Pour Francesco Panese, le devenir biologique et les expériences biographiques se mêlent d’une manière vertigineuse. Rencontre kaléidoscopique au carrefour des savoirs.
Depuis bientôt quinze ans, il navigue à la croisée des sciences sociales et de la médecine, où il pêche des questions fraîchement surgies et explore des tendances profondes pour en partager les saveurs intellectuelles avec ses étudiantes et étudiants. Le professeur Francesco Panese, qui fut directeur du Musée de la Main UNIL CHUV, codirecteur du Collège des Humanités à l’EPFL et qui partage son temps entre la Faculté de biologie et de médecine et la Faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL, est un homme de goût qui aime tisser des liens souvent subtils entre chercheurs et domaines qui l’inspirent.
En ce moment, il se trouve au cœur de trois recherches financées par le FNS: l’une sur l’autogestion du diabète par les patients eux-mêmes, qui recourent pour ce faire à des outils modestes ou high-tech; une autre sur les implications sociales et morales des nouvelles connaissances produites en épigénétique et qui montrent à quel point l’expression de nos génomes (autrement dit notre devenir biologique) est modulée par nos environnements et nos parcours de vie; enfin, un projet qui rassemble sociologues et anthropologues, économistes et politologues, juristes et éthiciens autour des enjeux sociaux et biomédicaux de la médecine de précision.
Francesco Panese est une cheville ouvrière de ces rencontres «complémentaristes», un terme qu’il affectionne. Ainsi, la recherche sur l’autogestion du diabète implique les professeurs Bernard Burnand (spécialiste du transfert de connaissances dans une perspective de santé publique) et Michèle Grossen (psycho-sociologue de l’acquisition) ainsi que deux jeunes anthropologues, Giada Danesi et Mélody Pralong; celle sur l’épigénétique associe le chercheur Luca Chiapperino, venu de la philosophie sociale, et le professeur Umberto Simeoni qui travaille en pédiatrie, tous trois se rejoignant sur l’hypothèse des Origines développementales de la santé et des maladies (DOHaD), selon laquelle l’embryon, le fœtus puis le nourrisson sont sous l’influence constante de l’environnement au sein duquel ils se développent (sensibilité génomique particulière des 1000 premiers jours depuis la conception), influence qui module les trajectoires individuelles ultérieures en santé ou en maladie; la recherche enfin sur la médecine de précision regroupe l’UNIL, l’UNIGE et l’UniNE.
Fils d’immigrés venus d’un Sud déchiré par la guerre, le latifundisme et la pauvreté, Francesco Panese s’interroge en voyant ses parents octogénaires s’en sortir finalement assez bien. Les recherches actuelles tendent à montrer que face à une adversité parfois commune, l’expérience psychique, sociale mais aussi biologique de chacun peut faire basculer soit dans la santé, soit dans la vulnérabilité. A l’entendre, on songe qu’il faut se débarrasser à la fois du poids de la fatalité (ou d’un déterminisme par trop mécanique) et de l’illusion d’une résilience toujours à portée de main.
Pour conclure, rappelons que le professeur Panese, membre de la Fondation et du jury du Prix Charles Veillon, organise à l’UNIL des rencontres qui font date, comme récemment avec le philosophe Marcel Gauchet.