questons et solutions de stratégie 25594546

Le curriculum en pleine modernisation – Former les médecins à l’horizon 2050

Les retours récurrents des étudiant·es – répétitions, difficultés à articuler théorie et pratique, manques de cohérence, pour ne citer que ceux-ci – font écho aux préoccupations portées par l’École de médecine. Mais ces observations s’inscrivent dans un enjeu plus large : celui de moderniser notre formation pour répondre aux transformations majeures de la pratique médicale, de la société, du système de santé et des modèles éducationnels. Pour relever ce défi, une réponse systémique est nécessaire et plusieurs grands chantiers ont été lancés par l’EM. Comme annoncé dans l’édition 2024 de Feedback, une révision du Bachelor est en cours et une réforme du Master est désormais sur les rails. Nouvel état des lieux.

Après le projet pilote orienté sur le module B2.4 (circulation, respiration) et mené avec succès, le travail de révision du Bachelor s’est poursuivi durant l’année 2024-2025 avec les modules B2.5 (digestion, métabolisme) et B2.6 (système urogénital et homéostasie), tandis que les modules B2.2 (sang, immunité, microbes) et B2.3 (neurosciences) seront abordés lors de l’année académique 2025-2026. La BMed3 sera révisée en dernier lieu, en coordination étroite avec le projet de réforme du cursus de Master.

Comment ce travail de révision s’inscrit-il dans une démarche pédagogique réfléchie et structurée ?

L’EM a mis le concept d’alignement pédagogique, tel que défini par John Biggs, au centre de ses réflexions. Cette approche constitue le fil conducteur de cette révision du Bachelor et repose sur le principe d’un continuum cohérent entre les objectifs d’apprentissage, les contenus enseignés, les méthodes pédagogiques mobilisées, ainsi que les formes et critères d’évaluation.

Lorsque les objectifs visent plus que la simple mémorisation – en intégrant l’application, l’analyse ou la réflexion critique – et que les évaluations sont conçues en conséquence, les étudiantes et étudiants sont naturellement amenés à adopter des stratégies d’apprentissage en profondeur. Ce type d’apprentissage favorise la compréhension durable et le développement de compétences transférables, au-delà de la seule réussite aux examens.

C’est parti ! Depuis la dernière édition de Feedback, la réforme du Master en médecine à Lausanne est entrée dans sa phase active. Elle répond à un besoin clair : adapter notre formation aux profondes transformations de la pratique médicale, aux attentes de la société, à l’évolution du système de santé et aux avancées en pédagogie médicale. Elle vise aussi un meilleur alignement avec le référentiel national PROFILES, qui définit les compétences attendues à l’issue du cursus.

Le travail de conception approfondi s’est appuyé sur une analyse critique et rigoureuse du curriculum existant à la lumière de cadres conceptuels pédagogiques reconnus et basée sur des données du cursus incluant – entre autres – les évaluations du cursus par les étudiant·es et un recensement détaillé de l’année MMed2 (cf plus bas). Ce travail a permis de dégager les grands axes d’une réforme ambitieuse, validés récemment par un comité de pilotage réunissant membres du décanat, direction de l’École de médecine, corps professoral et étudiant·es.

Ce nouveau curriculum de Master, nous allons le construire avec vous ! La participation étudiante sera assurée à chaque étape, via une représentation dans le comité de pilotage, les équipes de projet et des moments réguliers de consultation et de co-construction.

Une information dédiée et détaillée vous parviendra prochainement, restez attentifs·ves !

Déplacement des skills de l’appareil locomoteur

Dans le but d’améliorer la coordination et la cohérence des enseignements, les skills de l’appareil locomoteur, jusqu’à présent dispensés dans le module B3.8, seront déplacés dans le module M1.8 dès l’année académique 2025-2026. Ces enseignements seront intégrés longitudinalement au module M1.1 « Douleurs articulaires », permettant ainsi aux étudiant·es de co-construire avec l’enseignant·e concerné·e les notions théoriques des manœuvres cliniques, sur des bases anatomiques connues. Par la suite, ils/ elles pourront s’entraîner lors de séances pratiques et finalement bénéficier, en fin de module M1.1, d’une évaluation formative. Cette intégration vise ainsi à assurer une continuité logique des apprentissages et à favoriser une meilleure compréhension des concepts liés à la prise en charge des troubles musculosquelettiques. Elle favorisera également un apprentissage progressif et intégré.

La 2e année de Master sous la loupe de trois étudiant·es

Lors de l’année 2023-2024, trois étudiant·es ont recensé tous les enseignements structurés de l’année MMed2 pour mieux cerner la pertinence des formats pédagogiques utilisés et identifier les répétitions, ainsi qu’évaluer leur utilité. Les résultats ont montré qu’une grande proportion d’enseignements sont peu interactifs et ciblent peu le raisonnement clinique. D’autre part, nous avons identifié un certain nombre de répétitions peu utiles d’après le jugement des trois étudiant·es. Ces résultats seront de toute évidence précieux pour la réforme à venir. En attendant, les résultats ont été transmis aux responsables des modules concerné·es avec des pistes pour faire évoluer les enseignements en privilégiant des approches plus interactives et stimulant le raisonnement clinique sur la base de vignettes et en incitant de façon ciblée les enseignant·es abordant des thématiques similaires à mieux se coordonner. 

La révision du Bachelor est en route !

Après un projet pilote orienté sur le module B2.4 (circulation, respiration) et mené avec succès, le travail de révision du Bachelor se poursuit et s’étalera sur plusieurs années. Sur quels constats se base la décision de l’École de médecine de réviser le Bachelor en concertation avec les responsables de module et les responsables de discipline ? Comment et selon quels concepts pédagogiques cette révision se met-elle en œuvre ? Vous le découvrirez en lisant ces lignes.

© Sarinya Pinngam | Dreamstime.com

Plusieurs constats ont incité l’École de médecine (EM) à mener un projet de révision du Bachelor, sous la coordination de la Pre Francesca Amati, vice-directrice académique, et Ana Silbering, adjointe aux années précliniques à l’Unité de pédagogie médicale.

  • Le nombre d’intervenant·es ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. « Pendant l’année académique 2023-2024, environ 500 enseignant·es différent·es sont intervenu·es dans les cours en auditoire, dont plus de la moitié pour 3h ou moins » détaille la Pre Amati. Avec autant d’enseignant·es, le cursus souffre d’une fragmentation excessive et il devient dès lors difficile de savoir précisément ce qui est enseigné avant ou après chaque enseignement individuel. En conséquence, un nombre important d’enseignements contient des répétitions inutiles ou s’éloigne des objectifs d’apprentissage du module en allant trop dans les détails de la matière. Cela engendre une certaine perte de cohérence et de logique dans la progression de l’enseignement au fil du cursus.
  • En parallèle, la façon dont la clinique est abordée dans les deux premières années a connu une évolution non souhaitée. L’introduction précoce dans le cursus de notions issues de la clinique avait pour objectif d’expliciter l’importance capitale des concepts issus des sciences de base pour le raisonnement et la prise en charge cliniques. Il est largement reconnu que cette contextualisation clinique permet de mieux ancrer l’apprentissage des étudiant·es. Cependant, au fil des années et particulièrement en BMed2, beaucoup de ces enseignements sont devenus des cours de clinique plus avancée. « Ces contenus, dédiés à la prise en charge de maladies avec des listes de symptômes et de traitements, sont inadaptés au niveau de progression des étudiant·es concerné·es » explique la Pre Amati qui rappelle également que le cloisonnement – historique – des enseignements par discipline est contraire à l’approche intégrative exigée par le référentiel national PROFILES.

Ces dérives, combinées entre elles, induisent une tendance à l’apprentissage « par cœur » chez les étudiant·es, tendance que l’EM souhaite éviter au profit d’une approche basée sur la réflexion ainsi que sur la compréhension et la mise en lien des concepts clés.

Pour entreprendre ce travail de révision, l’EM a mis le concept de l’alignement pédagogique au centre de ses réflexions.

Il est en effet fondamental que les objectifs d’apprentissage, la matière abordée, les méthodes d’enseignement ainsi que le format et le contenu des évaluations des apprentissages soient alignés dans un continuum cohérent. Si les objectifs d’apprentissage et l’évaluation des apprentissages dépassent la simple rétention pour viser l’application et la réflexion, alors l’étudiant·e – qui travaille dans la perspective de réussir ses examens – favorisera en toute logique une approche d’apprentissage dépassant le bachotage. Les enseignant·es ont la responsabilité de s’assurer que les objectifs d’apprentissage de chaque enseignement soient alignés avec les objectifs globaux du cursus et visent le bon niveau d’apprentissage. De plus, la cohérence doit être garantie jusqu’à l’élaboration des questions d’examens pour que les étudiant·es privilégient la réflexion leur permettant ainsi un apprentissage plus durable.

En ce sens, un projet pilote a été mené avec succès sur le module B2.4 (circulation, respiration), en s’appuyant sur les actions suivantes : 

  • Les enseignements sont organisés autour d’unités d’enseignement (UE), qui regroupent des cours touchant une même thématique, afin d’assurer la cohérence tout au long du module.
  • L’organisation et l’enchaînement des enseignements sont clarifiés, depuis les cours introductifs de la première semaine jusqu’aux cours intégratifs de la dernière semaine, en insérant des vignettes pour faire le lien entre la physiologie et la physiopathologie.
  • Les objectifs d’apprentissage spécifiques de chaque enseignement son révisés et précisés, mettant davantage l’accent sur la réflexion (par opposition à l’apprentissage « par cœur »).
  • La complémentarité entre les modules traitant des mêmes thématiques au travers des différentes années du cursus est renforcée : par exemple, un « fondu – enchainé » entre le B2.4 (circulation, respiration) et le B3.1 (coeur, poumons) a été mis en œuvre, afin de diminuer les répétitions dans les différents enseignements centrés sur les systèmes cardiovasculaire et pulmonaire, tout en favorisant la progression des étudiant·es.
  • La matière et les supports de cours sont adaptés pour limiter les contenus qui sont du ressort des années cliniques, comme les listes de diagnostics, de symptômes ou de signes cliniques.
  • Les questions d’examen sont rédigées de manière à favoriser l’évaluation des compétences d’analyse et de réflexion, plutôt que les simples connaissances.

Ces changements apportés au module B2.4 ont déjà permis d’améliorer la cohérence des enseignements et de clarifier ce qui est attendu des étudiant·es aux examens. Le travail de révision se poursuit durant cette année 2024-2025 avec les modules B2.5 (digestion, métabolisme) et B2.6 (système urogénital et homéostasie), tandis que les modules B2.2 (sang, immunité, microbes) et B2.3 (neurosciences) seront abordés lors de l’année académique 2025-2026. La BMed3 sera révisée en dernier lieu, en coordination étroite avec le projet de réforme du cursus de Master que l’EM a initié en ce début 2025.

Il est à noter que ce travail de révision ne peut être fait qu’en étroite concertation avec les responsables de module et les responsables de discipline.

Et la Pre Amati de conclure : « Il sera crucial de préciser, dans la foulée de cette révision, les différents rôles et responsabilités : la contribution des responsables de module et des responsables de discipline est essentielle pour garantir la qualité de l’enseignement dans la durée ». Ce faisant, ils et elles doivent pouvoir compter sur un cadre institutionnel solide qui les accompagne dans la sélection des enseignant·es et dans le choix et l’articulation de la matière abordée.