Thèse soutenue par Magali MATTEODO, le 18 janvier 2018, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
L’impact du réchauffement climatique sur la flore des sommets alpins est bien connu, mais celui sur la végétation proche de la limite de la forêt l’est beaucoup moins. De plus, à ces altitudes, les études décrivant les sols, ainsi que les facteurs contrôlant leur distribution et la dynamique de la matière organique (MO) qu’ils contiennent, sont très peu nombreuses.
Ces sols représentent des réservoirs importants de MO, surtout dans leur partie sommitale avec l’humus, réelle interface entre le minéral et le vivant (plantes, organismes du sol). Les caractéristiques de cette interface permettent de définir ce que l’on appelle les formes d’humus. Le futur de cette MO sous l’effet des changements climatiques reste très incertain. Pour mieux le comprendre, ll est nécessaire d’identifier les facteurs écosystémiques (végétation, climat, topographle, matériel parental du sol, etc.) qui régissent la dynamique de la MO du sot.
Le but de cette recherche était d’étudier (i) la réaction des principaux types de végétation subalpine-alpine aux changements climatiques récents, (ii) les sols et les formes d’humus auxquels ces types sont associés, et (iii) les facteurs écosystémiques qui contrôlent la distribution des formes d’humus et ta stabilité de la MO dans l’environnement alpin.
Trois sites d’étude ont été sélectionnés dans les Alpes suisses. Huit types de végétation distribués entre 1700 et 2700 m. d’altitude, et couvrant un gradient d’acidité et d’humidité du sol, ont été retenus. Des inventaires floristiques récents (2013-2014) ont été comparés avec des inventaires historiques (1964-1990), les sols et les formes d’humus correspondants ont été décrits, et la stabilité de la MO a été étudiée thermiquement.
Les différents types de végétation ont montré des réactions contrastées face aux changements climatiques récents. La composition et le recouvrement spécifique des pelouses catcaires et acides sont restés très stables.
En revanche, les communautés végétales dépendantes d’un long enneigement (combes à neige) ont changé. Plusieurs espèces, arrivant des pelouses avoisinantes, ont colonisé ces milieux, probablement en raison des fontes des neiges progressivement plus précoces et des saisons de croissance plus longues.
Une grande diversité de sols et de formes d’humus caractérise les huit types de végétation. Cependant, la distribution des formes d’humus est surtout contrôlée par le matériel parental du sol, le climat, et ta topographie. La végétation ne jouerait qu’un rôle mineur. Les facteurs écosystémiques qui contrôlent la dynamique de la MO sont apparus comme très variables d’un horizon à l’autre (l’horizon étant la couche de sol présentant des caractéristiques propres). La végétation influencerait la stabilité thermique de la MO dans ta litière mais pas dans les autres horizons. En profondeur, dans les horizons avant tout minéraux, le taux d’approvisionnement en matériel organique frais et les caractéristiques physico-chimiques du sol contrôleraient la stabilité de la MO.
Cette étude confirme donc que les facteurs affectant le destin de la MO du sol sont nombreux, spécifiques à la fois au type sol et à la profondeur considérés, et hautement interconnectés. L’évolution de la végétation induite par les changements climatiques récents va probablement avoir un impact limité sur la dynamique de la MO des sols de haute montagne.