La place du sport dans la presse à la lumière des Jeux Olympiques

Romain Antiochus, Niccolò Milesi et Mélissa Mugoli Mapatano.

Introduction

Contexte général

Depuis 1896, les Jeux olympiques d’été sont une compétition sportive internationale largement célébrée à travers le monde. Initialement réservée aux amateurs, cette compétition multisports, rassemblant des athlètes professionnels de différentes nations afin qu’ils s’affrontent dans un esprit de fair-play et de camaraderie, devient très rapidement un moyen pour ces derniers de représenter et de fédérer des populations entières. Cependant, derrière les cérémonies grandioses et l’apparente candeur de la compétition, une réalité plus complexe semble obscurcir l’organisation et la tenue des Jeux olympiques. À mesure que leur exposition médiatique augmente, les olympiades deviennent de véritables outils de communication politique pour les gouvernements qui y voient un moyen d’améliorer leur réputation auprès de la communauté internationale et de camoufler des enjeux géopolitiques nationaux. Ainsi, la participation, de même que l’organisation, des Jeux olympiques quittent le domaine exclusif du sport, et deviennent alors des instruments de soft power et de diplomatie internationale.

 Les Jeux olympiques ont fréquemment été utilisés comme une plateforme idéale afin de promouvoir l’image d’un pays sur la scène internationale et de nombreux exemples à travers l’Histoire viennent soutenir cet élément. Le premier cas manifeste est l’édition de 1936 à Berlin lors de laquelle le gouvernement nazi en a profité pour présenter au monde entier son idéologie de supériorité de la race aryenne. Le IIIème  Reich est fortement critiqué pour avoir utilisé les compétitions olympiques dans l’objectif de  promouvoir son agenda politique raciste et camoufler les persécutions antisémites faites à l’encontre des Juifs (Dehillotte,1936). Dans une même optique de diversion, en 1968, le gouvernement mexicain a fait usage de l’organisation des olympiades pour détourner l’attention de l’instabilité politique et des répressions violentes faites à l’encontre de manifestations étudiantes qui ont fait de nombreuses victimes , dix jours avant l’ouverture de la compétition (Fernandez, 2017).  Le 2 octobre 1968, entre 200 et 300 étudiants sont fusillés sommairement par l’armée mexicaine dans le quartier de Tlatelolco. Cet évènement communément appelé Le massacre de Tlatelolco est présenté comme « répression justifiée » par les grands médias locaux favorables à la politique du gouvernement.

La diplomatie sportive peut donc être comprise comme étant la volonté pour un État, une institution ou un individu, de « recourir au sport comme instrument de médiation et de communication diplomatique» (Côme et Raspaud, 2018). L’instrumentalisation du sport au sein des compétitions internationales, et tout particulièrement des Jeux olympiques, continue d’être à ce jour une pratique répandue. Cependant, la récupération à des fins purement  politiques et économiques est de plus en plus critiquée au sein des médias qui  dénoncent une atteinte aux valeurs d’intégrité que les olympiades sont censées incarnées. L’apparition de la notion de diplomatie sportive dans les corpus francophones est récente, sur le plan historique. En effet, c’est à partir de 2007, que le questionnement entre les potentiels liens diplomatiques entre le monde du sport et des enjeux politiques connaît une apparition grandissante   (Figure 1). Cet aspect récent de l’occurrence de la diplomatie sportive au sein des corpus constitue une limite pour notre recherche et le nombre d’articles que nous pourrions réunir au sein de notre analyse. Cependant, afin de pouvoir pallier à cette contrainte, nous avons fait le choix de sélectionner des éditions particulières des Jeux olympiques. 

Figure 1 – Évolution de l’occurrence de la notion de ‘’diplomatie sportive’’ dans les corpus francophones, de 1936 à 2019. Graphique obtenu avec Google N-Gram Viewer.

Délimitation de l’objet historique étudié

Notre étude se concentre sur cinq éditions marquantes des Jeux olympiques au cours desquelles diverses actions politiques ont eu lieu. Nous nous sommes focalisés sur des JO à des époques différentes et dans des contextes variés, dans le but d’analyser l’évolution du traitement médiatique de la diplomatie sportive selon le type de crise politique qui y était associée. En effet, bon nombre d’évènements sportifs sont marqués par divers incidents suscitant la polémique et la controverse. Les Jeux olympiques de Rio de Janeiro qui se sont déroulés en 2016 en sont un bon exemple car après la tenue des compétitions, les infrastructures spécialement construites pour accueillir les athlètes ont été complètement abandonnées (Duchemin, 2020). Bien qu’une analyse sur les controverses générales traversant différentes éditions des JO serait intéressante, nous faisons cependant le choix de ne considérer uniquement des éditions impliquant des faits politiques majeurs.

La première édition retenue est celle de 1936 à Berlin, marquée par la montée en puissance du régime nazi sur le continent européen. Ces olympiades berlinoises sont perçues comme un écran de fumée et de nombreux journalistes appellent à la vigilance quant aux enjeux véritables du régime national-socialiste. 

La deuxième édition que nous choisissons d’analyser est celle de 1952 à Helsinki, au cœur de la Guerre Froide. Ces Jeux marquent le retour du Japon et de l’Allemagne à la compétition, ainsi que la toute première admission de l’URSS. En raison de cette période de tension, le village olympique est divisé : les pays du bloc soviétique sont à l’écart des autres (Milza, 1980). 

En 1968, la 19ème édition des Jeux olympiques modernes de Mexico est marquée par la répression sanglante de Tlatelolco ainsi que le poing levé de deux sprinteurs afro-américains affirmant leur soutien au mouvement Black Panthers (Nelson, 2016). Quatre ans plus tard à Munich, un groupe terroriste palestinien prend en otage et assassine de nombreuses personnes de la délégation israélienne (Roche,2019). Cette tragédie survient à la suite de tensions grandissantes liées au conflit israélo-palestinien.

Plus récemment, une dimension de forte polémique s’avère également présente dès l’annonce de la tenue des Jeux olympiques d’été 2008 à Pékin. En cause notamment, la censure extrême des médias sur le territoire chinois, les tensions politiques avec le Tibet ou encore les répressions violentes de manifestants par le gouvernement (Buré, 2022). À l’instar du gouvernement du IIIème Reich septante-deux ans plus tôt, la Chine est accusée de mobiliser cet évènement sportif mondial majeur dans le but de détourner l’attention de la communauté internationale des différents scandales et polémiques présentes en son sein. De nombreux journalistes parlent alors de sportwashing1. Un concept désignant le processus par lequel des États voient l’organisation d’évènements sportifs comme un moyen d’améliorer leur réputation et de distraire l’opinion publique des problématiques qui leur sont reprochées.

Objectifs du travail

Dans ce travail, nous souhaitons analyser la manière dont le sport est mobilisé comme un outil d’influence dans les relations diplomatiques. Plus particulièrement, nous souhaitons rendre compte de la couverture médiatique faite des cinq éditions des Jeux olympiques en Suisse, de 1936 à 2008. Pour ce faire, nous privilégions la diplomatie sportive comme axe principal de notre recherche. Nous partons d’abord d’une question générale : 

  • Quelle est la place des Jeux olympiques au sein de la presse suisse romande?

Puis il s’agit de répondre aux questions suivantes : 

  • La presse romande donne-t-elle plus d’importance aux résultats sportifs ou aux enjeux politiques liés aux olympiades ? 
  • Les enjeux de sportwashing des Jeux olympiques sont-ils abordés au sein des journaux helvétiques ?

À l’aide de ces différentes observations, nous souhaitons donc répondre à la question suivante : de 1936 à 2008, l’instrumentalisation politique des Jeux olympiques par les pays organisateurs est-elle une pratique dénoncée dans la presse romande ?

Méthodologie

Structuration du corpus

L’histoire des Jeux olympiques durant le 20ème siècle est riche, et les éditions sélectionnées en sont une très bonne représentation. Par conséquent, il est intéressant d’examiner la façon dont les médias couvrent ces compétitions qui ont des implications à la fois sportives, politiques et parfois même idéologiques. Pour contextualiser ces événements, une méthode de filtrage est utilisée afin de sélectionner les articles publiés entre 1936 et 2008 contenant les mots-clés “Jeux olympiques“.

Figure 2 – Structuration du corpus

Pour commencer, nous avons décidé d’avoir une vue d’ensemble sur le sujet, représentée par le corpus principal. La période d’intérêt est choisie pour couvrir l’intégralité des éditions présélectionnées ainsi que l’organisation de celles-ci. Nous avons par la suite divisé le corpus principal afin de nous concentrer plus précisément sur les sous-corpus présentés dans la Figure 2. Ces sous-corpus nous permettent de cibler chaque édition des JO et d’analyser les résultats de notre recherche distinctement en fonction des objectifs. Pour chaque sous-corpus (cases vertes), une période de trois mois est sélectionnée afin de regrouper les articles pouvant traiter des Jeux olympiques avant et après le déroulement de ces derniers, ainsi que les thèmes des résultats et de la diplomatie sportive (cases bleues). Concernant les titres de presse, nous avons choisi deux quotidiens romands (L’Express et La Gazette de Lausanne) afin de constituer une large base d’analyse, sans toutefois les opposer. Nous souhaitions également intégrer le quotidien zurichois Neue Zürcher Zeitung. Cependant, à la vue du faible nombre d’articles disponibles dans la base de données d’Impresso, nous avons fait le choix de le remplacer par le Freiburger Nachrichten. En effet, contrairement à la NZZ, les articles disponibles du quotidien fribourgeois sont plus nombreux et nous permettent de couvrir une période plus longue et donc un nombre plus important d’éditions.

Traitement des données

Afin de faire ressortir les thématiques principales de notre corpus principal, nous avons réalisé une première analyse à l’aide du logiciel Iramuteq. Afin d’analyser l’intégralité des articles à disposition, il est nécessaire de séparer les articles car Iramuteq a une limite de nombre d’articles (10’000). Par conséquent, nous obtenons deux dendrogrammes : le premier regroupant les articles de L’Express et le deuxième les articles de La Gazette de Lausanne. Cette analyse initiale nous permet d’extraire différents champs lexicaux et de saisir sous forme visuelle l’importance de chaque sujet au sein du corpus principal. En observant les dendrogrammes ci-dessous, des champs lexicaux en ressortent. Au sein du quotidien L’Express de Neuchâtel, nous distinguons clairement trois catégories : une classe rendant compte des résultats et performances sportives des athlètes olympiques (47.5%), une seconde classe mentionnant des faits uniquement liés au contexte des Jeux olympiques (33%), et finalement une classe mettant l’accent sur la dimension organisationnelle et politique des olympiades (19.5%).

Figure 3 – Dendrogramme du corpus principal (L’Express)

Cette répartition des champs lexicaux nous permet déjà de constater la proportion majoritaire des résultats sportifs durant les Jeux. Bien que cette observation ne soit pas surprenante, son taux de 47.5%, soit plus de deux fois et demi supérieure à celui relatif à la dimension politique des olympiades, témoigne du fort intérêt que la manifestation sportive suscite auprès du grand public. 

En nous intéressant au corpus de la Gazette de Lausanne sur la même période, nous distinguons à présent quatre classes. La première fait encore état des résultats sportifs ainsi que des performances des athlètes (28,4%), la seconde fait état de la dimension économique des Jeux (15.9%). La quatrième classe (23,3%) propose un champ lexical relatif au cadre organisationnel des olympiades. La troisième catégorie quant à elle (32,5%) apparaît comme une classe autre ; aucun champ lexical précis ne s’en dégage. Cet aspect met en lumière un aspect important jusqu’alors sous-estimé lors de l’élaboration de notre corpus : la couverture médiatique des olympiades se veut avant tout sportive. En effet, il semble que les valeurs de compétitions amicales entre nations ainsi que le suivi des performances des athlètes nationaux soient ce qui intéresse avant tout les lecteurs, et que les questions d’ordre politique soient placées au second plan. 

Figure 4 – Dendrogramme du corpus principal (La Gazette de Lausanne).

Ces analyses préliminaires réalisées sur notre corpus nous permettent d’obtenir une classification claire des axes privilégiés par les titres de presse durant les Jeux olympiques. Pour les titres sélectionnés, il est davantage question d’aborder les faits relatifs à la compétition (ex. record, championnat, médaille) que de traiter d’enjeux politiques, économiques et sociétaux. 
Nous devons également noter que cette visualisation de l’ensemble de notre corpus est avant tout focalisée sur les journaux francophones qui constituent notre objet d’étude. Le logiciel d’analyse lexical Iramuteq étant moins performant en allemand qu’il ne l’est en français, de nombreux problèmes d’OCR sont présents et handicapent notre analyse. De ce fait, les articles rédigés en allemand ne sont pas considérés au sein de cette étape d’identification des thématiques transversales à notre corpus. 

Analyse

La couverture médiatique générale

Premièrement, nous voulons savoir quelle place prend le thème général des Jeux olympiques dans la presse. Pour obtenir une proportion assez représentative couvrant l’intégralité des éditions de 1936 à 2008, nous cherchons dans la base de données d’Impresso le nombre d’articles contenant les mots-clés “jeux olympiques” ou “olympische spiele” dans chacun de nos 5 sous-corpus. Nous réalisons par la suite la même recherche sans aucune indication sur des mots à trouver afin d’obtenir le nombre total d’articles pendant les différentes éditions. 
Nous additionnons donc le nombre d’articles évoquant les Jeux olympiques dans nos sous-corpus puis nous divisons ce résultat par le nombre total d’articles disponibles lors des 5 éditions. Nous obtenons la proportion moyenne d’articles sur le thème des Jeux lors d’une édition olympique.

Figure 5 – Proportion moyenne du nombre d’articles traitant des Jeux olympiques.

Le résultat obtenu par ce calcul est 1,2%. Il est donc important de relever le fait que les Jeux olympiques ne représentent qu’une infime partie des thèmes abordés dans la presse même pendant une édition des Jeux. Ce résultat semble surprenant car nous connaissons l’envergure médiatique ainsi que la renommée des Jeux. Cependant, la presse a aussi le devoir de documenter les différentes actualités locales et internationales qui ne sont pas liées aux Jeux olympiques.

La couverture médiatique selon les éditions de Jeux olympiques

Nous nous intéressons ensuite à la place que la presse helvétique fait aux Jeux olympiques dans ses colonnes. Il est connu que les articles présents en une d’un journal correspondent aux articles les plus importants. À l’aide d’un outil d’Impresso, nous obtenons le nombre d’articles en une ayant comme sujet les JO pour chacune des éditions sélectionnées. Il est alors possible d’obtenir la proportion d’articles en une traitant des Jeux olympiques en divisant par le nombre total de unes des titres de journaux sélectionnés (La Gazette de Lausanne et L’Express) sur les différentes périodes.

Figure 6 – Proportion du nombre d’articles en une traitant des Jeux olympiques selon le sous-corpus.

La Figure 6 ci-dessus montre que parmi les différentes thématiques importantes présentent dans la presse suisse romande, lors d’une édition des JO, les olympiades ainsi que les événements qui en sont liés constituent une portion visiblement faible. Néanmoins, il faut prendre en considération la durée réduite de la compétition et le nombre de unes à disposition. Les pourcentages obtenus sont tout de même plus élevés (minimum 9%) que le résultat obtenu dans l’analyse précédente (1,2%). C’est pourquoi, nous pouvons en conclure que le thème des Jeux ne prend pas beaucoup de place dans la presse suisse romande, mais lorsqu’on le considère, il est placé au premier plan.

Vue d’ensemble des cinq éditions olympiques

Afin de pouvoir observer des dénonciations de sportwashing faites à l’encontre des pays organisateurs des Jeux olympiques, nous affinons notre recherche au sein de la base de données d’articles de presse Impresso. En considérant le fait qu’il est difficile de saisir les lemmes sportwashing ou encore diplomatie sportive en tant que tel au sein de la presse, nous opérationnalisons donc notre recherche en constituant un lexique nous permettant de recueillir au mieux des articles traitants d’enjeux sociaux, politiques et économiques en lien avec les olympiades. De plus, nous essayons de constituer un lexique spécifique à chaque édition mais nos observations ne permettent pas de faire ressortir de nouveaux éléments par rapport à notre lexique général. Par conséquent, nous décidons de poursuivre notre analyse en utilisant les lexiques présentés dans le tableau ci-dessous.

Lexique relatif aux résultats sportifsLexique relatif à la diplomatie sportive
sportboycott
victoiremort
performance diplomatie
gagnerguerre
défaiteconflit
recordmanifestation

Cette étape de lemmatisation de notre problématique s’avère cruciale car elle nous permet de faire émerger le nombre d’articles traitant d’accusations de sportwashing.

Figure 7 – Proportion des thématiques abordées lors de chaque édition.

La Figure 7 ci-dessus prend uniquement en considération les articles francophones contenant le terme “Jeux olympiques” et les différentes couleurs représentent les thèmes abordés dans ces derniers. Les pourcentages sont obtenus en filtrant les articles de nos sous-corpus à l’aide des mots-clés mentionnés plus-haut.

En considérant à présent uniquement la thématique des Jeux olympiques, nous constatons que le pourcentage accordé à la couverture des résultats sportifs est significativement plus élevé que toutes les autres. En effet, quelque soit l’édition olympique considérée, peu d’attention est accordée aux enjeux politiques nationaux. Nous observons que le traitement de la diplomatie sportive et la dénonciation de sportwashing est particulièrement importante pour l’édition de Berlin en 1936, puis la tendance s’abaisse drastiquement avec un taux exceptionnellement bas de 10% de traitement de diplomatie sportive pour les Jeux olympiques de 1952 à Helsinki. Ce constat est d’autant plus étonnant, lorsque l’on prend en compte le fait que cette édition s’illustrait par le retour des athlètes de l’URSS. De plus, nous remarquons que 39% des articles concernant les Jeux olympiques de 1952 ne contiennent ni la thématique sportive ni celle du sportwashing. Cette observation vient sans doute s’expliquer par le fait que l’occurrence du terme est récente représente donc une limite à notre étude et une analyse plus approfondie avec des mots-clés plus précis mérite d’être menée. 
L’analyse de notre corpus nous montre finalement une tendance plus globale au sein de la presse helvétique : la couverture des résultats sportifs ainsi que la proportion d’articles évoquant la diplomatie sportive demeurent relativement stables, dès la seconde moitié du 20ème siècle. 

Difficultés rencontrées

Une des plus grandes difficultés que nous avons rencontré au sein de notre travail est au niveau de la saisie du sportwashing au sein de nos sous-corpus. Bien que les notions de soft power2 et de propagande auquel le terme renvoie ne sont pas de nouveaux concepts, l’utilisation du terme au sein des corpus de textes disponibles n’est que très récente. D’ailleurs le lemme sportwashing (et son autre variante orthographique sportswashing) n’apparaît jamais au sein des dendrogrammes lexicaux obtenus par Iramuteq. De ce fait, afin de pouvoir réaliser nos analyses nous avons été obligés d’opter pour la construction d’un lexique spécifique à la diplomatie sportive. Ce lexique est construit sur la base des mots-clés (topics) récurrents lors de la recherche d’articles sur Impresso pour chacun de nos sous-corpus.

La seconde difficulté que nous avons observé est la différence de répartition des articles disponibles, selon les années et les éditions des Jeux olympiques. Alors que pour les éditions des JO les plus anciennes nous disposons d’un plus grand nombre d’articles, ceci n’est pas le cas pour les éditions les plus récentes ; et tout particulièrement pour l’édition de 2008 à Pékin.En effet, étant donné que les articles disponibles sur l’outil Impresso pour le quotidien La Gazette de Lausanne vont jusqu’à l’année 1998, les résultats obtenus pour la dernière édition des olympiades de 2008 sont essentiellement concentrés sur le quotidien L’Express. Ceci représente une limite de représentativité vis-à-vis de notre corpus, car bien que le but de notre analyse n’est nullement de comparer les titres de presse, nous aurions aimé conserver une approche mettant en lumière la couverture de la diplomatie sportive au sein des journaux romands.

Conclusion

Notre étude se concentrant sur cinq éditions des Jeux olympiques et analysant la couverture médiatique de la diplomatie sportive en Suisse de 1936 à 2008, montre que cette dernière est fortement axée sur les aspects sportifs. Une attention moindre est accordée aux enjeux politiques et diplomatiques. Cependant, il convient de noter que cette étude se concentre principalement sur un échantillon de journaux francophones romands et que l’analyse des articles en allemand est limitée.

La diplomatie sportive et le sportwashing sont des concepts clés abordés dans cette étude. La diplomatie sportive se réfère à l’utilisation du sport comme instrument de médiation et de communication diplomatique, tandis que le sportwashing fait référence à l’instrumentalisation des événements sportifs pour améliorer la réputation des États et détourner l’attention des problèmes politiques internes.
En conclusion, il en ressort que les Jeux olympiques ont évolué au fil du temps pour devenir des événements politiquement chargés, utilisés par les gouvernements pour promouvoir leurs intérêts et améliorer leur image à l’échelle internationale. Cependant, la presse suisse romande accorde une plus grande importance aux résultats sportifs ; reflétant ainsi l’intérêt du public pour la compétition sportive au détriment des enjeux d’intérêts stratégiques qui se trouvent derrière les événements sportifs internationaux. Il reste donc important de reconnaître les dimensions politiques et les pratiques de sportwashing qui entourent les Jeux olympiques afin de promouvoir une vision plus nuancée et critique de cet événement mondial.

Références

[1] Les termes ‘’diplomatie sportive’’ et ‘’sportwashing’’ seront utilisés de manière interchangeable au sein de ce travail. Ce dernier est un anglicisme entré dans le langage courant francophone. Ces deux appellations font toutes les deux référence à l’instrumentalisation de compétitions sportives à des fins diplomatiques et politiques.
[2] Le soft power est un concept proposé en 1990 par le théoricien des relations internationales américain Joseph Nye. Ce concept décrit la capacité d’un État à exercer une influence sur la scène internationale par d’autres moyens que sa puissance militaire (ex. diplomatie, diffusion de sa culture, aide économique, etc.)

Bibliographie

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  • Dehillotte, P. « Les Jeux Olympiques à Berlin ». Journal des débats politiques et littéraires, 10 août 1936, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k508495f.
  • Duchemin, Juliette. 2020. « Que sont devenus les sites olympiques de Rio 2016 ? » Ouest-France, 20 janvier 2020. https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2020-01-20/que-sont-devenus-les-sites-olympiques-de-rio-2016-fa2f536f-34ae-4590-95db-3e339f5bf527.
  • Fernandez Benjamin, « Au Mexique, la presse au service d’une tyrannie invisible », Le Monde diplomatique,− novembre 2017, p. 20-21.
  • Milza, Pierre. “Helsinki, les Jeux de la guerre froide”. L’Histoire, vol. 34, juin 1980, https://www.lhistoire.fr/helsinki-les-jeux-de-la-guerre-froide.
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  • Roche, Emilie. « Otages à la Une. La couverture médiatique de l’attentat des JO de Munich (1972) ». Le Temps des médias, vol. 32, no 1, 2019,p. 106‑123.