Mai 68
Les classes obtenues par analyse Reinert sur le sous-corpus que nous appelons «Mai 68» (créé comme indiqué dans le premier point de la méthodologie) peuvent être vues sur la figure 1. Ce sous-corpus contient 2747 articles. Nous pouvons d’abord voir que la classe 7 fait référence aux affrontements entre la police et les manifestants, notamment les étudiants. La classe 3, quant à elle, fait référence au contexte international. Elle contient des mots faisant référence soit à des manifestations dans d’autres pays, soit à des manifestations en Suisse et en France pour des causes d’autres états. La classe 2 concerne certainement les grèves ouvrières de Mai 68. La classe 9 fait référence au contexte politique français de l’époque. Le reste des classes concerne respectivement, de gauche à droite, les méthodes d’action des manifestants, le contexte socio-économique, l’aspect légal, la culture, et l’aspect financier. Nous voyons que parmi toutes les classes, aucune ne fait référence au féminisme ou à ses revendications. Nous avons essayé d’augmenter le nombre de classes, et nous ne voyons pas apparaître de classes sur le féminisme ou sur les femmes.
Revendications féministes
Nous allons maintenant analyser les fréquences d’apparition de certains mots au sein du corpus d’étude. Nous voulons essayer de voir si certaines propositions sont plus discutées après les événements de Mai 68, ou si, au contraire, la période étudiée n’a pas amené de réelles nouveautés dans le débat. Pour cela, nous regardons les fréquences d’apparition des mots «avortement» et «contraception» (voir Figures 2.a et 2.b). Ces deux mots représentent des revendications féministes, que ce soit le droit à l’avortement (notamment pour les victimes de viol 1 ainsi que l’accès à la contraception 2).
Nous pouvons d’abord voir que le mot “avortement” apparaît plus dans les articles des deux journaux après les années 1970. Nous ne pouvons pas dire que cela est directement dû à Mai 68, mais cela montre que la période a vu un développement de ces idées. Il est difficile — voir impossible — de savoir avec cette seule information l’influence qu’a eu Mai 68 sur ce genre d’idées, mais nous voyons que la période a vu une progression des revendications féministes au sein du débat public. Le mot «contraception» apparaît plus dès 1965. Cela confirme le fait que Mai 68 n’est pas l’élément suffisant pour expliquer le développement des questions féministes, même s’il y a pu y avoir une influence. La période était propice au développement des idées féministes 3. Cela peut montrer l’interconnectivité entre Mai 68 et les revendications féministes. L’un a influencé l’autre et vice versa.
Évolution du féminisme
Nous allons maintenant analyser les deux sous-corpus qui traitent du féminisme comme défini dans la méthodologie au point 4. Nous pouvons voir les classes obtenues par analyse Reinert sur Iramuteq dans les figures 3 et 4. Le premier constat est qu’il y a très peu d’article dans le corpus contenant les mots «féminisme» et «féministe». En effet, nous n’avons que 392 articles pour la période de 1960 à 1975. Cela signifie soit que le JDG ou que la GDL ont peu relayé les discussions féministes, soit que l’appellation «féministe» était peu utilisée à l’époque et donc ce ne serait pas un bon mot-clé pour récupérer les articles féministes. Nous allons d’abord voir les résultats d’avant 1968. Il y a 4 classes, la classe 4 concerne ce qui est en rapport avec le droit et les institutions ; elle correspond certainement à ce qui concerne la conquête de nouveaux droits politiques pour la femme, notamment le droit de vote. La classe 3 se réfère à la culture. La classe 1 est sur ce qui concerne le quotidien de la femme. La classe 2 est difficile à définir. Nous avons pour cette période 121 articles. Pour après 68, nous avons la classe 4 qui est similaire à celle d’avant 68, sauf qu’elle est beaucoup moins importante (elle passe d’environ 30% à 13%). Nous retrouvons aussi la classe 3 qui est sur la culture. Nous avons la classe 2 qui ressemble un peu à la classe 1 d’avant Mai 68, mais change sur certains points, puisque des mots comme discrimination et égal apparaisse. Cela peut faire référence aux inégalités de traitements entre hommes et femmes. Nous avons aussi une nouvelle classe, la classe 1 qui peut montrer une certaine mobilisation des femmes. Nous avons notamment des mots comme «manifestation», «libération» ainsi que «mouvement». Nous voyons qu’avec cette dernière classe, il y a pu y avoir un changement du comment le JDG et la GDL parlent du féminisme. Cela peut être inspiré de Mai 68, notamment la manière d’agir par des manifestations, tout comme d’aborder des sujets comme la sexualité 3. Cela peut aussi faire référence au mouvement de libération des femmes, ce mouvement est apparu en 1969 et était le principal mouvement féministe en suisse romande. Nous avons pour cette période 271 articles, ce qui est plus du double qu’avant, ce qui montre que ce sujet a plus été abordé par le JDG et la GDL.
Brève analyse qualitative
Nous avons ensuite observé tous les articles parlant de féminisme comme présenté dans la méthodologie. Nous voyons d’abord que nous n’avons pas d’article au sujet de Mai 68 dans ce corpus. La plupart des articles concernent les élections de femmes en suisse qui sont liées à une avancée féministe. Nous avons aussi des articles sur la culture, sur des œuvres défendant le féminisme, mais sans être en lien direct avec Mai 68. Il faut certainement attendre l’arrivée de mouvements de libération des femmes pour que le féminisme soit lié à des actions et des revendications de citoyens, et non plus à des élus lors d’élections.
?1 Auteur inconnu. “Avortement”, Gazette de Lausanne
?2 Auteur inconnu. “A Berne: un congrès, un anticongrès et deux manières de penser l’«émancipation féminine»”, Gazette de Lausanne, page 2, 20 janvier 1975.
?3 CHAPERON Sylvie. “La radicalisation des mouvements féminins français de 1960 à 1970”, Vingtième siècle, revue d’histoire , 48(1) :pp.61–74, 1995.