
Thèse en géographie, soutenue le 8 septembre 2025 par Davide Ceccato, rattaché à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.
Ces dernières années, la ville de Venise est devenue un symbole du ‘surtourisme’, un lieu où les statistiques touristiques ne sont pas seulement citées, mais sont activement mobilisées pour dénoncer les effets négatifs du tourisme sur la qualité de vie urbaine et pour justifier des interventions politiques spécifiques. Cette thèse propose une analyse critique de la production et de l’usage des statistiques relatives à la mobilité touristique à Venise, en considérant les chiffres non comme des reflets neutres de la réalité, mais comme des artefacts socialement construits et politiquement situés. Elle interroge également la place croissante de la quantification dans le discours public et les logiques de gouvernance urbaine, en particulier dans les destinations confrontées à ce qui est désigné comme un excès de tourisme. Dans ces contextes, les représentations chiffrées des flux touristiques tendent à légitimer les choix de gestion, orienter les politiques publiques et structurer les perceptions sociales du phénomène.
En mobilisant les apports des Social Studies of Quantification (SSQ), des Critical Data Studies (CDS), de la géographie et des études touristiques, cette recherche développe un cadre conceptuel et méthodologique permettant d’explorer les dimensions sociotechniques, institutionnelles et politiques des données touristiques. Elle examine aussi la manière dont les statistiques ont été historiquement construites, leur circulation dans les sphères publique et institutionnelle, ainsi que leur inscription dans des dispositifs technologiques tels que le Smart Control Room.
Cette recherche retrace l’évolution de la quantification touristique depuis les premiers registres administratifs et enquêtes statistiques jusqu’à la datafication contemporaine des mobilités à travers les traces numériques et la gouvernance algorithmique (chapitre V). Cette évolution met en lumière non seulement des transformations dans les techniques de mesure, mais aussi des inflexions dans les manières d’appréhender le tourisme par les acteurs institutionnels.
Cette thèse s’intéresse également à la production et à l’usage des catégories servant à définir et à compter les touristes, en les analysant comme des constructions façonnées par des contextes administratifs, politiques et technologiques (chapitre VI). Elle dépasse ainsi l’idée d’une neutralité des chiffres pour les envisager comme les reflets de cadrages politiques plus larges et d’une définition mouvante du tourisme.
Enfin, cette étude examine le modèle de gouvernance touristique mis en œuvre à travers les données numériques, en s’appuyant notamment sur le cas du Smart Control Room, révélateur d’une approche de plus en plus centralisée, opaque et sélective de la gestion urbaine (chapitre VII). Cette thèse repose sur des entretiens, des recherches d’archives, des analyses documentaires et des observations de terrain.
Finalement, elle contribue aux débats contemporains sur la gouvernance des données, le tourisme urbain et la dimension sociale des chiffres.