Virée amoureuse à l’est

Se rendre à un mariage et repartir avec la fiancée d’un invité, une jeune femme aux longs cheveux bruns et à la peau de rêve que l’on partage ensuite avec son meilleur ami, voilà qui n’est pas très politiquement correct. Adrien Gygax bien sûr n’en a cure. Il s’agit d’un roman, son premier roman. Il en profite donc pour laisser libre cours à tous ses fantasmes dans la chaleur torride d’un été sans fin.

Aux noces de nos petites vertus commence en Macédoine où, précisément, se déroulent les noces. «La Macédoine, décrit l’auteur, des champs et du béton avec un lourd soleil posé dessus et rien tout autour, juste une pesanteur vaporeuse, une ambiance de porte fermée.» Entre deux plats de viande grasse, le narrateur s’enivre de bière, de cognac et de musique tout en s’approchant de plus en plus de la magnifique Gaïa. Georges et lui vont la séduire et l’emmener avec eux à Istanbul où la jeune femme décrète qu’elle dormira une nuit avec l’un, la suivante avec l’autre. De flânerie en beuverie, les choses bien évidemment se gâtent, tandis que l’amour et la jalousie affleurent dans les relations du trio.

Né en 1989 en Suisse romande, Adrien Gygax a étudié la sociologie à l’Université de Lausanne avant de devenir responsable de département dans une société de conseil. Parallèlement, il a dévoré Baudelaire, Valéry et Céline. Comme il l’a confié dans une interview radiophonique, il a écrit ce premier livre à l’occasion d’un voyage. Il y a pris pour modèle des personnages existants. Rien de directement autobiographique toutefois, a-t-il précisé, mais la méfiance et les sentiments ambigus de ses personnages masculins face aux femmes ne lui semblent pas totalement étrangers.

Pour Adrien Gygax, toutefois, c’est le style qui prime avant tout. Les évocations, les comparaisons, les métaphores occupent une grande place dans son écriture baroque et pourtant très maîtrisée. Avec des descriptions en cascade qui serpentent et parfois s’enlisent dans leur  propre volupté, mais qui néanmoins rendent étonnamment physiques le grouillement, les jeux d’eau, les parfums et la sensualité obsédante d’Istanbul devenue partenaire privilégiée d’écriture et personnage à part entière. / Mireille Descombes

Aux noces de nos petites vertus. Par Adrien Gygax. Editions du Cherche Midi (2017), 148 p.


En URSS la Révolution d’Octobre était partout, jusque sur des emballages de chocolat. Dans la rue, le métro, au cinéma, en peinture, en musique, à l’affiche, sur de petits timbres et dans les grandes parades, autant de manifestations d’une mythologie entretenue sur un territoire bientôt agrandi par la télévision. Dans un livre foisonnant d’images et de textes sobres et historiquement passionnants, Gianni Haver, Jean-François Fayet, Valérie Gorin et Emilia Koustova ressuscitent le passé soviétique à la lumière des productions culturelles orchestrant au gré des époques «le spectacle de la Révolution». / NR

Le spectacle de la Révolution. Editions Antipodes (2017), 303 p.

Chacun adapte ses dépenses à l’état de son compte en banque. De même, notre empreinte écologique devrait être (auto)limitée aux capacités de régénération de la biosphère. Sous la plume de deux chercheurs de l’UNIL, ce bref essai promeut la sobriété choisie et soutient l’idée que l’expression «démocratie écologique» va bientôt constituer un «simple pléonasme». Le texte critique le très tendance transhumanisme, ainsi que la notion prométhéenne de croissance illimitée, indissociable du néolibéralisme. / DS

Écologie intégrale. Pour une société permacirculaire. Par Christian Arnsperger et Dominique Bourg. Puf (2017), 196 p.

De l’élection à l’exclusion. La trajectoire du peintre vaudois Eugène Burnand (1850-1921) est racontée par Philippe Kaenel, professeur en Section d’histoire de l’art, dans cet ouvrage bien illustré et facile d’accès. Célèbre de son temps, mais progressivement éclipsé par Hodler, le natif de Moudon est connu pour ses paysages et pour ses sujets religieux. Mais il fut également un portraitiste extraordinaire, comme en témoignent les dessins d’infirmières, de soldats et d’officiers alliés qu’il a réalisés à la fin de la Première Guerre mondiale. / DS

Eugène Burnand. La passion de peindre. Favre (2017), 124 p.

L’impact des activités humaines est tel que l’époque géologique que nous vivons devrait être appelée Anthropocène, et non plus Holocène. Enrichi de nombreux exemples et de données, nourri de l’actualité, cet ouvrage rédigé par un chercheur de l’UNIL retrace «l’histoire» d’un terme controversé et des réflexions qu’il suscite. Au passage, le lecteur en apprend énormément sur un grand nombre de sujets, de la chimie (avec le cycle de l’azote) aux réserves naturelles, en passant par l’histoire des idées ou la démographie. / DS

Pour une philosophie de l’Anthropocène. Par Alexander Federau. Puf (2017), 434 p.

«Une histoire du visage est-elle possible?» demande l’anthropologue Jean-Jacques Courtine dans la préface de cet ouvrage collectif. Chacun des auteurs, parmi lesquels figurent de nombreux chercheurs de l’UNIL, apportent les réflexions issues de leurs disciplines, comme par exemple l’histoire de l’art, la littérature, le cinéma ou encore la médecine et les sciences forensiques. Le fascinant travail du photographe Olivier Roller, qui s’intéresse aux visages des personnalités de pouvoir dans l’Antiquité comme de nos jours, complète l’ouvrage. / DS

Visages. Histoires, représentations, créations. Editions BHMS (2017), 409 p.

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