Gustave Roud, l’écrivain-photographe

Autoportrait avec Le char de foin de René Auberjonois. © Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne
Autoportrait avec Le char de foin de René Auberjonois.
© Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne

Sous la direction de Daniel Maggetti et Philippe Kaenel, une brochette de spécialistes revisitent l’œuvre du grand homme sous l’angle du dialogue entre la plume et le regard.

A l’initiative du Centre de recherches sur les lettres romandes de l’UNIL (CRLR), 2015 fut proclamée «Année Gustave Roud» par le Conseil d’Etat vaudois. Les différentes manifestations qui ont scandé ces douze mois sont aujourd’hui terminées. Elles ont laissé de nombreuses traces, et notamment un très beau livre publié sous la direction de Daniel Maggetti et Philippe Kaenel aux Editions Infolio. Gustave Roud. La plume et le regard se propose de renouveler et enrichir notre connaissance de l’écrivain de Carrouge en insistant sur deux axes : la relation à l’écriture et le rapport aux images (lire également Allez savoir ! 60).

Chez Gustave Roud (1897-1976), la passion des images remonte à loin. Elle est même antérieure à son travail de critique d’art. Il admire par-dessus tout Poussin, Cézanne et contribue largement à faire connaître René Auberjonois, qui à son tour le parraine dans le cercle de Ramuz. L’écrivain a aussi ses refus et ses dégoûts. «Dans ses critiques, Roud apparaît autant ennemi des formalismes que du naturalisme, écrit Philippe Kaenel. Parmi ses haines essentielles comptent les œuvres des peintres vaudois Eugène Burnand et Louis Rivier, tous deux apôtres d’une peinture religieuse protestante. »

Les chapitres consacrés à la photographie sont d’un premier abord plus pittoresques. Ils nous plongent au cœur de l’univers paysan du Jorat. Les préférences de Gustave Roud vont aux jeunes hommes hâlés et robustes, immortalisés en plein effort. Ces vigoureux laboureurs et moissonneurs sont souvent incarnés par le même Fernand Cherpillod, dont le biceps musclé à l’érotisme certain se retrouve dans plus d’un reportage publié par l’écrivain dans L’illustré. Roud réalise aussi des autoportraits et des natures mortes où il se souvient de Cézanne. Riche de plus de 13’000 clichés, le Fonds photographique Gustave Roud fait aujourd’hui partie intégrante de son œuvre et permet de le considérer comme un écrivain-photographe, à l’instar d’un Nicolas Bouvier.

Dans ce voyage entre «la plume et le regard», le lecteur aborde ensuite à d’autres rivages. Il s’intéresse au traducteur, au critique littéraire et même à «la présence de Gustave Roud à la radio et à la télévision suisse romande». Le périple se termine avec un essai de Daniel Maggetti qui se penche sur l’élaboration lente et difficile de Campagne perdue, recueil testamentaire paru en 1972. Après bien des hésitations, l’écrivain avait finalement opté pour cette dédicace : «A tous mes amis laboureurs au long d’un demi-siècle (le temps pour l’ancien monde paysan de n’être plus)».

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