Écrivain, dramaturge, grand satiriste : Karl Kraus (1874-1936), figure centrale de l’esprit fin de siècle viennois, fut un fin limier du langage. De 1899 à sa mort, il fonde et dirige Die Fackel, dont il est parfois l’unique rédacteur. Les lecteurs de cette revue pamphlétaire, parmi lesquels Schönberg, Musil, Canetti, Wittgenstein ou encore Adorno, attendent à chaque numéro, impatients et anxieux, la tombée du couperet.
Walter Benjamin a tenu à rendre hommage à cette figure controversée dans un essai lumineux, auquel il s’est consacré corps et âme un mois durant, en janvier 1931. Loin d’être un monument à l’esprit d’un temps révolu, son éclairage soulève nombre de questions d’actualité. Aux yeux de Benjamin, Kraus a su faire apparaître « le journalisme comme l’expression parfaite du changement de fonction du langage dans le capitalisme avancé ». Information créatrice d’ « événements » avant eux-mêmes… On ne saurait être plus actuel.
Le texte de Walter Benjamin est traduit de l’allemand par Antonin Wiser (Section de français) et Marion Maurin.
Walter Benjamin, Karl Kraus, traduit de l’allemand par Marion Maurin et Antonin Wiser, Paris, Allia, 2018.