Le manuscrit de «?Terre du ciel?» est resté longtemps introuvable. Au terme d’une enquête rocambolesque qui a mêlé hasard, diplomatie et persévérance, l’objet a refait surface. Récit.
Il arrive parfois que la recherche, dans le domaine littéraire, prenne des allures d’histoire policière, aussi cocasse que mouvementée. Ainsi de la quête, ou plutôt de l’enquête, faite par Daniel Maggetti et Stéphane Pétermann pour retrouver le manuscrit de Terre du ciel – le seul qui manquait à l’appel parmi les grands textes de Ramuz.
La dernière indication concernant ce manuscrit était qu’il avait été donné par Ramuz à un collectionneur, dans les années 20. Une lettre, signée de la main de Ramuz, stipulait qu’il allait encore faire relier le document avant de le lui remettre. Mais voilà, au moment des travaux pour l’édition des romans dans la collection de la Pléiade, impossible de localiser l’objet. «La famille du collectionneur ne le trouvait pas dans ses papiers», raconte Daniel Maggetti. Du coup, dans l’édition de la Pléiade, le manuscrit est signalé comme non retrouvé…
Quelques années plus tard, une nouvelle trace du manuscrit apparaît cependant de manière tout à fait impromptue. En déménageant leurs locaux sis au chemin des Cèdres, les chercheurs trouvent une boîte contenant de vieilles cassettes vidéo. «Elles faisaient partie de ces cartons qu’amènent parfois des collectionneurs lambda au Centre de recherches sur les lettres romandes», explique Daniel Maggetti.
En visionnant les cassettes, stupeur. Sur l’une d’elles, gros plan sur la première page du manuscrit de Terre du ciel. Le film est muet, aucun commentaire ni son liés au contexte. Tout au plus les chercheurs discernent-ils dans l’arrière-fond une sorte de table ronde d’écrivains. «Mais ça pouvait être n’importe où!»
Ni une ni deux, Daniel Maggetti et Stéphane Pétermann se lancent à la recherche de cette énigmatique manifestation. De fil en aiguille, ils retrouvent trace, à la bibliothèque de Berne, d’une manifestation qui a eu lieu dans les années 70 – un symposium organisé par la Société des Ecrivains suisses – où quelques manuscrits de Ramuz avaient été montrés pendant quelques jours. Les chercheurs poursuivent leur enquête à la Bibliothèque de Zurich, ils y trouvent enfin des indications sur l’organisation de cette manifestation, et plus particulièrement sur qui en étaient les responsables. Retour à Berne, dans les archives de ces écrivains mêmes, qu’ils épluchent dans tous les sens. Et enfin, l’information primordiale: le manuscrit, à ce moment-là, avait bien été prêté par la famille du collectionneur…
Coup de fil sur coup de fil, Daniel Maggetti insiste auprès des différents descendants. «Regardez, regardez encore s’il vous plaît.» Après plusieurs mois de persévérance, le manuscrit est enfin retrouvé… exactement là où on l’avait cherché en première instance. «Tout est bien qui finit bien», conclut sereinement le chercheur, convaincu de la bonne foi de ces personnes, «et qui ne savent pas toujours ce qui se cache dans leurs archives personnelles»…
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