Un point de départ constitutionnel
D’abord quelques repères : en 2003 une constituante accouche de la Constitution vaudoise actuelle, qui attribue à l’Église catholique romaine une reconnaissance institutionnelle et la place à égalité avec l’Église évangélique réformée. Leur «mission au service de tous», soutenue par l’État, donne à ces deux institutions un caractère de droit public. La nouvelle Constitution reconnaît également la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud comme institution d’intérêt public.
En décembre 2023, voulant effectuer un bilan d’étape 20 ans après, la FTSR, avec son Institut de sciences sociales des religions, le Centre interdisciplinaire en histoire et sciences des religions, la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud et le Centre intercantonal d’information sur les croyances, a mis sur pied un colloque de deux jours sur ce processus politique de reconnaissance de la diversité religieuse.
Éclairage citoyen et scientifique
Pour Irene Becci, il s’agissait d’apporter «un éclairage citoyen et scientifique sur ces nouvelles relations entre l’État, les Églises et les communautés religieuses». La professeure a coordonné la rédaction de l’ouvrage Credo, paru en 2020 et rédigé entre autres par plusieurs auteures formées à la faculté ; cette enquête immersive dans la diversité religieuse vaudoise a nourri un livre grand public richement illustré, en outre, par une classe de l’ECAL accompagnée du photographe Matthieu Gafsou.
Le premier jour du colloque a permis d’entendre la présidente du Conseil d’État Christelle Luisier Brodard (dont le département est en charge des affaires religieuses), un représentant de chacune des deux institutions de droit public, ainsi que le président de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud. Chercheur à la Faculté des SSP, Philippe Gonzalez était présent comme coresponsable de la formation «Communautés religieuses, pluralisme et enjeux de société», destinée précisément aux responsables de communautés religieuses reconnues ou en cours de reconnaissance et proposée par la FTSR.
La seconde journée a offert un tour d’horizon de la question religieuse et étatique en France, en Belgique, en Italie et en Allemagne de l’Est. La perspective helvétique était présentée par deux chercheurs de la National Congregation Study, une recherche financée par le FNS et dirigée à la FTSR par le professeur Jörg Stolz.
Sécularisation et diversité
«Nous envisageons d’organiser un deuxième colloque en 2027 pour les 20 ans de la loi adoptée en 2007 en vue d’ouvrir la possibilité de la reconnaissance à un plus large éventail de communautés religieuses», esquisse Irene Becci, citant les candidatures en cours des paroisses anglicanes (et catholique chrétienne), de la Fédération évangélique, de l’Union vaudoise des associations musulmanes, ainsi que l’intérêt manifesté par des Églises adventistes et orthodoxes.
Ce qui caractérise la religion dans le canton est à la fois la sécularisation (dans une perspective statistique et institutionnelle) et la diversité (nouvelles spiritualités, traditions religieuses importées ou variations au sein même du catholicisme romain, par exemple), dans la perspective anthropologique qui est celle, notamment, d’Irene Becci. Cette vision adopte dès lors une définition très large de la religion comme «la sphère de l’activité humaine qui répond en ritualisant à des questions d’ordre extrahumain». – NR
Eva Marzi, Brigitte Knobel, Irene Becci, Aude Zurbuchen, Chloé Berthet
Credo, une cartographie de la diversité religieuse vaudoise
Éditions Antipodes, 2022