Un incunable de l’aquatinte

Un incunable de l’aquatinte
Coqueley de Chaussepierre, Le roué vertueux (Lauzanne, 1770)

Cette pochade littéraire prétend réduire à quelques exclamations le texte de l’auteur («En n’y mettant rien, en n’en pourra pas critiquer le style»), laissant le soin à quelque bonne plume de «s’exercer et remplir, en vers ou en prose, ce grand sujet». Prisé par les dadaïstes, qui y virent une préfiguration de leurs idées, ce livre étonnant est illustré de cinq planches anonymes attribuables à Jean-Baptiste Le Prince, considéré comme l’inventeur de la technique de l’aquatinte.

L’aquatinte, grâce à un procédé de grainage au sable des plaques permettant d’obtenir un effet de lavis, constituera un mode de représentation très apprécié à la fin du 18e siècle, avant d’être relayé par la lithographie puis par les procédés photomécaniques, moins coûteux. L’adresse de Lauzanne figurant est fictive. L’ouvrage a paru à Paris.

Coqueley

Une rare édition de Lamartine

Une rare édition de Lamartine
Alphonse de Lamartine, Histoire de la révolution de 1848 (Lausanne : Imprimerie suisse, 1849)

Rédigé au lendemain de l’échec de Lamartine face à Louis-Napoléon Bonaparte aux élections de 1848, ce livre, en dépit de sa  diffusion relativement large (on dénombre cinq éditions différentes en 1849), marque la fin des ambitions politique de l’écrivain.

L’origine réelle de cette édition rarissime (seul exemplaire localisé) reste mystérieuse : aucun autre livre publié à cette époque à Lausanne ne porte l’adresse de l’Imprimerie suisse.

Un « erotica » lausannois

Un « erotica » lausannois
Aphrodisiaque externe ou Traité du fouet et de ses effets sur le physique de l’amour, ouvrage médico-philosophique; suivi d’une dissertation sur les moyens capables d’exciter aux plaisirs de l’amour (1788)

Attribué au médecin François-Amédée Doppet (né à Chambéry en 1753), cet ouvrage fait partie de ce que les libraires de l’époque appelaient pudiquement les « Livres philosophiques ». Il témoigne de la mode du libertinage et de la curiosité que suscitent les thématiques hédonistes pour les contemporains du marquis de Sade.

Cette édition, sortie des presses lausannoises d’Henri Vincent, identifiable à son matériel typographique (selon Pascal Delvaux, étude en cours), constitue un des rares exemples connus de tels livres imprimés en terre vaudoise.

Un Robinson veveysan

Un Robinson veveysan
Collection de cent-cinquante gravures représentant et formant une suite non interrompue des Voyages et aventures surpre­nantes de Robinson Crusoé, dessinées et gravées par F. A. L. Dumoulin à Vevey (Vevey : chez Blanchoud, vers 1818)

François-Aimé-Louis Dumoulin (1753-1834) quitte Vevey à l’âge de vingt ans pour aller chercher fortune à Londres. Il y embarque pour les Antilles, où il demeurera neuf ans. En marge de ses emplois dans le commerce, il apprend la peinture en autodidacte. De retour à Vevey au bénéfice d’une petite fortune, il a pu vivre de sa peinture, notam­ment en vendant des œuvres et en donnant des cours de dessin privés.

Les Voyages et aventures de Robinson Crusoé, de Daniel Defoë ont paru en anglais en 1717. La première traduction française a été publiée à Amsterdam en 1720. Cette fiction inspirée de l’histoire véri­dique d’un marin écossais abandonné pour s’être rebellé sur l’île de Juan Fernandez, au large du Chili, de 1705 à 1709, a fait rêver des générations d’adolescents. Dans l’ « Avertissement » placée à la tête du volume, Dumoulin souligne bien l’importance de ce texte et de son illustration pour le jeune homme qu’il avait été : « Dès mon enfance, ce livre et les figures qui y étaient attachées, fixèrent singulièrement mon attention ; je leur dois le goût de la lecture, du dessin et de l’étude de la nature, et Robinson Crusoé développa chez moi le désir de voyager ».

La suite gravée à l’eau-forte et retouchée au burin par Dumoulin constitue un des ensembles d’images les plus riches inspirés par les voyages de Robinson.

Le volume présenté appartient à la rarissime réédition sur « grand pa­pier » publiée à Vevey par le libraire Blanchoud vers 1818, quelques années après la parution originale, imprimée par Loertscher et fils.

Un fac-similé de l’édition originale de ce livre peut être commandé à la BCU-Lausanne ou acheté à la boutique du Musée.

Un dessinateur yverdonnois peu connu : Fritz de Niederhäusern

Un dessinateur yverdonnois peu connu : Fritz de Niederhäusern

Souvenirs de la campagne du Rhin, 1857, dédiés au vingtième bataillon (commandant Many) par F. de Niederhäusern (Genève : Imprimerie Auto-lith. Eisenhardt, 1857)

Cet album relate en vingt planches lithographiées la participation d’un bataillon genevois à une des premières mobilisations de la toute jeune armée fédérale, placée sous le commandement du Général Dufour- Il s’agissait de contenir la menace d’une invasion prussienne de la Suisse à la suite du coup d’état tenté en 1856 pour rétablir la souveraineté de la Prusse sur le canton de Neuchâtel, réuni à la Confédération depuis 1848.

Né à Yverdon en 1828, François-Louis (alias Fritz) de Niederhäusern a été l’élève d’Alexandre Calame à Genève. Le recueil intitulé Badenweiler 1862 (14 planches) témoigne de son établissement en Alsace, près de Mulhouse, où il épouse en 1867 Olga Koechlin et où il décédera en 1888. L’exemplaire acquis est dédicacé à « Monsieur Emile Koechlin » (industriel de Mulhouse apparenté à son épouse).

Une perle dadaiste imprimée à Lausanne

Une perle dadaiste imprimée à Lausanne
Francis Picabia, Poèmes et dessins de la fille née sans mère : 18 dessins, 51 poèmes (Lausanne : Imprimeries réunies, 1918)

Ce célèbre recueil de poèmes « mécanomorphes » dans lequel Picabia a tenté de réconcilier deux des facettes de son talent, celle d’auteur et celle de peintre, a été réalisé durant les années difficiles où l’artiste sombre dans une profonde neurasthénie. C’est à l’occasion d’un séjour en Suisse, où il rencontre le Dr Brunnschweiler, que Picabia fera imprimer ce livre, probablement à compte d’auteur. Exemplaire dans une reliure originale de Bernard Bichon comportant sur chaque plat un décor d’esprit mécaniste constitué de pièces détachées d’horlogerie reliées par un fil rouge.

24 vues de Lausanne au temps des Romantiques

24 vues de Lausanne au temps des Romantiques
Souvenirs de Lausanne (Lausanne : G. Rouiller, vers 1830)

Cet album contient 24 vues de Lausanne signées « J. Dubois ». L’activité du peintre genevois Jean Dubois (1789-1849) prend place dans le contexte du développement du tourisme en Suisse, à l’époque romantique. Il a gravé des vues pittoresques qui ont fait l’objet de publications plus ou moins ambitieuses selon les possibilités de l’éditeur. Destinés à une clientèle aisée, ces recueils étaient réali­sés avec beaucoup de soin. Les gravures publiées permettent de docu­menter de nombreux endroits et bâtiments modifiés ou disparus, qui n’ont pas toujours connu les honneurs d’une représentation pictu­rale.

Les planches qui composent ce volume ont été imprimées par André-Philibert Spengler, l’un des premiers lithographes romands, établi à Genève et à Lausanne au début des années 1820.

Des Hurons lausannois qui n’en sont pas…

Des Hurons lausannois qui n’en sont pas…

L’Ingénu, histoire véritable tirée des manuscrits du Père Quesnel

Ce texte, l’un des plus célèbres de Voltaire, a paru à Genève, chez les frères Cramer, sous l’adresse fictive d’Utrecht en 1767.  Parallèlement, une édition pirate a été publiée à Paris sous le titre Le Huron, ou l’Ingénu et l’adresse, tout aussi fictive, de Lausanne. Ces deux éditions ont été réimprimées l’année même une douzaine de fois par des ateliers restés anonymes. On dénombre 8 éditions différentes datées de Lausanne en 1767…

La Terreur à Lyon…

La Terreur à Lyon…
Liste générale des dénonciateurs et des dénoncés, tant de la Ville de Lyon que des Communes voisines et de celles de divers Départemens (Lausanne : Société typographique, 1795)

« Plusieurs Citoyens de Lyon, qui s’étoient réfugiés dans notre Ville, et à qui nous avons donné l’hospitalité pour les soustraire à la hache triumvirale, nous ont fait-parvenir, après leur retour dans leurs foyers, les listes des dénonciateurs et dénoncés, avec prières de les faire imprimer. Nous avons acquiescé à leur demande, et nous nous sommes persuadés que non seulement nous rendions service aux braves Lyonnais, en publiant ce recueil qui leur fera connoitre les bons et les mauvais Citoyens, et dont nous garantissons l’autenticité par les pieces originales et en bonnes formes, qui sont entre nos mains, mais nous croyons encore avoir préparé des matériaux à l’homme de lettres qui donnera l’histoire impartiale de la Révolution de la France.

Description de la gravure :

A droite, une mère avec ses enfans arrosant de leurs larmes un Mausolée qui renferme les restes d’un époux fidelle, d’un père tendre, égorgé par les Robespierriens. Des cyprès ombragent le Mausolée. Un génie planant dans les airs, ceint de la couronne de l’immortalité, une urne cinéraire, qui surmonte la pyramide. A gauche, un canon, pour désigner le genre de mort, inventé par le sanguinaire Collot, pour punir les prétendus rebelles de Lyon. »

L’origine lausannoise de cette liste dénonçant les méfaits des parti­sans de la Terreur à Lyon est douteuse : la Société typographique, censé l’avoir imprimée, a cessé toute activité en 1783 déjà.

Cervantès imprimé à Lausanne

Cervantès imprimé à Lausanne
Nouvelles exemplaires de Michel de Cervantes Saavedra, traduction et édition nouvelle augmentée de trois nouvelles qui n’avoient point été traduites en françois & de la vie de l’auteur par Mr. l’abbé S. Martin de Chassonville (Lausanne : Marc-Michel Bousquet, 1759, 2 vol.)

Le libraire-éditeur lausannois Marc-Michel Bousquet, dont le com­merce s’étendait à l’Europe entière, a publié les Nouvelles exem­plaires de Cer­vantès à plusieurs reprises, en espagnol (1743) et en français (1744 et 1759), dans la traduction publiée par l’abbé Saint-Martin de Chas­sonville à Amsterdam de 1705 à 1707.

Le frontispice gravé et les 10 planches qui ornent cette parution sont identiques dans toutes les éditions de ce livre publiées par Bousquet.

Le premier dictionnaire français-italien

Le premier dictionnaire français-italien
Dictionnaire françois et italien, recueilli par Jean Antoine Fenice
(A Morges, et se vendent à Paris chez Nicolas Nivelle, 1585)

Cet ouvrage constitue le premier dictionnaire français-italien connu. Oeuvre de Giovanni Antonio Fenice, érudit protestant originaire de Ferrara établi à Paris, il est dédicacé à Matthias Le Noir, trésorier d’Henri III, qui a assuré le financement de l’entreprise.

Ce sont les frères Jean et François Le Preux, grands libraires parisiens réfugiés à Lausanne puis à Morges pour cause de religion, qui ont imprimé ce dictionnaire, en coédition avec leurs confrères Jacques Du Puys et Nicolas Nivelle. La date imprimée sur le titre est tantôt 1584, tantôt 1585. Certaines entrées, par exemple « Omble », suggèrent que Fenice pourrait avoir séjourné quelques temps sur les rives du Léman :

Umble, espece de poisson du lac de Geneve : Pesce che nasce nel lago di Geneva, molto buono e delicato.

Un brûlot réformé imprimé à Lausanne en 1574

Un brûlot réformé imprimé à Lausanne en 1574
Francois Hotman, Francogallia, editio secunda (Coloniae : ex officina Hieronymi Bertulphi, 1574)

François Hotman, jurisconsulte et homme de lettres né à Paris en 1524, a enseigné la philologie pendant quelques années à l’Académie de Lausanne après avoir adhéré au protestantisme en 1547. Il rejoint en 1556 Strasbourg avant de s’établir à Bourges. Suite au massacre de la Saint-Barthélemy, il se réfugie à Genève, où il publie, en 1573, un pamphlet qui fera sensation intitulé Francogallia. Ce livre défend l’idée que la couronne de France n’est pas héréditaire mais élective, et que les rois peuvent par conséquent être déposés. Il a fait l’objet en 1574 d’une seconde édition et d’une traduction en français (La Gaule françoise), toutes deux imprimées à Lausanne sous la fausse adresse de Cologne par les frères Le Preux, identifiables à leur matériel typo­graphique. François Hotman est mort à Bâle en 1590.