Dans leur article intitulé ‘The end of greenwashing? A Renewed Infrastructure for CSR Information in the New Normal‘, Janet Su, PhD et la Prof. Gaia Melloni à HEC Lausanne (UNIL), ainsi qu’Ariela Caglio, de l’Université Bocconi (Italie), s’appuient sur une approche systémique pour créer un nouveau cadre que les entreprises et autres parties prenantes (les consommateurs·trices, employé·e·s, actionnaires, etc.) peuvent utiliser pour contrer le greenwashing, contribuant ainsi à sauver la planète. Entretien avec Janet Su.
De nombreuses entreprises prétendent être socialement et environnementalement responsables, mais les émissions et la pollution continuent d’augmenter. Pour quelles raisons le reporting sur la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) ne fonctionne-t-il pas ?
L’une des principales raisons est que la plupart des reportings RSE se font encore sur une base volontaire. Les entreprises peuvent communiquer ce qui les arrange, sans crainte d’un examen approfondi ou de sanctions si elles se livrent au greenwashing – c’est à dire l’écart entre les déclarations d’une entreprise en matière de RSE et ses actions concrètes.
Ce problème paraît difficile à résoudre, mais vous et vos co-auteures proposez une nouvelle approche pour réduire le greenwashing.
Nous suggérons d’adopter une approche systémique où les organisations se considèrent comme membre à part entière d’un écosystème plus large. Si une entreprise se comporte de manière à profiter à l’ensemble de l’écosystème, à ses consommateurs, fournisseurs, actionnaires et à la société, plutôt que de manière individualiste, cette entreprise en tirera également des avantages. Tout le monde progresse. Dans notre article, nous décrivons une « nouvelle norme » pour le reporting sur la RSE à laquelle nous pouvons toutes et tous travailler et contribuer.
Vous mettez en évidence quatre facteurs sur lesquels les parties prenantes (stakeholders) peuvent se concentrer pour créer les conditions permettant de réduire le greenwashing: 1) les stakeholder values, 2) la technologie et l’accès aux informations RSE des entreprises, 3) la sensibilisation au greenwashing et aux questions de durabilité, et 4) une plus grande surveillance réglementaire – pour créer les conditions nécessaires à la réduction du greenwashing. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet ?
Avec les stakeholders values, il s’agit d’inviter les entreprises à s’éloigner de leur objectif principal qu’est le profit des actionnaires, pour se tourner vers une situation où elles considèrent l’impact de leurs actions sur toutes les parties prenantes – consommateurs, employés, société, autres entreprises, communautés – lorsqu’elles prennent des décisions. La nature et l’environnement devraient également être considérés comme des parties prenantes à part entière. Cette approche se reflète ensuite dans le reporting.
Pour la technologie, l’idéal serait d’avoir une communication ouverte et interactive avec les entreprises en temps réel sur les questions de RSE. Toute information erronée pourrait être rapidement identifiée et traitée.
Avec la prise de conscience, nous avons besoin d’une meilleure connaissance de ce qu’est le greenwashing, d’une définition convenue et d’un moyen clair de l’identifier. Idéalement, il faudrait sensibiliser les gens au greenwashing et aux questions de RSE, que ce soit dans le système éducatif ou sur le lieu de travail. Tout comme les entreprises qui devraient « éduquer » leurs consommateurs. Nous devons également enseigner l’esprit critique pour permettre aux gens d’évaluer correctement les sources d’information.
Quant à la réglementation, l’idéal serait d’opter pour une réglementation normalisée et obligatoire autour des données environnementales, sociales et de gouvernance, et qui seraient vérifiables au même titre que les données financières.
Comment mettre en pratique votre modèle ?
Les entreprises doivent tenir compte de ces quatre facteurs et essayer de progresser vers l’état idéal décrit dans l’article. Ce sont des principes directeurs sur la façon de se comporter qui réduiront le greenwashing et les dommages qu’il cause. Donner plus d’informations ou adopter des pratiques plus sûres et plus responsables ne nuira pas aux entreprises, mais cela profitera à tout le monde dans l’écosystème. C’est gagnant-gagnant. D’autres parties prenantes, telles que les consommateurs et les activistes, peuvent utiliser notre cadre comme une check-liste pour évaluer si les entreprises se comportent de manière appropriée par rapport au comportement idéal et identifier celles qui sont les plus susceptibles de faire du greenwashing.
Les entreprises sont souvent dépeintes comme les mauvais élèves qui cherchent à esquiver les réglementations et s’engagent dans le greenwashing. Pourtant, de nombreuses entités s’efforcent d’être plus performantes en matière de RSE – plus éthiques, plus durables. Malheureusement, elles n’ont pas toujours les bons outils ou ne savent pas par où commencer. Nous proposons un cadre que les entreprises peuvent utiliser pour améliorer leurs rapports et qui est également utile aux autres parties prenantes.
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