Thèse soutenue par Christelle Gabbud, le 9 mai 2019, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
Les cours d’eau alpins peuvent être fortement modifiés par les activités humaines. Les impacts directs comprennent notamment la construction de barrages et d’infrastructures de prélèvement d’eau ainsi que l’ingénierie des rivières pour la production d’énergie hydroélectrique. Ces modifications ont un impact à la fois sur le débit des cours d’eau et sur le transfert des sédiments, et en conséquence sur la faune et la flore en aval. Alors que les impacts liés aux barrages sont bien étudiés, les impacts liés aux prises d’eau sont beaucoup moins connus.
Les prises d’eau sont conçues pour prélever de l’eau en vue d’un transfert latéral ou interbassins, tout en laissant les sédiments derrière elles, dans des bassins d’accumulation qui sont généralement beaucoup plus petits que les réservoirs des barrages. L’accumulation de sédiments entraîne alors la nécessité de vider périodiquement les bassins des prises d’eau, et ce parfois jusqu’à plusieurs fois par jour dans certains bassins versants très englacés, en raison de taux d’érosion naturellement plus élevés. La livraison de sédiments en aval est alors maintenue par le biais d’inondations de courte durée avec des charges de sédiments très élevées (purges) mais, étant donné que le moyen de transport (l’eau) est prélevé, la capacité de transport des sédiments est réduite. La connectivité sédimentaire amont-aval n’est ainsi pas éliminée, mais plutôt réduite.
Cette dynamique de dépôt et de propagation des sédiments induit une modification continuelle des structures spatiales. Cela peut entraîner la perte d’habitats dans la plaine d’inondation, la modification des habitats du cours d’eau et, par conséquent, avoir des répercussions sur la productivité et la diversité de l’écosystème. Afin d’atténuer ces impacts, la recherche s’est penchée à la fois sur l’introduction de débits environnementaux (e-flows) et sur la variabilité des débits nécessaire au maintien des écosystèmes aquatiques. Bien que ces stratégies se soient largement avérées pertinentes pour les cours d’eau régularisés par des barrages, peu d’études ont été consacrées aux réponses de la macrofaune en aval des prises d’eau.
L’objectif de la recherche présentée dans cette thèse est de comprendre les implications des prises d’eau et de leur gestion pour les écosystèmes des cours d’eau en milieu alpin. Sur la base de mesures de terrain et de modèles appliqués à une étude de cas, les impacts à long terme sur l’écologie du cours d’eau liés à des infrastructures de prélèvement de l’écoulement, où l’apport en sédiments est maintenu mais la capacité de transport est réduite, sont établis. Les raisons de ces impacts sont distinguées entre la variabilité naturelle de l’écologie des cours d’eau en aval des glaciers et les impacts tant du captage de l’eau que de l’apport en sédiments sur les structures spatio-temporelles. L’évolution de la qualité de l’habitat est abordée par la modélisation.
Les résultats ont d’importantes implications sur la manière dont nous abordons la conception des débits environnementaux dans de tels bassins versants et démontrent le rôle central joué par les sédiments dans l’hostilité de l’environnement. La nécessité d’aborder les enjeux de gestion en lien avec les sédiments (sed-flows) est soulignée et des solutions d’atténuation sont proposées. Les résultats s’inscrivent dans le contexte général du changement climatique et du besoin croissant en ressources énergétiques durables. Ce travail contribue à la recherche d’un compromis entre la viabilité économique des infrastructures hydroélectriques et la protection des écosystèmes aquatiques des cours d’eau alpins.