Comment fabriquer un bon nichoir

Mésange charbonnière. Avec un nichoir adapté, il est possible d’attirer ce bel oiseau dans son jardin. © Daniel Zuppinger / Shutterstock

En attendant le printemps, pourquoi ne pas offrir un logis ou un nid, durant une saison ou une nuit, aux animaux de passage. Grande maison et petit jardin peuvent servir de refuge à des hôtes parfois inattendus. Deux biologistes de l’UNIL expliquent comment réussir un abri accueillant. 

«J’ai fabriqué mon premier nichoir il y a quarante ans. C’était à l’école, durant les travaux pratiques. Il fallait y intégrer des escaliers pour que les petits oiseaux puissent monter à l’intérieur. Je l’ai toujours, dans mon jardin. Et chaque année, j’ai le plaisir de voir des mésanges y nicher.» Philippe Christe, professeur associé au Département d’écologie et évolution (DEE) de la Faculté de biologie et de médecine, spécialiste des chauve-souris et des oiseaux, supervise aujourd’hui environ 200 nichoirs à oiseaux sur trois zones – à Dorigny, au marais des Monod (district de Morges) et à La Praz sur le Mollendruz (district du Jura Nord vaudois) – et 100 nichoirs à chauves-souris dans les bois du Jorat (sur plusieurs districts).

Dans son groupe, Camille-Sophie Cozzarolo, doctorante FNS, suit l’évolution des parasites sanguins des mésanges charbonnières grâce à ces nichoirs: «Sur nos trois sites, on a en moyenne entre 150 et 180 nichées par an. On trouve aussi bien des mésanges (charbonnières, bleues, noires) que des sittelles, des moineaux (friquets, domestiques) et des étourneaux.» Chaque espèce a droit à son style de logis. Ce qui n’empêche pas les surprises. «La science du nichoir n’est pas une science exacte, plaisante Philippe Christe. Cela dépend de la crise du logement qu’il y a chez les cavernicoles, qui ont besoin de cavités pour faire leur nid. Ce sont eux principalement qui convoitent les nichoirs.» Survol des trucs et astuces à connaître pour participer au bien-être de la faune locale.

Un matériel simple et efficace

Les qualités d’un bon nichoir? «Il faut qu’il soit solide, protégé de l’humidité et facile d’entretien. Et surtout, il faut éviter qu’il surchauffe», selon Camille-Sophie Cozzarolo. Philippe Christe ajoute que les bois qui sentent fort, comme l’aggloméré mélangé à de la colle, sont à bannir. On leur préférera les résineux, tel le sapin, avec des plaques robustes de 2 cm d’épaisseur, afin de prévenir les risques de moisissure.

Aucun besoin d’être architecte pour échafauder le nid parfait. «Les animaux se moquent du design, souligne le biologiste. Ils cherchent un lieu sûr, en sécurité.» L’abri ne doit donc pas forcément ressembler à un chalet miniature. Un seul pan de toit suffit par exemple. «L’essentiel est que l’eau ne s’accumule pas dans le nichoir, qu’elle puisse s’écouler, explique Camille-Sophie Cozzarolo. On peut mettre un vernis d’extérieur afin que le bois ne pompe pas la pluie.»

Philippe Christe et Camille-Sophie Cozzarolo. Professeur associé. Doctorante FNS. Tous deux au Département d’écologie et évolution (Faculté de biologie et de médecine).
Nicole Chuard ©UNIL

Des mesures précises

Les dimensions ont leur importance. Philippe Christe conseille de fabriquer un fond de boîte de 12 cm sur 12 pour les mésanges, les moineaux friquets, les sittelles et de 25 cm sur 25 pour les huppes et les étourneaux. «Si le plancher est trop grand, les oiseaux doivent apporter trop de matériel pour rendre le nid douillet et abandonnent souvent en cours de construction.» Autre détail primordial: la hauteur du trou de l’entrée. Il faut qu’il se situe à au moins 20 cm du fond. «Placé plus bas, il est dangereux pour les oisillons qui risquent de tomber avant de savoir voler», avertit le spécialiste.

Il ne manque qu’une charnière, que l’on place à l’arrière, pour terminer le petit abri. Cette porte permettra de vider la boîte à chaque fin de saison de reproduction. «On peut aussi aller regarder les œufs, voire les poussins qui ont quelques jours, signale Camille-Sophie Cozzarolo. Mais il ne faudrait pas dépasser cinq minutes d’observation et on ne touche jamais une femelle qui couve. Par ailleurs, on évite de les déranger lorsque les petits ont 2 à 3 semaines, car ils sont vifs et risquent de s’envoler précocement. S’ils s’échappent à ce moment-là, ils ont peu de chances de survie.»

À chacun son nichoir

Ces petites habitations arboricoles sont conçues pour les oiseaux cavernicoles, ou semi-cavernicoles. «Ce qui va déterminer quelle espèce peut y pénétrer, c’est le diamètre de l’entrée, déclare Philippe Christe. Par exemple, une mésange bleue a besoin de 28 mm de diamètre, une charbonnière de 32 mm, une huppe ou un étourneau de 48 à 50 mm. Si l’ouverture est trop large, les prédateurs et les compétiteurs vont rentrer. Les moineaux domestiques, costauds, pondent volontiers dans les nichoirs des mésanges et n’hésitent pas à les tuer afin de s’approprier leur nid.»

Parmi les prédateurs potentiels, on compte les fouines, les hermines, les martres, les chats. Et parfois des serpents. «Je possédais des nichoirs à étourneaux en Valais, conte le professeur. Une couleuvre d’Esculape s’est infiltrée dans l’un d’eux et a avalé toute la nichée. Elle avait tellement mangé qu’elle n’arrivait plus à ressortir…»

Régulièrement, des mammifères profitent de ces abris inespérés pour s’assoupir, de nuit comme de jour. «Sur le site de l’UNIL, on découvre souvent des muscardins, relève Camille-Sophie Cozzarolo. Près de Bière, les loirs viennent y passer une nuit et repartent en général le lendemain. Quand on ouvre, c’est assez drôle, car ils ne se réveillent pas. Il m’est arrivé de tomber sur une chauve-souris dans un nichoir à mésange. Elle s’y reposait en journée.» La doctorante note que l’on sait tout de suite à qui on a affaire en observant un nid, car chaque espèce utilise des matériaux et des structures différentes. «Les mésanges charbonnières amènent de la mousse, principalement, avec des brindilles. Elles forment un tas et quand l’épaisseur leur convient, elles creusent un trou qu’elles tapissent de poils (de chien en ville, de sanglier ou de chevreuil à la campagne), de laine ou de bouts de scalp et de fourrure de petits rongeurs morts. Les mésanges bleues préfèrent les plumes d’oiseau. Quant aux moineaux, leur nid paraît moins confortable avec sa paille et ses herbes sèches.»

Frank Chalard, préparateur au sein du DEE, fabrique un nichoir à chouettes d’exposition. Des animaux empaillés y seront mis en scène pour montrer ce qui se passe dans la nature lors des activités publiques de l’UNIL (Journées Découverte, Mystères, etc.)
Nicole Chuard ©UNIL

Les joies de la campagne

Pour espérer voir passer un rapace au-dessus de son jardin, mieux vaut habiter aux abords d’une forêt. «En ville, on peut parfois trouver un faucon pèlerin sur un clocher, mais pas chez un particulier, souligne Camille-Sophie Cozzarolo. À la campagne, c’est une bonne idée d’attirer les rapaces avec des nichoirs, car ils permettent de lutter contre les rongeurs, notamment les campagnols qui détruisent les cultures.» Dans ce cas, le nichoir doit être beaucoup plus grand, avec un fond de 65 cm sur 65 pour les chouettes effraies par exemple. «Selon les densités de population, on installe des caisses sur des piquets au milieu des champs, commente Philippe Christe. En Israël par exemple, on récupère d’anciennes caisses de munitions pour faire des nichoirs à chouettes. Tandis que les Jordaniens emploient des urnes de vote. Pour les effraies, on découpe une entrée rectangulaire, on aménage un petit couloir avec une chicane et une chambre où nicher. Il faut que l’endroit reste sombre pour qu’elles soient tranquilles.»

Hirondelles et martinets ont aussi droit à leurs nichoirs, éloignés de la ville. À l’UNIL, le groupe de Philippe Christe collabore avec Unibat, le service des bâtiments et travaux, dans le but de leur fournir des logis. «Nous avons disposé un certain nombre de nichoirs à martinets sur le Génopode et d’autres à hirondelles à différents endroits, se réjouit le biologiste. Les hirondelles de fenêtres aiment s’implanter sous les avant-toits. On peut leur aménager des cupules en ciment que l’on achète à la Station ornithologique suisse de Sempach

Le meilleur emplacement

Lorsqu’on a déniché l’arbre idéal, il faut encore trouver l’emplacement parfait pour attacher le nichoir. «On évite de le mettre derrière une branche qui permettrait à un prédateur de sauter dessus, remarque Camille-Sophie Cozzarolo. Il faut aussi un lieu un peu ombragé. L’ombre d’un feuillage par exemple.» Philippe Christe estime que dans un jardin, placer la boîte à 2m50 du sol est le plus judicieux: «On peut monter jusqu’à 4 m. Il suffit ensuite de le suspendre à une branche solide avec un fil de fer. Si le nichoir se balance au vent, cela n’est pas grave. En revanche, on ne le cloue jamais contre l’arbre, que cela blesserait.»

Le biologiste précise que l’on commence toujours par en mettre un. «Si cela fonctionne bien, on peut en ajouter un deuxième à l’autre bout du jardin. Chacun doit posséder son propre domaine.» Comme les mésanges restent territoriales au sein d’une même espèce, Camille-Sophie Cozzarolo juge préférable d’entreposer des nichoirs destinés à des oiseaux différents, afin de simplifier leurs relations avec le voisinage.

L’émerveillement

Que peut-on espérer observer quand on a un nichoir chez soi? Le bal des parents mésanges qui apportent tour à tour des chenilles à leurs bébés affamés. «Les mésanges sont utiles dans la lutte contre les insectes dans son potager et sur les arbres fruitiers», indique la chercheuse. Mais aussi leurs sorties avec les poubelles, à savoir les crottes de leur progéniture emballées dans de petits sacs, «pour éviter une accumulation d’excréments qui attireraient les prédateurs en montrant qu’il y a des petits».

Les mélomanes se réjouiront des chants d’alerte des mâles, qui émettent des cris spéciaux quand ils défendent leur territoire. «On peut aussi admirer les cravates noires des mâles charbonnières, poursuit Camille-Sophie Cozzarolo. Les femelles ont un faible pour les bons chanteurs à grosse cravate. Un mâle à petite cravate leur paraît moins sexy.» Le clou du spectacle: l’envol d’une nichée. «C’est aussi fantastique de voir les jeunes traîner encore sur l’arbre à un moment où ils sont très vulnérables parce qu’ils ne volent pas bien.»

Une fois la saison de la reproduction terminée, un nettoyage s’impose. On attend bien évidemment l’automne pour être sûr que le nichoir n’est plus habité. «On jette simplement ce qui se trouve à l’intérieur et on gratte les restes de fientes avec une brosse à vaisselle sans mettre aucun produit, développe Camille-Sophie Cozzarolo. Mais il n’y a pas besoin d’un décrassage ultra hygiénique. Dans la nature, personne ne vient passer la panosse après la nidification…» D’ailleurs, les oiseaux ont l’habitude de vivre au contact de la vermine. Dans le cadre de sa thèse, la chercheuse étudie les effets des parasites de la malaria (des oiseaux, sans risques pour les humains) sur la survie et sur la reproduction des mésanges charbonnières.

«Grâce à un suivi à long terme, nous avons entre autre découvert un effet contre-intuitif: les mésanges infectées ont plus de petits à maturité à la fin de la saison que les mésanges non infectées. Deux explications sont plausibles. La première: les individus qui allouent plus d’énergie à la reproduction en élevant beaucoup de petits pourraient être moins aptes à se défendre contre une infection, car ils auraient potentiellement moins investi d’énergie dans leur réponse immunitaire.» Et la seconde? Selon la biologiste, un oiseau infecté, qui a une probabilité de survie plus basse qu’un non-infecté, pourrait avoir une stratégie adaptative: avoir plus de petits afin de compenser le fait qu’il ne sera peut-être pas là pour en refaire d’autres. Alors qu’un oiseau non-infecté, qui a plus de chance de survie, répartira son effort de reproduction sur toute son existence.

Nichoirs à martinets noirs sur le Génopode, à l’UNIL. Cette installation est le fruit d’une collaboration entre le Département d’écologie et évolution, le service des bâtiments de l’UNIL (Unibat), le prof. Alexandre Reymond (directeur du Centre intégratif de génomique), Stéphane Porchet (responsable du bâtiment Génopode) et Manuel Bueno (technicien à la Plate-forme GTF Lausanne et ornithologue à ses heures).
Nicole Chuard ©UNIL

Un hobby à risques?

Lors du nettoyage, il est possible de se retrouver face à face avec des puces (ectoparasites). «Elles peuvent piquer, ce qui provoque de petites démangeaisons. Mais il n’existe pas de réels problèmes sanitaires», tient à clarifier Camille-Sophie Cozzarolo. La présence de jolies mouches bleues autour du nid ne doit pas non plus inquiéter. «Il s’agit de Protocalliphora, qui viennent pondre dans le nichoir, éclaire Philippe Christe. Leurs asticots se développent en suçant le sang des jeunes. Les adultes butinent les fleurs, donc ne piquent pas l’Homme.»

Le professeur reçoit régulièrement des appels de particuliers qui pensent appeler un dératiseur à cause de la présence de punaises provenant d’hirondelles de fenêtres. «Ces insectes ressemblent aux punaises de lit, mais n’en sont pas. J’en ai manipulé des dizaines de milliers en Espagne, elles se sont promenées sur moi, mais je ne me suis jamais fait piquer une seule fois! Malheureusement, des propriétaires détruisent des nids d’hirondelles en croyant qu’ils amènent des insectes nuisibles sans que cela soit avéré.» Toutefois, les nichoirs peuvent aussi attirer les guêpes et les frelons. «Tant qu’ils sont actifs, on n’approche plus le nid. Il faut attendre l’hiver pour l’ouvrir et le nettoyer. L’année suivante, des mésanges viendront peut-être y nicher.»

Aider les chauves-souris

Spécialiste des chauves-souris, Philippe Christe leur a installé de nombreux nichoirs dans les forêts, parfois à plus de dix mètres de haut. «Il en existe deux grands types. Le premier s’adresse aux cavernicoles. Il ressemble à un nichoir à oiseaux de forme circulaire, plus facile à acheter qu’à construire. Le second concerne toutes les autres.» Pareil à une boîte aux lettres très mince, ce dernier nécessite une planche avec des rainures, pour que les chauves-souris puissent y grimper, un petit toit et une entrée très étroite située en bas.

«Il faut clouer la boîte contre le mur d’une maison, la suspendre à une poutre en hauteur ou à un volet, au soleil, loin des lumières artificielles. On peut en faire de toutes les tailles, avec des labyrinthes, à plusieurs étages. Le nichoir est très facile à réaliser, mais il n’y a aucune garantie d’avoir des habitantes à l’intérieur.» Pipistrelles, noctules ou murins de Daubenton voletteront peut-être autour de leur bel abri. «Mais cela n’est pas spectaculaire. Elles vivent la nuit. Et pour avoir une colonie de reproduction chez soi, il faut avoir une chance inouïe. Néanmoins, cela vaut la peine de leur fournir un refuge, car elles en manquent dans la nature.»

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