Comment tirer le meilleur parti de LinkedIn?

Depuis son rachat par Microsoft en 2016, le réseau social professionnel surfe sur sa réputation d’incontournable pour qui veut trouver le job de ses rêves. Vrai pour tout travailleur, y compris les indépendants, les cols bleus ou les 50+? Robin von Känel, alumni de l’UNIL, et Franciska Krings, professeure à la Faculté des HEC, répondent.

Dans le tertiaire, ne pas exister sur LinkedIn peut être perçu par un futur employeur ou un contact professionnel comme suspect. © Illustration originale de Jehan Khodl

LinkedIn, c’est environ 1 milliard d’utilisateurs. Ce réseau social à succès, comme n’importe quel autre, implique l’ouverture d’un compte (gratuit pour les fonctionnalités de base), la création d’un profil avec des renseignements sur la formation et la carrière, et la constitution d’un réseau de contacts – non pas tant ses amis que des relations professionnelles. Ces informations ne sont toutefois pas suffisantes pour s’en tirer avec les honneurs. Ce monde a ses règles de bienséance, qui définissent tacitement ce qui se fait et ce qui est proscrit. Si l’on n’est pas familier avec ses codes, irriter son réseau, voire se discréditer, sont des risques réels. Le mieux est de commencer par observer, en restant plutôt passif, puis, une fois les us et coutumes acquis, de devenir plus actif. Mais pour gagner du temps, connaître quelques règles s’avère utile.

À quoi ça sert?

On pense souvent à LinkedIn comme le réseau sur lequel être actif lorsqu’on est en recherche d’emploi. «C’est très réducteur, analyse Robin von Känel, diplômé de la Faculté des HEC de l’UNIL et cofondateur de la société Ricochets, spécialisée dans la stratégie LinkedIn (lire en p. 28). On peut aussi utiliser ce réseau social pour améliorer sa notoriété et son image, pour trouver des clients lorsqu’on est dans la vente, ou pour dénicher des profils intéressants quand on est recruteur.» La stratégie à mettre en œuvre dépendra de l’objectif final, mais les questions principales à se poser restent les mêmes: qui doit savoir que j’existe (de la réponse à cette interrogation dépendra la construction du réseau) et qu’est-ce que j’ai à dire d’intéressant à ces personnes (là, c’est en plus le contenu du profil et des publications qui entre en jeu).

Faut-il absolument y être?

Quand on est un col bleu, ce n’est pas une nécessité absolue, même si cela ne sera jamais un handicap. Pour les autres, ne pas exister sur LinkedIn est souvent perçu par un futur employeur ou un contact professionnel comme suspect. Donc oui, il faut y être. «Même si un candidat à un emploi postule de façon classique en répondant à une annonce parue dans la presse écrite, les recruteurs feront un tour sur LinkedIn “juste pour voir” — il faut donc avoir un profil actualisé et séduisant», constate Robin von Känel. Qui rappelle au passage que le futur employeur est tout à fait susceptible de jeter un œil sur les autres réseaux sociaux aussi – attention donc à ne pas laisser traîner les photos souvenir de soirées arrosées.

Et si j’ai plus de 50 ans?

Même réponse: il est important d’exister sur LinkedIn. C’est d’autant plus absurde de s’en priver qu’une étude réalisée par Franciska Krings, professeure à la Faculté des HEC, montre que les seniors s’en tirent très bien: «Notre hypothèse de départ était que les digital natives, soit les personnes nées avec ou après la digitalisation de la société, seraient meilleures sur LinkedIn, raconte la chercheuse. Nous avons analysé les profils de deux groupes, des personnes de plus de 50 ans et des jeunes, et nous avons constaté que notre hypothèse de départ était fausse: les profils sont tout aussi bons, voire meilleurs sur certains points précis dans le groupe des seniors.»

Les raisons de ces bons résultats? «Nous n’avons pas de réponse définitive, mais des hypothèses, répond la professeure. La première, c’est que LinkedIn donne beaucoup d’informations sur la façon de remplir son profil, et forcément, ses conseils sont bons. On peut supposer que les seniors se sont appuyés dessus pour renseigner de manière pertinente les différents points. La seconde hypothèse (mais sans doute que les deux se combinent) est que les personnes de plus de 50 ans ont plus d’expérience professionnelle. Elles ont donc un meilleur réseau, plus large, ainsi qu’une carrière plus longue, et plus de compétences, de réalisations à mettre en avant sur leur profil.» Elles savent en outre utiliser leur réseau pour montrer cette richesse. «Les travailleurs seniors ne sont pas les seuls à être discriminés à l’embauche: les plus jeunes, au sortir de leur formation, peinent également à trouver un emploi, relève Franciska Krings. On constate donc les mêmes biais de la part des employeurs en début et en fin de carrière. Une doctorante travaille d’ailleurs pour sa thèse sur ce groupe des plus jeunes, pour voir notamment quelles répercussions cette discrimination anticipée peut avoir sur leur profil.»

Franciska Krings. Professeure à la Faculté des HEC. Nicole Chuard © UNIL

Faut-il une photo de profil?

Oui. Comme on est sur un réseau professionnel, on bannira les chatons, plus appropriés sur Facebook, et les mojitos au soleil couchant qu’on réservera à Instagram. Il faut un portrait, idéalement réalisé par un photographe, cadré en dessous des épaules et un peu au-dessus de la tête. Selon le domaine d’activité, il convient de réfléchir aussi au port de la cravate ou du tailleur: si c’est ainsi que vous travaillez au quotidien, c’est ainsi qu’il faut poser. 

Attention à ne pas oublier la bannière derrière la photo: c’est un excellent moyen d’indiquer au premier regard quel est votre secteur d’activité et / ou l’organisation dans laquelle vous travaillez et de donner une identité à votre profil. «On peut par exemple choisir une image avec des crayons de couleur si on est un créatif, des journaux si on est dans la presse, explicite Robin von Känel. Ou alors une photo prise à l’occasion d’un event organisé par son entreprise, ou d’une réalisation, que ce soit un immeuble si on est architecte, une œuvre si on est artiste…» Les visiteurs ont a priori 30 secondes à consacrer à votre profil lorsqu’ils scrollent: il faut à la fois leur permettre de comprendre qui vous êtes en un coup d’œil et les intéresser à en lire davantage.

Comment remplir ou améliorer son profil?

Le descriptif de votre poste actuel (qui figure juste sous votre photo) doit être clair. On évitera les abréviations que seuls les collègues savent décrypter, et si c’est une fonction un peu bateau, type «chargée de mission administrative» ou «responsable de projet», mieux vaut renoncer à l’intitulé officiel pour expliquer concrètement ce que vous faites — de quel projet vous vous occupez et dans quel domaine. Dites ensuite pour quelle entreprise ou institution. Si c’est Nestlé ou Novartis, pas besoin de la décrire (encore que vous pourriez préciser dans quel secteur vous êtes actif). Si c’est une société moins connue, il est utile de se fendre d’un descriptif (Directeur des finances chez PetMe, les soins à domicile pour vos animaux domestiques). Vous pouvez ajouter une phrase plus personnelle qui décrit votre engagement.

La partie «Info» est celle dans laquelle vous pouvez faire la différence si vous êtes en recherche d’emploi ou si vous n’êtes pas hostile à l’idée d’être abordé par des directeurs des ressources humaines ou des chasseurs de têtes. Sans écrire un argumentaire de vente qui pourrait faire prétentieux, il faut mettre en avant ses qualités et ses accomplissements, un peu à l’encontre de la réserve helvétique. Le mieux est de réfléchir par mot-clé: quels sont les termes que taperait un recruteur à la recherche d’un employé pour occuper le poste que vous convoitez? Car c’est ainsi que ça marche: l’algorithme de LinkedIn va faire des suggestions en fonction des mots de recherche saisis, et si vous souhaitez que votre profil apparaisse, si possible tout en haut, il faut que ces mots soient présents dans la partie «Info». C’est un peu le même principe que le référencement sur Google. Une fois vos mots-clés identifiés, rédigez autour un texte qui vous présente et décrit votre savoir-faire professionnel. Enfin, il y a une partie classique de type CV, avec des rubriques telles que les emplois précédents, la formation et les titres, les compétences (notamment linguistiques), les activités bénévoles (très importantes pour certaines organisations), qu’il est essentiel de remplir. Explicitez ce qui n’est pas clair et utilisez les mots-clés qui pourraient vous être utiles pour la suite de votre carrière.

Comment construire son réseau? 

«Travailler son réseau, c’est fondamental, quels que soient vos objectifs sur LinkedIn, prévient Robin von Känel. Cela prend du temps, mais c’est vraiment primordial de s’y consacrer dès le premier jour. Si vous vous y mettez au moment où vous en avez besoin, par exemple pour trouver un nouveau job ou des nouveaux clients, c’est trop tard. Vous n’avez pas les bons contacts et il faudra des mois pour les créer.»

Le professionnel a une approche assez drastique: il n’accepte dans son réseau que les personnes dont le travail a un lien avec le sien ou peut présenter un intérêt (parce que c’est un possible contact, un expert dans un domaine connexe et que ses publications peuvent lui apprendre des choses, ou alors un concurrent). Ainsi que les personnes rencontrées «dans la vraie vie». Les autres, c’est non. «Je garde une approche dynamique: tous les deux ou trois jours, j’accepte ou invite 2-3 personnes, et j’en refuse à peu près le même nombre.»

Faut-il publier ou partager des publications?

Oui, mais c’est un art délicat. Si l’on n’est pas accompagné par un expert, mieux vaut commencer par observer les mœurs pour ne pas être inadéquat. «Le risque est souvent d’en faire trop, en publiant tout et n’importe quoi», prévient Robin von Känel. Qui se tient à un ratio très clair: 25% de publications récréatives (par exemple sur un event sympa), 50% de posts utiles aux autres, dans lesquels il partage son expertise et 25% intéressants pour son entreprise (comme une annonce pour recruter une nouvelle employée, en demandant à son réseau de la partager).

Ce qui manque le plus souvent aux novices pour se lancer, une fois leur profil créé et leur round d’observation accompli, c’est une stratégie – et oser! C’est ce qu’a pu constater Maria Del Colle, responsable de la communication de HEC Lausanne, qui collabore avec Robin von Känel en proposant aux professeurs et au personnel administratif et technique de la faculté une formation sur 4 mois. «Les personnes qui s’inscrivent sont toutes volontaires, mais partagent le sentiment qu’elles n’ont pas la légitimité pour être actives ou plus actives sur LinkedIn, relève-t-elle. Une fois leur profil et leurs objectifs établis par les spécialistes, il devient déjà plus facile pour elles d’identifier le type de publications qui sont adéquates. Les premières sont rédigées par Robin von Känel et ses équipes, ce qui rassure et permet ensuite de se lancer soi-même avec beaucoup moins d’appréhension.» Pour cette spécialiste de la communication, s’il est encore trop tôt pour chiffrer les retombées positives pour la faculté, il est clair que les collaboratrices et collaborateurs qui ont joué le jeu, notamment dans le corps professoral, ont vu leur score LinkedIn prendre l’ascenseur.

Être sincère avant tout

Pour bénéficier de ce que LinkedIn a à offrir, il faut donc savoir pourquoi on y est, ce qu’on souhaite en obtenir, et garder toujours en tête ce cap, qu’il s’agisse de modifier son profil, de partager ou de commenter une publication. «Il faut éviter de lasser son monde en étant hyperactif, recommande Robin von Känel. Un peu d’audace est nécessaire pour se lancer, mais si l’on ne se donne pas un genre, qu’on laisse voir qui on est et qu’on est sincère, cela ne peut que bien se passer.»

Article suivant: Avec Ricochets, les employés deviennent ambassadeurs

Laisser un commentaire