Open Access

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Traditionnellement, les résultats de la recherche scientifique paraissent dans des revues spécialisées, disponibles au travers d’abonnements coûteux pour les bibliothèques universitaires. En plein développement depuis une décennie, le modèle de l’Open Access vise à rendre les articles accessibles à tous gratuitement… en faisant payer les auteurs.

Dans de nombreux domaines, les scientifiques diffusent les résultats de leurs travaux dans des revues spécialisées. Une démarche motivée par l’envie de faire avancer la recherche en «permettant aux autres chercheurs de bâtir de nouvelles connaissances à propos de ce qui a été publié, explique Frédéric Schütz, bioinformaticien à l’Institut suisse de bioinformatique et maître d’enseignement et de recherche au Centre intégratif de génomique. Chacun souhaite être lu, cité et débattu.» Mais la publication sert aussi à asseoir une réputation et progresser dans la carrière académique. Un «papier» sorti dans un titre prestigieux est valorisé par les universités.

Avant de paraître, un article doit passer par une peer review, c’est-à-dire être critiqué par des spécialistes du domaine. «Avec le temps, l’édition scientifique a construit un mécanisme de qualité basé sur l’évaluation des articles par les pairs et la construction de ces marques que sont les titres de revues, gages de confiance et de crédibilité dans la communauté. Ce système fonctionne plutôt bien», explique Jean-Claude Albertin, directeur adjoint de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Ainsi, tout le monde a entendu parler des célèbres Nature ou Science. Le hic, c’est que ces revues se trouvent souvent dans les mains d’acteurs privés, en situation quasi monopolistique. Les abonnements, déjà coûteux, renchérissent régulièrement. Une situation en lien avec les marges confortables dégagées par les grandes maisons. Cette situation, dans laquelle le lecteur paie, agace d’autant plus que les chercheurs font les peer reviews à titre gracieux. Un modèle alternatif, l’open access, a émergé dans les années 90. Il se base sur l’idée de l’auteur-payeur. Aujourd’hui, il existe près de 10?000 titres de ce type.

Professeur au Département d’écologie et évolution, Marc Robinson-Rechavi est l’un des éditeurs scientifiques bénévoles de PLoS One, une revue open access quotidienne en ligne, qui compte plus de 100?000 articles à ce jour. Un article accepté y est facturé 1350 dollars aux auteurs, alors que les prix du marché varient entre 1000 et 3000 dollars. Une fois le texte passé au crible par les pairs, corrigé et accepté, il est mis à disposition sur le Net. Tout le monde peut donc le lire, le partager et utiliser les graphiques à sa guise. Dans le modèle traditionnel, il faudrait soit se trouver physiquement sur le site d’une université, soit posséder les accès à la base de données des articles ou acheter les «papiers» à la pièce pour quelques dizaines de dollars. Marc Robinson-Rechavi et Frédéric Schütz ne voient «que des avantages» à l’open access, et en listent les publics bénéficiaires. Les petites entreprises qui développent de nouveaux produits se tiennent au courant des avancées de la recherche sans devoir dépenser des fortunes. Les enseignants du secondaire peuvent en faire bénéficier leurs élèves, puisque les contenus peuvent être utilisés dans les supports de cours et mis en ligne. Les associations de patients concernés par des maladies chroniques ou rares suivent les découvertes qui les concernent. Wikipédia, qui n’utilise que des contenus, des graphiques et des images libres, est friande de publications open access pour enrichir ses entrées. Les passionnés de science en amateur y trouvent leur compte. Enfin, les «?papiers?» disponibles librement contribuent aux débats de société qui touchent des sujets scientifiques.

Pourquoi le modèle traditionnel subsiste-t-il? Les scientifiques cherchent à être publiés dans les revues les plus prestigieuses, qui utilisent le modèle traditionnel. Les abonnements sont payés par les bibliothèques ou les universités, alors que le modèle de l’open access fait passer les groupes de recherche à la caisse. Enfin, en Suisse, le débat n’a pas encore été vraiment pris en charge ni par les organes de pilotage de la recherche, ni par le monde politique, contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe.

Entretiens complets avec Jean-Claude Albertin, Marc Robinson-Rechavi et Frédéric Schütz.

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