Ocytocine

Fabriquée dans le cerveau, l’ocytocine est impliquée dans de nombreux aspects de la vie, comme l’accouchement, l’allaitement, l’attachement aux autres, l’anxiété ou la peur. Cette hormone intéresse Ron Stoop, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine et chercheur au Centre de neurosciences psychiatriques du CHUV.

Depuis des décennies, l’ocytocine est connue pour accélérer les contractions lors de l’accouchement et pour faciliter l’allaitement. Cette neuro-hormone possède bien d’autres propriétés, qu’étudient Ron Stoop et son équipe au Centre de neurosciences psychiatriques du CHUV, à Cery. Les chercheurs ont ainsi montré qu’elle contribuait à réduire le sentiment de peur chez le rat. Des travaux qui ouvrent des pistes vers une meilleure compréhension de certains troubles de l’anxiété, voire de l’autisme, chez l’humain.

Revenons aux rongeurs. Comme bien des petits mammifères, ils ont tendance à rester paralysés sur place lorsqu’ils éprouvent une frayeur. Leurs battements de cœur s’accélèrent, leur pression sanguine augmente: c’est l’amygdale, une région du cerveau impliquée dans les émotions, qui s’active. Dans le cadre de leurs travaux, les scientifiques lausannois ont montré que l’ocytocine réduisait la peur ressentie par ces animaux sociaux de manière rapide.

Comment? En utilisant une technologie née au XXIe siècle, l’optogénétique. La finalité de celle-ci consiste à contrôler l’activité des neurones du rat grâce à la lumière d’un laser, émise à une longueur d’ondes bien précise – dans le bleu. Cela ne va pas tout seul: grâce à un virus modifié – inoffensif pour la petite bête –, on infecte certaines de ses cellules cervicales. Sous son action, celles-ci sont forcées de produire de la channelrhodopsin-2 (ChR2). Cette protéine s’installe dans la membrane des neurones. La ChR2 possède la faculté étonnante de transformer ces derniers en une sorte de pile électrique, en les chargeant positivement quand elle est soumise à de… la lumière bleue. Pour schématiser, en allumant le laser, le chercheur agit sur une petite partie du cerveau du rongeur comme avec un interrupteur: allumé ou éteint.

Et l’ocytocine? Cette neuro-hormone est synthétisée tout au fond du cerveau, dans les noyaux de l’hypothalamus. L’hypophyse la diffuse ensuite via la circulation sanguine afin qu’elle puisse faire effet.
Ainsi, si l’on rend sensibles à la lumière bleue les cellules productrices d’ocytocine, leur activité peut être contrôlée. Il faut toutefois installer une sonde très fine pour toucher la bonne région du cerveau du rat! L’effet est spectaculaire. Soumis à la peur, l’animal se fige. Le laser s’allume: de deux à une vingtaine de secondes plus tard selon les individus, la petite bête recommence à agir. Après un temps assez bref, l’organisme dégrade l’ocytocine et son effet d’inhibition du sentiment de frayeur s’efface.

Les chercheurs lausannois ont constaté que deux rongeurs soumis ensemble à la peur sont moins stressés qu’un seul. On estime en effet aujourd’hui que la neuro-hormone est impliquée dans des comportements sociaux comme l’attachement, l’empathie et la confiance en l’autre.

De nombreuses pistes s’ouvrent dans la transition vers l’humain. Ron Stoop et son équipe dialoguent avec des psychiatres, qu’ils soient spécialistes de l’âge avancé ou de l’adolescence. En effet, la stimulation des cellules productrices d’ocytocine pourrait être intéressante dans le traitement de certaines phobies ou de stress post-traumatique. Enfin, l’amydgale régule, dans deux régions voisines, d’une part le rapprochement et la confiance envers les autres individus, d’autre part le sentiment de peur. Pourrait-on formuler l’hypothèse qu’une situation de conflit entre ces zones ait un lien avec certaines formes d’autisme? Voici un champ de recherche encore très peu exploré.

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