Alkaline Magma Generation at Plate Margins: The Role of Melts at the Lithosphere-Asthenosphere Boundary

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Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 11 décembre 2025 par Maud Jordan, rattachée à l’Institut des sciences de la Terre (ISTE) de la FGSE.

Le volcanisme terrestre se concentre principalement aux limites des plaques lithosphériques. Ces plaques, continentale et/ou océanique, constituées de croûte et de manteau lithosphérique, sont rigides et froides. Elles se déplacent sur l’asthénosphère, une portion plus chaude et plus ductile du manteau, où des magmas peuvent se former si les conditions sont favorables. Dans les contextes de limites divergentes, comme aux rides médio-océaniques, les magmas sont générés par décompression du manteau asthénosphérique, créant une nouvelle lithosphère océanique. Dans les contextes de limites convergentes, comme les zones de subduction, le processus est plus complexe : la plaque en subduction transporte de l’eau et d’autres éléments dans le manteau asthénosphérique abaissant sa température de fusion et entraînant la formation d’arcs volcaniques. Chacun de ces contextes tectoniques produit des magmas spécifiques : tholéiitiques aux rides médio-océaniques, calco-alcalins dans les zones de subduction. Il existe également un troisième type de volcanisme, dit intraplaque, se développant loin des limites de plaques et souvent attribué à des panaches mantelliques remontant du manteau inferieur. Ce volcanisme particulier est fréquemment associé à des magmas alcalins, dont les processus de formation, encore mal compris, représentent la problématique centrale de cette thèse.

Bien qu’ils soient typiques des contextes intraplaques, les magmas alcalins se retrouvent également dans les rifts continentaux, le long de rides océaniques, et dans certaines zones de subduction. Leur composition est sous-saturée en silice et enrichie en éléments traces, ce qui soulève des questions sur leur origine dans le manteau terrestre et sur les processus qui les amènent jusqu’à la surface, surtout dans des contextes intraplaques, où l’épaisseur de la lithosphère agit comme un « couvercle » thermique. De plus, leur signature chimique, notamment en éléments majeurs, et leur répartition globale ne peuvent s’expliquer par une anomalie thermique liée à la remontée d’un panache mantellique, suggérant l’existence d’un réservoir de magma diffus à grande échelle.

Cette thèse aborde ces problématiques à travers deux études de cas : l’Islande et la Nouvelle-Zélande, où le contexte tectonique constitue un laboratoire naturel pour comprendre la formation des magmas alcalins. Les deux premiers chapitres portent sur des zones en limite de plaques lithosphérique et examinent l’association des magmas alcalins avec le volcanisme de ride et celui lié à la subduction. Dans les deux cas, nous montrons que la genèse des magmas alcalins se fait à de faible profondeur, proche de la limite lithosphère-asthénosphère (LAB) au sein de la Low Velocity Zone (LVZ), une zone du manteau caractérisée par de faibles vitesses sismiques associées à la présence de petites quantités de liquides et observée globalement.

  • En Islande, la ride médio-Atlantique génère principalement des magmas tholéiitiques, tandis que des magmas alcalins apparaissent hors axe. Nos résultats montrent que ces deux types de magmas dérivent d’une même source mantellique, et que leurs différences reflètent la distance à l’axe de la ride lors de leur formation, ainsi que le degré d’interaction avec le manteau lithosphérique : quasi nul pour les magmas tholéiitiques à l’axe, mais marqué pour les magmas alcalins en position hors axe.
  • En Nouvelle-Zélande, magmas alcalins et magmas d’arc coexistent dans l’espace et dans le temps. Nos résultats suggèrent que les magmas alcalins se forment par accumulation et rééquilibration près de la LAB de faibles quantités de liquides générés dans le manteau asthénosphérique supérieur en présence de CO₂ et H₂O, tandis que les magmas d’arc apparaissent de façon plus ponctuelle, liés à des pulses de fluides/liquides de la plaque subductante. Leur association spatiale suggère que les magmas d’arc facilitent l’extraction des magmas alcalins stockés à la LAB, en limitant leur interaction avec le manteau lithosphérique. Ces résultats confirment le rôle clé de la LVZ comme réservoir durable de magmas alcalins.

Le dernier chapitre étend ce modèle au volcanisme intraplaque de l’île du Nord (Nouvelle-Zélande), caractérisé par un large spectre de compositions allant du basalte (sub)alcalin à la néphélinite et par une lithosphère épaisse limitant l’extraction des magmas. Nos résultats montrent que la LVZ joue à nouveau le rôle de source persistante, tandis que le manteau lithosphérique agit comme un filtre qui canalise et modifie les magmas au cours de leur ascension. D’une part, les variations locales de la profondeur de la LAB contrôlent la signature des magmas produits dans la LVZ. D’autre part, l’infiltration et la migration des magmas dans la lithosphère, guidées par le gradient thermique, favorisent la cristallisation de minéraux hydratés, tels que l’amphibole. La fusion de ces assemblages apparaît comme un processus clé pour la formation de magmas très alcalins, comme les néphélinites.

Le système asthénosphère-lithosphère se révèle central dans le contrôle du magmatisme alcalin. En montrant que ces magmas peuvent être générés par des processus peu profonds dans des contextes tectoniques variés, cette thèse propose un mécanisme unifié expliquant leur large répartition et relie les approches précédentes centrées soit sur la fusion carbonatée asthénosphérique soit sur le métasomatisme lithosphérique, en soulignant le double rôle de la lithosphère : à la fois filtre et source, elle façonne la remarquable diversité géochimique des magmas alcalins observée en surface. Plus généralement, l’interaction entre stockage dans la LVZ, remaniement lithosphérique et contrôle tectonique offre une nouvelle perspective sur la compréhension du volcanisme alcalin à l’échelle globale et remet en question les modèles invoquant des sources profondes.

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