Recherche sur le terrain – preproposal : Landschaftspark Binntal

Introduction

Un projet de création d’un parc naturel régional (PNR) a émergé en 2002 au Binntal autour du regroupement de plusieurs communes avec un objectif commun. Leur territoire remplissant les critères, d’autres communes se joignent à cet élan et la région obtient la labellisation par la Confédération en 2011. Depuis lors, une superficie de plus de 18’000 hectares (cf. cartes annexes 1- 2) des Alpes centrales occidentales est protégée par une législation particulière. Cette évolution a été propice au développement d’activités touristiques. En 2017, sa fréquentation annuelle est estimée à 130’000 visiteurs (Knaus 2018 : 26).

Source : https://www.parks.swiss/fr/les_parcs_suisses/portraits_des_parcs/parc_naturel_de_la_vallee_de_binn.php

Le tourisme de nature : le cas des parcs naturels régionaux suisses

Depuis les années 80, les activités en pleine nature rencontrent un regain d’intérêt et de développement, le marché du nature-based tourism s’agrandissant de manière importante (Arnegger, 2010 ; Puhakka et Saarinen, 2013 ; Mandić, 2019), les activités de ce dernier pouvant être de nombreux types nécessitant des degrés de connaissance préalables variants (Arnegger, 2010). En soit, un parc naturel représente un endroit à la nature et au paysage digne d’intérêt qu’il est souhaitable de préserver. De ce fait, il représente un support idéal à un certain type d’offres touristiques de nature- based tourism.

En Suisse, de nombreux projets de création de nouveaux parcs naturels ont émergés dans les années 1990 (Clivaz, 2013). Cette demande a engendré une modification de la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN) en 2007, permettant de labelliser des parcs à une échelle plus réduite, soit les parcs naturels régionaux (PNR) (Clivaz, 2013). Selon la LPN (art.23 G), un PNR se distingue notamment par une faible densité d’occupation et un patrimoine culturel et naturel riche. Toujours selon la LPN, les PNR doivent satisfaire à deux objectifs : conserver et mettre en valeur la qualité de la nature et renforcer les activités économiques visant à un développement durable. Au niveau de la gouvernance, les notions de protection de la nature et le développement régional (touristique) peuvent entrer en contradiction, menant à des éventuels conflits entre des acteurs (Clivaz, 2013 ; Mandić, 2019).

En Suisse, l’investissement dans ces parcs naturels régionaux semble satisfaire à l’objectif de redynamisation économique du territoire, la valeur ajoutée du tourisme étant six fois supérieure aux investissements initiaux gouvernementaux (Bieler, 2019 : 44).

Source : https://www.landschaftspark-binntal.ch/de/der-park/was-ist-der-landschaftspark-binntal/gebiet.php

Le tourisme des parcs naturels et les “livelihoods”

La notion de livelihoods est souvent abordée dans la littérature étudiant des parcs naturels dans les pays ou régions en voie de développement (voir Simpson, 2007 ; Nyaupane et Poudel, 2011 ; Stone et Nyaupane, 2018). Cependant, dans les pays développés, le focus tend à porter sur les impacts économiques et environnementaux généraux du tourisme au sein des parcs naturels plutôt que sur les livelihoods. En effet, les parcs naturels sont très souvent promus comme outils de développement régional, le paysage et/ou la biosphère identifiés comme ressources territoriales qui sont mobilisés en tant qu’actifs spécifiques sous forme de la création d’activités touristiques de nature (Puhakka et Saarinen, 2013). Le tourisme de nature est ainsi devenu un acteur important dans la gestion des parcs naturels (Puhakka et Saarinen, 2013) mais aussi un acteur ayant des effets prononcés sur les livelihoods des individus qui habitent dans les parcs. En effet, Nyauane et Poudel (2011) explorent les interactions entre la préservation de la biodiversité, le développement touristique et l’amélioration des livelihoods démontrant un système dans lequel chaque élément s’alimente.

Pourtant, la création d’un parc entraînant de nouvelles politiques publiques, certaines activités antécédentes centrales aux livelihoods des populations locales, telles que l’agriculture ou la chasse, peuvent être entravées, voir interdites, provoquant parfois des pertes économiques importantes pour ces personnes (Mayer, 2014).

Problématique et hypothèses initiales

Notre problématique est la suivante : dans quelle mesure le parc naturel régional de Binntal a-t-il influencé le développement territorial ? Depuis sa création, le parc a-t-il permis d’améliorer les livelihoods des habitants/acteurs économiques opérants au sein de son périmètre ?

Sur la base de nos recherches effectuées jusqu’à ce stade, nous émettons l’hypothèse que la création du parc a impacté de manière positive le développement territorial de la région, notamment grâce aux retombées économiques engendrées par une hausse de la fréquentation touristique. En revanche, la région dépendant essentiellement de l’agriculture avant l’ouverture du parc, nous avançons l’hypothèse que la création du PNR Binntal a restreint certaines activités économiques (agriculture et chasse) d’une grande proportion de la population. Le basculement juridique opéré lors de la création du parc, ainsi que de nouvelles opportunités économiques induites par le développement du tourisme aura fortement impacté les livelihoods des habitants du PNR, à des degrés différents selon les acteurs.

Cadre analytique et méthodologie

Le but principal de notre étude de terrain est de répondre à la problématique énoncée. Pour donner une structure dans nos collectes de données, le cadre analytique des ressources territoriales de Kebir (2019) a été choisi :

Ce modèle nous permettra de structurer l’analyse du PNR de Binntal en identifiant des ressources territoriales présentes (nature, patrimoine culturel) et de décortiquer les processus d’identification et d’exploitation de ces ressources. Ces éléments nous permettront d’analyser le rôle des ressources dans le développement territorial et d’apercevoir leurs effets sur les livelihoods des acteurs économiques se situant à l’intérieur du parc.

Par ailleurs, nous décidons d’effectuer une étude qualitative sous forme d’entretiens semi-directifs auprès des acteurs économiques principaux du parc. Ayant déjà accès à de nombreuses données quantitatives telles que les habitudes et motivations des visiteurs du parc (Knaus, 2018), une analyse qualitative permettra d’approfondir nos connaissances sur le système de production touristique et d’analyser comment le parc est aperçu par les acteurs locaux au niveau du développement territorial et des livelihoods. Etant donné l’étendue du parc et la faible densité démographique qu’il contient, il a été jugé plus judicieux de prendre contact avec les acteurs principaux du parc, ceux-ci pouvant potentiellement déboucher sur la prise de contact avec d’autres acteurs lors du terrain. Dans le mesure du possible, nous prévoyons d’utiliser une autre méthode qualitative, à savoir l’observation participante. Pour y parvenir, contact sera établi avec l’Office du Tourisme de Binn pour participer à d’éventuels tours organisés du parc ou d’autres activités touristiques lors desquelles nous essayerons d’effectuer des entretiens informels tant avec l’animateur que du public venu participer.

Ryan Muza et Jérôme Küffer

Bibliographie

Arnegger, J.; Hubert, J.; Woltering, M. (2010), ‘Toward a product based typology for nature-based tourism: a conceptual framework’, Journal of Sustainable Tourism, 18:7, pp. 915-928

Bieler, M. (2019), Le tourisme suisse en chiffres 2018 – chiffres structurels et de branche, Fédération suisse du tourisme

Clivaz, C. (2013), ‘Enjeux et acteurs autour de la mise en tourisme du patrimoine naturel et culturel. Le cas du parc naturel régional de Finges (Valais, Suisse)’, Ressources patrimoniales et alternatives touristiques, entre oasis et montagne. pp. 143-154

Knaus, F. (2018), Caractéristiques des visiteurs dans quatre parcs naturels suisses et leur valeur ajoutée touristique. Études des parcs Jura vaudois, Ela, Gantrisch et Binntal, Rapport de projet du Réseau des parcs suisses, Bern et de l’ETH Zürich, Zürich

Mandić, A. (2019). ‘Nature-based solutions for sustainable tourism development in protected natural areas – a review.’ Environment Systems and Decisions, 39:3, pp.249-268

Mayer, M. (2014). ‘Can nature-based tourism benefits compensate for the costs of national parks? A study of the Bavarian Forest National Park, Germany’, Journal of Sustainable Tourism, 22:4, pp.561- 583

Nyaupane, G. P.; Poudel, S. (2011), ‘Linkages among biodiversity, livelihood, and tourism’, Annals of Tourism Research, 38:4, pp.1344–1366

Nyaupane, G. P.; Stone, M. T. (2018), ‘Protected areas, wildlife-based community tourism and community livelihoods dynamics: spiraling up and down of community capitals’, Journal of Sustainable Tourism, 26:2, pp.307-324

Simpson, M. C. (2007), ‘An integrated approach to assess the impacts of tourism on community development and sustainable livelihoods’, Community Development Journal, 44:2, pp.186–208.