Faire parler les morts et les vivants

Silke Grabherr dirige le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Aussi fringante qu’une experte de série télévisée, elle est bien plus avisée concernant la tenue à porter sur une scène de crime, ou la nécessité de combiner les techniques et de travailler en équipe: toxicologues, radiologues, généticiens, collègues légistes, experts de différentes spécialités, préparateurs en cas d’autopsie médicale ou médico-légale… 

Dans un livre éclairant, elle explique les relations entre la médecine et la justice et détaille les technologies helvétiques, en regard desquelles les experts américains apparaissent comme des parents pauvres. Elle éclaire les interventions concernant les vivants: victimes de violence qu’il faut savoir écouter, coupables à expertiser et, d’où qu’ils viennent, propos confortés ou contredits par les examens médico-légaux. Le canton de Vaud offre à toute personne concernée, ayant porté plainte ou non, une consultation hélas peu fréquente selon les pays et les régions, afin d’obtenir un constat de lésions effectué par un spécialiste en médecine légale et un infirmier forensique, qui vont encore évaluer le risque de récidive auquel la victime s’expose.

La professeure Grabherr est très connue pour son invention de l’angiographie post-mortem. Laquelle complète l’autopsie au scalpel mais aussi l’IRM (voir sans ouvrir le corps dans les tissus mous et donc les organes) et le CT-scan (les rayons X rendent bien visibles les substances dures des os, et la découpe numérique d’un corps humain adulte en 3000 images s’effectue en cinq minutes… quand on possède un tel outil). L’angiographie post-mortem permet, elle, de visualiser tout le système vasculaire dans un corps pourtant privé de flux sanguin. Comment rétablir une circulation sanguine avec autre chose que du sang avant d’injecter le produit de contraste visible au scanner? Ce sera de l’huile, découvre Silke Grabherr au terme d’une longue investigation et d’expériences sur des corps animaux et humains légués à la science. Sa découverte permet aujourd’hui de localiser dans un vaisseau, pas forcément des plus importants, la lésion mortelle.

Le livre nous plonge aussi dans le passé et les affaires saillantes confiées au CURML: on y croise Arafat et Lady Di, ou encore les si mystérieux fantômes des soldats polonais exécutés à Katyn sur l’ordre de Staline. / Nadine Richon 

La mort n’est que le début… Par Silke Grabherr. Éditions Favre (2020), 150 p.

Cet ouvrage rassemble les chroniques de Nicolas Quinche parues dans La Côte, entre 2017 et 2019. Ce spécialiste de l’histoire du crime et de la police scientifique, docteur ès Lettres de l’UNIL, nous raconte de nombreuses anecdotes parfois méconnues. Par exemple, le casse du fourgon postal… Vallorbe-Lausanne en 1978! L’auteur nous emmène à Pompéi, nous parle du meurtre impossible de Sherlock Holmes et de cybercriminalité. Le livre se conclut avec le récit révélateur d’un procès qui s’est tenu à Nyon en 1829, suite à une rixe mortelle nourrie par la jalousie et l’alcool. /DS

Crimes et enquêtes. 60 affaires qui ont marqué l’histoire. Par Nicolas Quinche. Favre (2020), 249 p.

Docteur ès Lettres de l’UNIL, Pierre Jeanneret a enseigné au gymnase, en plus d’une activité de journaliste et de nombreux voyages. Cette autobiographie au style fluide nous présente plusieurs facettes de sa personnalité. Sa thèse a porté sur son grand-père Maurice Jeanneret-Minkine, qui a présidé le POP de 1945 à 1953. L’auteur raconte ainsi la présentation de son travail: «[…] prenant au mot les termes “défense” et “soutenance”, j’y parlai en avocat de ma cause, c’est-à-dire de mon travail, ne craignant pas de contredire tel ou tel membre du jury.» /DS 

Enseignant, historien et voyageur. Un parcours de vie. Par Pierre Jeanneret. L’Aire (2020), 243 p.

Jean Starobinski invite au savant name dropping: d’Hippocrate à Koch (qui découvre le bacille de la tuberculose et l’agent du choléra), en passant par Paré, barbier, chirurgien et concepteur au XVIe siècle de prothèses mécaniques, les pionniers déploient la chaîne mondiale des inventions. Exemple: la narcose permet des découvertes car les chirurgiens ne doivent plus œuvrer à toute vitesse. Grand saut au XIXe avec l’hôpital et ses patients en nombre, désormais centre de l’enseignement médical (École de Paris). Même le fou, jadis coupable, trouve sa place de malade avec Pinel. / NR

Histoire de la médecine. Par Jean Starobinski. Éd. par Vincent Barras. Héros-Limite (2020), 107 p.

Codirigé notamment par Patrick Clastres et Grégory Quin de l’Institut des sciences du sport, cet ouvrage collectif dédié aux conquêtes des sommets nous emmène sur des voies encore peu explorées en matière de recherche alpine: les ascensions de femmes au XIXe siècle, l’étude des chutes mortelles en montagne, ou encore le phénomène médiatique du speed-climbing. Le tout, agrémenté de photos d’archives, de peintures ou encore d’extraits de carnets de course. / NM

Gravir les Alpes du XXe siècle à nos jours. Sous la dir. de Patrick Clastres, Delphine Debons, Jean-François Pitteloud et Grégory Quin. Presses universitaires de Rennes (2021), 199 p.

Pour garnir les sièges des assemblées et des parlements, peut-on faire appel au tirage au sort? Cette idée surprenante peut-elle donner de l’oxygène à la démocratie? Rédigé par trois chercheurs du Centre Walras Pareto d’études interdisciplinaires de la pensée économique et politique, cet ouvrage nous apprend que le recours au hasard ne date pas d’hier. L’histoire suisse en compte plusieurs exemples parfois sophistiqués, dès le XVIIe siècle déjà, avant que la pratique ne tombe dans l’oubli au cours du XIXe siècle. / DS

Tirage au sort et politique. Une histoire suisse. Par Maxime Mellina, Aurèle Dupuis et Antoine Chollet. PPUR. Savoir suisse (2020), 146 p.

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