La chimie: entre utilité et risque au quotidien

Nathalie Chèvre. Ecotoxicologue, chercheuse à l’UNIL
Nathalie Chèvre. Ecotoxicologue, chercheuse à l’UNIL

La chimie a présenté un côté magique: grâce à elle, nous ne mourions plus de faim, nos aliments se conservaient plus longtemps, nous guérissions de maladies graves, voire restions jeunes plus longtemps. Depuis dix ans, cette même chimie a mauvaise presse: on parle de baisse de la fertilité chez l’homme, de féminisation des poissons, d’augmentation des cancers…

Les études menées par les chercheurs et par les associations de consommateurs montrent que les molécules de synthèse (pesticides, médicaments, cosmétiques, etc.) se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement, l’eau, l’air ou le sol. Précisons que l’utilisation des molécules chimiques augmente continuellement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: 112 millions de composés organiques et inorganiques sont enregistrés dans la grande base de données du Chemical Abstracts Service. Tous ne sont pas commercialisés, mais ce chiffre montre combien les substances chimiques occupent une place importante dans notre monde.

Actuellement, il y en a environ 120000 sur le marché en Europe, dont 2000 médicaments et 6000 cosmétiques. Elles peuvent toutes un jour ou l’autre se retrouver dans le milieu naturel. Et se transformer ensuite sous l’action du soleil ou des micro-organismes, donnant naissance à de nouvelles molécules. Dans notre environnement existent aussi des substances interdites depuis longtemps, mais très stables ou encore des composés non autorisés mais importés, comme certains détergents contenus dans les vêtements.

Les méthodes de détection analytiques ayant fait des progrès considérables ces dix dernières années (nous sommes capables de chercher simultanément des dizaines de composés à des concentrations très très faibles, sous forme de traces), il n’est pas étonnant de déceler des substances chimiques partout. La question est donc de savoir si elles représentent un risque pour l’homme et l’environnement.

Régulièrement, des molécules sont mises sur la sellette, comme le bisphénol A ou actuellement le glyphosate. Mais évaluer un risque est complexe, sujet à controverse, avec des débats interminables entre les experts. A mon sens, dans nos régions, le risque majeur pour l’homme et l’environnement n’est pas lié à une matière particulière, mais vient du fait que les organismes vivants sont exposés continuellement à de faibles concentrations de multiples composés dont on ne connaît pas les interactions. Interdire une substance particulière n’aura donc qu’un effet restreint, sachant qu’elle sera souvent remplacée par une autre peut-être plus problématique.

Que faire alors, sinon réaliser que l’on ne peut pas échapper aux substances chimiques? Se laver, respirer, s’habiller revient à s’exposer. Mais nous pouvons réduire notre exposition et celle de l’environnement. Quelques trucs? Réfléchir à nos cosmétiques, qui contiennent de nombreux composants peu recommandables et finissent le plus souvent dans les eaux. Nous pouvons mieux les choisir et en utiliser moins. Diminuer les quantités de produits utilisés, notamment pour les détergents. Eviter l’utilisation de matières inutiles comme celles contenues dans les désodorisants d’air intérieur, polluantes et pour certaines allergisantes. Bien sûr aussi, réfléchir à l’alimentation: manger local, sans pesticides, de saison, et si possible des produits non transformés.

Des mesures collectives peuvent également être prises. La Suisse a décidé d’équiper ses stations d’épuration principales pour réduire les émissions de substances chimiques dans les eaux. C’est un pas en avant. Ce printemps, différentes organisations ont proposé des mesures concrètes pour réduire de 50% l’utilisation des pesticides en Suisse. Ce serait un autre pas.

De petites actions, locales, mais gageons qu’elles permettront de limiter l’impact des éléments chimiques sur notre environnement et notre santé, ainsi que sur celle des générations futures.

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