Complément de l’article paru dans Allez savoir ! N°57, mai 2014.
Le 27 mars dernier, quelques minutes avant 17 heures, dans les studios de Fréquence Banane, au sous-sol de l’EPFL. L’émission Micropolis Jeudi est sur le point de commencer. Sous le titre La Suisse dans l’espace, celle-ci est consacrée aux suites de la votation du 9 février 2014, et au décollage du pays – dans son entier – pour les confins intersidéraux, histoire de couper physiquement les liens avec l’Europe.
Sur les canapés, dans un cadre très encombré où ne manquent ni le vélo, ni les sacs à commission ni même le sirop de grenadine, l’équipe d’animateurs relit ses textes. L’exercice de ce soir est inhabituel à plus d’un titre. L’émission passe en direct sur la bande FM, ce qui ne se produit qu’un mois par an. Ensuite, les deux heures de diffusion ne vont pas être constituées de chroniques individuelles successives, mais d’une histoire scénarisée à plusieurs voix. Chacun incarne un personnage, de la socialiste romande à l’UDC alémanique, sans oublier le capitaine Burkhalter. Enfin, toute l’équipe est débutante en radio (lire également l’entretien avec Sébastien Corthésy ci-dessous).
Entre les séquences, les cinq animateurs débriefent pendant que des morceaux en lien avec l’espace sont diffusés. L’occasion de faire connaissance avec eux. Ainsi, sur fond d’electro, Gaël Corticchiato explique son envie de s’essayer au média. Etudiant de première année en SSP à l’UNIL, il aime cette expérience, même si cela représente du travail. Tous les jeudis, le matin et le soir en alternance, Gaël est sur les ondes de Fréquence Banane. «L’émission de ce soir a été préparée via Facebook, note-t-il. Avec nos emplois du temps très différents, il est impossible de nous réunir tous en même temps. » La radio associative, qui fête ses 20 ans cette année, est menée par des étudiants de l’UNIL, de l’Université de Genève et de l’EPFL.
Parmi ces derniers figure Pierre Zhang. Cet étudiant, plongé dans la troisième année de son bachelor en physique, gère la technique et lance les comptes à rebours avant le début des séquences de l’émission et s’occupe également de la musique. Alors que retentit l’antique «Spaceman» de Babylon Zoo, son collègue Johan Lozano, en deuxième année de bachelor de physique, peaufine sa chronique consacrée aux réalisations suisses dans le domaine spatial. L’occasion de parler du satellite de l’EPFL, et des projets futurs du pays.
Vers 18h40, Jérémy Maillefer sort de la cabine insonorisée, sur fonds de Nickelback. Cet étudiant de master à l’Institut des sciences du sport, «aime beaucoup le live», pour l’adrénaline. S’il ne se destine pas au journalisme, ce rameur de haut niveau accumule également le plus de connaissances techniques, utiles par exemple pour la réalisation de sites web. Ce soir, il fait un peu la moue et ne se déclare pas trop satisfait de ses performances d’acteur.
Etudiante de master en Lettres, Aline Fuchs participe aussi à l’émission. Juste avant 19h, elle va lire la «Chronique de L’auditoire», le journal des étudiant-e-s de Lausanne, dont elle a été cheffe de rubrique. «De nombreuses personnes souhaitent participer à Fréquence Banane. C’est un moyen d’apprendre à faire de la radio dans un vrai studio. Un luxe !» Sa collègue Najia Trottet, étudiante en Lettres, aimerait bien se lancer dans le journalisme. A-t-elle le trac ? Même pas. «Nous avons pris l’habitude d’être écoutés sur le net, et ce soir, nous oublions que nous passons en direct sur la FM.»
Alors qu’un morceau de reggae signale la fin de l’émission, l’heure est au bilan. Romain Maillard, formateur et directeur technique, fait la critique de l’exercice. Du point de vue de l’auditeur, les deux heures ont passé vite et les animateurs s’en sont plutôt bien sortis. Après les infos de 19 heures, c’est l’équipe genevoise de Fréquence Banane qui prend le relais à l’antenne avec Macropolis Kultur, pendant que les Lausannois se préparent à quitter le studio. Jusqu’à la prochaine émission.
Entretien avec Sébastien Corthésy, président de l’association Fréquence Banane et étudiant en informatique à l’EPFL (master)
Il y a beaucoup de débutants à Fréquence Banane. Expliquez-moi comment votre système de formation fonctionne.
Fréquence Banane est à la base une radio de formation et un tremplin. A la rentrée de septembre, nous lançons une campagne de recrutement à l’UNIL et à l’EPFL, ainsi qu’à l’Université de Genève. Nous acceptons toutes les personnes qui souhaitent venir, ce qui représente environ 70 nouveaux chaque année. Sur sept semaines, ils reçoivent une formation théorique en journalisme, animation et technique. Ces cours sont donnés par des professionnels, issus par exemple de LFM ou de la RTS.
Et ensuite les débutants se lancent en live ?
Oui. Nous assumons le fait que nous n’avons pas des foules d’auditeurs. Donc nous pouvons nous accorder le luxe de placer des étudiants derrière un micro après quelques semaines seulement. Ensuite, nous assurons une formation pratique. Le mois FM, en mars, constitue l’un des grands moments de Fréquence Banane. A ce moment, des professionnels sont présents tous les vendredis pour mener des ateliers.
Et après ?
Nous avons remarqué une petite baisse de tension après le mois FM. Nous reprenons donc les étudiants en main, pour leur apprendre à créer leur propre émission. Si quelqu’un souhaite en consacrer une au classique ou au reggae, il est le bienvenu, même si nous accordons la priorité à l’existant. D’autres animateurs participent à des diffusions devenues cultes, dont ils étaient auparavant auditeurs réguliers. Par exemple Iron Banane (sur le metal) ou La Banane rose. Comme nous avons de la place dans notre grille, nous gardons celles et ceux qui le souhaitent, ce qui représente un noyau dur d’une petite vingtaine de personnes motivées par année.
A l’antenne, quelle est votre marge de manœuvre ?
Il n’y a aucune censure et une grande liberté. Il faut faire du journalisme, et pas n’importe quoi : le simple bon sens suffit. Le respect des auditeurs est important.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
En 2005, nous avons perdu la diffusion en FM, qui n’est désormais possible qu’un mois par an. Le reste du temps, Fréquence Banane passe sur le net et le câble (94.55 MHz). Mais un grand changement se profile, car nous avons passé sur la DAB dès le 1er mai, dans la région genevoise. Ce système de diffusion numérique permet à plusieurs chaînes d’émettre sur la même fréquence. A terme, nous allons nous étendre en direction de Lausanne.