur le thème de la durabilité forte. Elle travaille à deux niveaux: la recherche-action pour soutenir rapidement, avec un capital et/ou des formations, des projets citoyens en agroécologie, tourisme, restauration, urbanisme, éducation, mobilité douce, service aux personnes, journalisme environnemental, entre autres, et le droit afin d’harmoniser ces initiatives avec les dispositifs sociaux existants. Invitée récemment à Bruxelles, elle est en discussion pour décrocher des fonds européens et, à voir son enthousiasme, on peut penser que la négociation se présente bien.

«Nous demandons que l’État appuie nos expérimentations en cours dans la société civile et les régions», précise l’auteure de Pour un revenu de transition écologique (PUF, 2018). Dans ce livre, elle répond à la question de la précarité autrement que par l’allocation universelle, un vieux rêve social qu’elle ne démolit pas mais dont elle pointe les manquements écologiques et même psychologiques. «Quand on parle avec des chômeurs de longue durée, on voit qu’ils veulent participer et pas simplement recevoir un montant à la fin du mois sans rencontrer un visage humain», insiste-t-elle.

Sophie Swaton a quelque chose d’un électron libre qui refuse de céder toutes les dimensions de nos vies à l’exploitation par le marché ou à une étatisation défaillante. Libre mais en rien individualiste, elle croit à l’innovation sociétale par le bas pour susciter une autre dynamique économique. À Grande-Synthe, par exemple, elle collabore avec le maire Damien Carême, nouvel élu écologiste au Parlement européen: «Nous avons créé une coopérative de transition écologique pour soutenir des initiatives existantes dans cette ville désindustrialisée et en faire émerger d’autres.»

Elle travaille sur un projet africain initié par la journaliste Audrey Pulvar et accompagne des démarches qui s’esquissent en France et en Suisse. Elle s’appuie sur son «écosystème», qui est académique à partir de l’UNIL et pratique à travers sa Fondation Zoein de soutien à des projets sociaux et écologiques.

Un goût de son enfance
Les tomates provençales et le loup au fenouil.

Des lieux à son goût
Les pâtes à Rome, la morue au Portugal et la moussaka en Grèce.

Un compagnon de table
Aristote pour lui de­mander des précisions sur l’esclavage et le statut des femmes.

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