La formation courte «Faire face au risque suicidaire» suscite un grand intérêt. Intense, le cursus permet de mieux comprendre comment évaluer le potentiel suicidaire des personnes en souffrance et comment les prendre en charge. Les participants changent également leur posture face à cette problématique complexe.
En 2013, 1070 personnes se sont suicidées en Suisse*. Notre pays se situe dans la moyenne européenne, avec 11,2 décès pour 100’000 habitants. Ce dernier chiffre représente moins de la moitié de ce qu’il était en 1980, un signe que les actions de prévention, notamment, produisent des effets. La question délicate du suicide demeure toutefois «taboue et culpabilisante», relève Yves Dorogi. Cet infirmier spécialiste clinique au Service de psychiatrie de liaison du CHUV coordonne «Faire face au risque suicidaire», une formation courte de deux jours.
Dispensé plusieurs fois par année, ce cursus est le fruit d’une démarche qui implique depuis des années le Service de la santé publique vaudois et les institutions psychiatriques cantonales. «L’une des bases de la réflexion réside dans un constat : la difficulté qu’il existe à prendre en charge les personnes ayant des idées suicidaires», explique Yves Dorogi. Comment améliorer l’identification et l’évaluation du risque qu’elles encourent ? Comment intervenir ?
1500 personnes formées
Créée en 2005, la formation est issue d’une méthode développée au Québec par la professeure Monique Séguin, puis diffusée en France par le professeur Jean-Louis Terra. Sous nos latitudes, son déploiement est assuré par le Groupe Romand Prévention Suicide, qui compose le comité scientifique de «Faire face au risque suicidaire». En 2015, ce cursus s’est étendu dans le canton de Neuchâtel. A ce jour, près de 1500 personnes l’ont suivi. Parmi ces dernières se trouvent principalement des professionnels de la Santé et du Social, mais également des étudiants, des bénévoles qui œuvrent en institution, des enseignants ou des policiers. Chaque volée est limitée à 18 participants. Aucun diplôme particulier n’est requis.
Cette hétérogénéité assumée est «vécue de l’intérieur comme une richesse, aussi bien par les intervenants que par les participants», note Laurent Michaud, médecin, responsable de l’Unité urgences et crise du CHUV, et président du GRPS. En apparence très individuel, le suicide touche de nombreux aspects : la personne elle-même, avec ses troubles mentaux et ses antécédents éventuels, mais aussi ses relations avec autrui, la communauté qui l’entoure et enfin la société dans son ensemble. Face à cet ensemble de facteurs, la mobilisation de compétences et de profils très divers est indispensable.
Changer d’attitude
Pendant les deux jours du cursus, le travail s’exerce sur les attitudes des participants par rapport au suicide. «Dès le début, nous déconstruisons les représentations des participants afin de les amener eux-mêmes, grâce aux éléments de compréhension apportés par le groupe et par les formateurs, à reconstruire leurs postures de manière réflexive», précise Yves Dorogi, coordinateur de la formation.
En pratique, des trios sont formés dès le premier matin du cours. Tour à tour, chacun endosse le rôle de la personne en souffrance, du soignant et de l’observateur. Cette démarche est suivie de debriefings et de restitutions en plénum. Comme le sujet traité est hautement sensible et difficile à aborder en public, l’environnement est «bienveillant et contenant. Nous souhaitons que les participants accèdent à leurs émotions en toute sécurité», assure Yves Dorogi. Le but consiste à rendre la position de chacun moins inconfortable face aux personnes suicidaires, une fois de retour dans le contexte professionnel.
Les idées reçues sont laminées. Quelles sont-elles ? «On entend souvent dire que l’évocation du suicide incite au passage à l’acte. C’est le contraire qui est vrai», expose Laurent Michaud. Il faut également cesser d’imaginer que les gens qui parlent du suicide ne vont pas passer à l’acte, alors que les personnes décidées n’en parlent pas. C’est tout aussi faux. De manière générale, et pour simplifier, «la prévention est efficace». Cela passe aussi par le fait de rendre difficile l’accès aux moyens, par exemple en rehaussant des balustrades de ponts, en rendant les armes et certains médicaments moins accessibles.
Effet Papageno
Au passage, les formateurs signalent le rôle joué par les médias. Ainsi, si l’on mentionne la méthode utilisée par une célébrité qui s’est donné la mort, et que cette action est traitée au premier degré, un risque d’imitation existe (Effet Werther). Par contre, «mettre en avant la souffrance, prendre l’évènement avec la bonne distance et mentionner les numéros de téléphone qui permettent d’obtenir de l’aide possèdent un effet protecteur, baptisé Effet Papageno», explique Laurent Michaud.
Au terme de deux jours intenses, les participants ne ressortent pas avec une «boîte à outils» ou un bagage théorique fort. Par contre, ils savent utiliser un «modèle d’évaluation du potentiel suicidaire», qu’ils peuvent appliquer dans leur milieu professionnel. Les responsables du cursus insistent sur l’idée qu’il est bénéfique de former plusieurs personnes dans un même service ou département. En effet, il vient toujours un moment où il faut savoir s’adresser à d’autres collègues. «Même des professionnels expérimentés peuvent rester bloqués par leurs émotions, et ne pas pouvoir mobiliser leurs compétences. Le partage permet de mieux connaître ses propres limites et de mieux comprendre à quel moment il faut passer la main, en s’appuyant sur l’ensemble du réseau des professionnels», poursuit Yves Dorogi.
Près de vingt sessions de «Faire face au risque suicidaire» sont organisées en 2016, à Lausanne et à Neuchâtel. Plusieurs autres cantons ont manifesté leur intérêt. Un signe que les tabous liés au suicide, présents même dans les milieux de la santé et du social, s’effritent peu à peu. DS
* OFS, 2015.
www.formation-continue-unil-epfl.ch/faire-face-au-risque-suicidaire
Nouvelle formation
Adolescence et consommation de substances
La consommation de psychotropes et d’alcool chez les jeunes fait souvent partie de l’expérimentation à l’adolescence. Elle est la plupart du temps associée au plaisir, à la liberté, à la prise d’autonomie et à la sociabilité. Cependant, elle peut aussi masquer un réel mal-être, qui peut mener à des difficultés familiales, scolaires et professionnelles, ainsi qu’à des conséquences sur la santé psychique et physique.
La récente modification de la loi sur les stupéfiants incite les professionnels à annoncer à un service de soin toute personne ayant un problème de consommation. En tant que professionnel travaillant avec des jeunes, ce changement soulève de nouvelles questions : comment intégrer ce changement dans mes interventions ? Quels sont mon rôle et mes limites dans le repérage et l’accompagnement des adolescents consommateurs ?
Cette nouvelle formation, d’une durée de 2 jours, est organisée par la Faculté de biologie et de médecine et par DEPART, un programme du CHUV financé par le Service de la santé publique du canton de Vaud. Limitée à 18 participants par session, elle est reconduite plusieurs fois par an.
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