Thèse en géographie, soutenue le 25 novembre 2022 par Nora Stambolic, rattachée à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.
Les réseaux de firmes ont rarement été utilisés pour détecter les effets des frontières sur la performance économique et l’intégration des régions frontalières, même s’ils sont très importants pour donner à voir des différents canaux de prise de décision et de pouvoir entre les firmes et les villes frontalières. Cette thèse de doctorat contribue à combler cette lacune et à alimenter le débat actuel sur la mesure dans laquelle les entreprises et les villes frontalières peuvent tirer parti des frontières.
L’objectif général de cette thèse de doctorat est d’identifier le niveau d’intégration interne et externe dans les régions métropolitaines transfrontalières du point de vue de leurs réseaux. Notre hypothèse générale est que l’ouverture des frontières au sein de l’Union européenne encourage les régions métropolitaines frontalières à coopérer au niveau régional pour être compétitives au niveau mondial en s’appuyant sur les points forts existants dans les secteurs privé et public (en combinant les différences et les complémentarités). Cette hypothèse repose sur le fait que les fonctions des frontières ont subi de profonds changements dans le contexte de l’intégration européenne, de la mondialisation des échanges économiques et de l’affaiblissement du rôle des États nationaux dans la régulation de l’ordre économique et social. Les fonctions des frontières comme barrières et outils de contrôle ont fortement diminué ; les frontières n’apparaissent donc plus seulement comme des contraintes mais aussi comme des ressources, notamment en ce qui concerne l’exploitation des différentiels frontaliers par les entreprises et les travailleur·euse·s.
Pour examiner l’aspect géographique du comportement des entreprises dans les régions frontalières, les effets des frontières sur les performances économiques des villes frontalières et la position des villes frontalières dans les réseaux mondiaux d’entreprises multinationales, un cadre conceptuel multidimensionnel et multi-échelle est proposé. Un accent particulier est mis sur l’étendue géographique des réseaux et des modèles d’intégration à différents niveaux (c’est-à-dire le niveau micro des entreprises, le niveau méso des villes et le niveau macro des systèmes interurbains) et à différentes échelles spatiales (régionale, nationale et mondiale). Les données sur les entreprises sont extraites de la base de données ORBIS qui fournit des informations sur les caractéristiques générales et les emplacements géographiques des 3 000 premiers groupes d’entreprises mondiales et de leurs 800 000 filiales liées par 1 000 000 de relations de propriété en 2013. Cette analyse est complétée par des entretiens qualitatifs menés auprès d’un échantillon d’entreprises et d’acteurs transfrontaliers situés dans la région métropolitaine transfrontalière de Copenhague-Malmo où les réseaux transfrontaliers intra-entreprises semblent particulièrement développés.
Les résultats indiquent que la coexistence de différents environnements réglementaires de part et d’autre de la frontière a permis l’établissement de diverses formes de réseaux d’entreprises transfrontaliers, avec toutefois un caractère asymétrique et des avantages plus importants pour une partie de la région frontalière.
En outre, cette thèse a montré empiriquement que les réseaux d’entreprises multinationales qui se forment entre les villes frontalières contribuent grandement à l’intégration transfrontalière, ainsi qu’à leur importance hiérarchique au sein des réseaux de villes mondiales. Dans cette optique, on peut affirmer que l’avenir des villes frontalières est fortement lié à leur intégration externe avec d’autres villes au sein du système économique mondial. Cela souligne la nécessité d’une collaboration avec les villes existantes et futures, entre les industries des différentes villes, ainsi que le développement d’industries innovantes complétant les industries existantes.