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Quand l’intelligence artificielle éclaire le langage, la mémoire culturelle et les émotions

Et si l’intelligence artificielle servait à lire entre les lignes du passé ? De la philosophie de Peirce aux récits du Montreux Jazz Festival, ses projets explorent comment la machine peut enrichir notre mémoire, décrypter nos émotions et redonner vie aux mots oubliés. Une plongée où l’IA devient un outil d’interprétation, plus qu’un simple automate.

L’intelligence artificielle au service de la culture, du langage et des émotions 

Les recherches actuelles de Davide Picca mobilisent l’IA comme outil herméneutique pour interroger les formes culturelles, textuelles et émotionnelles. Loin d’une approche purement technique, ses travaux visent à enrichir les méthodes interprétatives dans les humanités. Deux chantiers illustrent cette orientation. 

Le premier, intitulé Peirce interprets Peirce, porte sur l’analyse computationnelle des manuscrits du philosophe Charles S. Peirce, dont l’archive comprend plus de 100 000 pages. S’appuyant sur un partenariat entre l’Université de Lausanne, l’Université de Aachen, la Bibliotheca Hertziana et l’Université de Groningen et l’Université de Harvard, ce projet propose une méthode automatisée pour explorer les relations sémantiques au sein de textes philosophiques fragmentaires. L’étude pilote s’est concentrée sur le manuscrit PAP (Prolegomena for an Apology to Pragmatism)

La méthodologie s’organise en trois étapes : transcription et reconnaissance des textes manuscrits, extraction sémantique, puis visualisation cartographique.  

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La figure de l’étude présente une interface interactive basée sur UMAP, qui projette l’ensemble des pages du manuscrit selon la similarité lexicale des lemmes utilisés. Chaque cluster ainsi formé peut être exploré à travers des nuages de mots, offrant une classification alternative au découpage éditorial traditionnel. Ce modèle visuel ouvre de nouvelles perspectives sur l’évolution des concepts chez Peirce et propose une lecture exploratoire assistée par IA. 

Par ailleurs, Davide Picca s’intéresse activement aux enjeux de mémoire culturelle à travers les archives du Montreux Jazz Festival. Cet intérêt se traduit par une réflexion sur la manière dont les récits d’artistes, d’organisateurs et de publics peuvent être captés, indexés et mis en relation grâce à l’intelligence artificielle. En travaillant sur des enregistrements, des entretiens et des métadonnées culturelles, il explore comment reconstruire des écosystèmes de mémoire vivante, mêlant émotions, contextes historiques et circulation des voix. 

Plus largement, ses recherches s’inscrivent dans une interrogation constante sur les dimensions affectives du langage et de la culture. Il s’intéresse notamment à la manière dont les émotions sont exprimées, structurées et interprétées dans les textes littéraires, et à la possibilité de les modéliser à l’aide de méthodes computationnelles. Cette approche englobe aussi bien les manuscrits classiques que les patrimoines immatériels, avec une attention particulière à la façon dont les récits, les styles et les formes symboliques façonnent notre mémoire collective. À travers ces travaux, il propose une vision de l’IA comme vecteur de résonance culturelle, capable d’articuler sens, émotions et historicité. 

Perspectives 

Dans ces projets, l’IA ne se contente pas d’analyser des données : elle devient un instrument de mise en forme du sens, capable de croiser les niveaux lexicaux, cognitifs et narratifs. Cette approche place les sciences humaines au cœur de la réflexion sur l’automatisation, en questionnant non pas ce que l’IA peut faire, mais ce qu’elle doit faire pour accompagner l’interprétation du monde. 


Maître d’enseignement à l’Université de Lausanne, Davide Picca explore les liens entre humanités, IA et mémoire culturelle. Il est actif dans l’enseignement, la recherche et des projets patrimoniaux.

Faculté des lettres

LLM, NLP, Digital Humanities

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